La tragique et fascinante histoire d’une Terre promise

Israël-Palestine

3000 ans, 33 dates-clés

Dirigé par François Reynaert

Liana Levi NouvelObs

160 pages -15 €

La 4e de couverture dit très bien :

Plus que tout autre, peut-être, le tragique conflit israélo­palestinien s’enracine dans une très longue histoire, qu’il est impossible de comprendre en se limitant à un seul point de vue. D’où le pari de ce livre, embrasser 3 000 ans d’histoire partagée. 

En 33 dates, soit 33 récits qui courent de l’époque biblique du roi David à la nouvelle guerre de Gaza, en passant par la construction du dôme du Rocher, la période des Croisades ou l’épopée des premiers kibboutz, il donne au lecteur les clés de compréhension du temps long. Par la multiplication des regards, il lui montre aussi que les peuples se disputant cette terre trop promise ont tous deux une légitimité à y trouver leur place et à y vivre en paix.

Cet ouvrage a été rédigé par 25 journalistes du Nouvel Obs, sous la direction de    , par ailleurs auteur de nombreux livres d’histoire, dont La Grande Histoire du monde et La Grande Histoire du monde arabe (Livre de Poche).

En voici des passages :

……….. Vers 1000 av. J.-C. : La chanson de David

Pendant des siècles, le royaume de David et de Salomon, invoqué par les sionistes pour justifier le retour sur la Terre promise, a nourri l’imaginaire des Juifs, des Musulmans et des Chrétiens. Mais les archéologues peinent à trouver ses traces : a-t-il seulement existé ?

 L’histoire du royaume israélite de David et de son fils Salomon, qu’on situe traditionnellement à la fin de l’âge du bronze, au Xsiècle avant notre ère, a inspiré bien des artistes et bien des têtes couronnées. 

[…]

 Les sionistes, à la fin du XIXe siècle, y compris les plus athées d’entre eux, s’appuyaient eux aussi sur cette mémoire pour souligner la légitimité de leur cause : non seulement le peuple juif vient bien de Palestine, mais il fut un temps où, depuis Jérusalem, il régnait sur toute la région. Aujourd’hui encore, en Israël, les deux rois sont chantés dans les écoles.

Il y a pourtant un léger problème : l’historicité de ce grand royaume n’a jamais été démontrée. Salomon et David ont-ils même existé ou faut-il les ranger au rayon des légendes, à côté du roi Arthur et d’Hélène de Troie ? Historiens et archéologues se déchirent sur la question.

La place de l’imaginaire

En Israël, le débat est devenu acerbe. En 1999, l’archéologue Ze’ev Herzog, de l’université de Tel-Aviv, lance la charge dans un article publié par le journal Haaretz : « Les Israélites ne sont jamais allés en Égypte, n’ont pas erré dans le désert, n’ont pas conquis militairement la terre de Canaan et ne l’ont pas transmise aux douze tribus d’Israël. Ce qui est peut-être encore plus dur à avaler, c’est que le royaume unifié de David et de Salomon décrit par la Bible comme une puissance régionale était au mieux un petit fief tribal. » L’article soulève un grand émoi. Deux ans plus tard, Israël Finkelstein, directeur de l’Institut d’Archéologie de la même université, et l’historien Neil Asher Silberman publient un best-seller qui va dans le même sens : La Bible dévoilée (Bayard, 2002). À les lire, David et Salomon ont sans doute existé, mais leur royaume devait être très modeste.

[…] 

Selon l’historienne des religions Katell Berthelot  (Jérusalem, histoire d’une ville-monde, sous la direction de Vincent Lemire, Flammarion, 2016), ces querelles, dans lesquelles se mêlent parfois des arrière-pensées idéologiques ou religieuses, sont difficiles à trancher : « Les découvertes sur cette période sont trop clairsemées, trop ponctuelles, pour avoir des certitudes et dresser un portrait d’ensemble. Les archéologues assènent des arguments d’autorité, sur lesquels il est très difficile de se faire un avis objectif. » Chercher dans ces ruines la légitimité de la cause israélienne ou palestinienne, ajoute-t-elle, est complètement vain. La principale réalité, c’est celle qu’ont créée les textes. 

Pascal Riché

1099 : Les rois francs de Jérusalem

Après la première croisade, la Ville sainte et les États latins d’Orient sont gouvernés par une dynastie d’origine franque. Un épisode clé dans l’histoire de la région.

Jérusalem, ville morte. Ce 15 juillet 1099, les 1200 chevaliers rescapés de la première croisade et leurs 20 000 hommes franchissent enfin les remparts de la cité céleste. Alléluia ! Au nom de la vraie foi, ces « pèlerins en armes » pillent et massacrent : des Musulmans, des Juifs et même des Chrétiens d’Orient arabophones. « On voyait dans les rues et sur les places de la ville des monceaux de têtes, de mains, de pieds », raconte l’historien Guillaume de Tyr. Partis trois ans plus tôt à l’instigation du pape Urbain II pour faire triompher la « paix de Dieu » et délivrer les lieux saints tombés aux mains des « Sarrasins », les premiers croisés se sont ensuite prosternés devant le Saint-Sépulcre, tombeau du Christ. C’est du moins ce que racontent les historiens du XIIe siècle.

[…]

Alors,  qui pour unifier les États latins d’Orient ? Les chevaliers désignent le vaillant et pieux Godefroy de Bouillon. Mais ce descendant de Charlemagne venu de Lotharingie répugne à se couronner d’or dans la ville où le Christ a porté une couronne d’épines. Il prend le titre d’« avoué du Saint-Sépulcre ».

[…]

Mais, en dépit des forteresses édifiées aux frontières – notamment l’imposant krak des Chevaliers en Syrie-, les barons, souvent divisés, finissent par trouver leur maître : Saladin, ce sultan qui a unifié le monde musulman de l’Égypte à la Syrie, et dont le portrait décorera un jour le bureau de Yasser Arafat, s’empare de Jérusalem en 1187.

Malgré l’organisation de huit croisades supplémentaires, les États latins d’Orient sont rayés de la carte en 1291.

1948 : « Un État juif portera le nom d’Israël»

Après la Shoah et ses six millions de victimes, la création d’une nation juive s’impose. Pour les Palestiniens, c’est le début d’une interminable « catastrophe », la « Nakba ». 

Parrainage des deux « grands »

Le projet est mis au vote de l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947. Il est adopté par 33 voix pour, 13  et 10 abstentions.

George Marshall, le secrétaire d’État américain, et derrière lui les milieux diplomatiques et ceux de la Défense étaient opposés à la création d’un État juif, de peur de rompre les alliances arabes qui venaient à peine d’être nouées, comme celle avec Ibn Saoud, l’ambitieux roi fondateur de l’Arabie saoudite. Mais le président Truman a pesé de tout son poids en faveur du oui. Il est et restera en faveur de l’État à venir pour des raisons tout à la fois morales et humanitaires – liées au traumatisme de la découverte des camps de la mort – mais aussi, comme chez beaucoup de protestants américains, religieuses : le premier peuple élu de Dieu doit retrouver la terre qui lui a été promise par Lui.

[…]

Plus curieusement au regard de l’histoire ultérieure, l’URSS agit également en faveur d’un État juif. Staline voit peut-être les travaillistes qui dominent l’Agence juive comme des quasi-communistes qu’il pourra rallier. Il est plus certainement ravi d’éjecter le vieux rival britannique- cette incarnation du capitalisme – d’une région du monde où il cherche à prendre pied.

 À Tel-Aviv, cœur battant du Yichouv, l’annonce du vote de l’ONU suscite une vague de joie immense. Mais elle provoque la colère chez les Arabes. Comment pourraient­ils accepter de partager une terre qu’ils estiment leur avec une population venue d’Europe, au titre de réparation d’un crime commis en Occident, dont ils ne sont en rien responsables ?

[…]

Dès le lendemain, tous les pays voisins – Égypte, Transjordanie, Liban, Syrie, Irak, soutenus par la nouvelle Ligue arabe et aidés de l’intérieur par une garde d’Arabes palestiniens – attaquent conjointement l’État qui vient de naître, déclenchant la première des guerres israélo-arabes. Après quelques succès éphémères du côté des assaillants, le sort des armes se retourne en faveur de l’agressé. À l’été 1949, Israël a signé des armistices successifs avec tous ses ennemis et gagné haut la main cette première manche : le territoire contrôlé, délimité par la « ligne verte » – du nom de la couleur de l’encre utilisée par les diplomates pour la tracer sur les cartes -, est bien plus vaste que la part allouée par l’ONU, et comprend la moitié ouest de Jérusalem.

Pour le jeune État hébreu, cette victoire est vécue omme une version moderne de David contre Goliath, un miracle fondateur. 

[…]

Des décennies de controverses

Les seuls indiscutables perdants de l’épisode sont les membres de ces populations que bientôt on commencera, appeler les Palestiniens. Environ 700 000 d’entre eux ont

perdu leurs maisons et leurs villages. 

[…]

Un fait demeure. Au moment où le jeune État hébreu célébrait avec émotion sa première année d’existence, entre 700 000 et 800 000 Palestiniens se pressaient dans des camps de réfugiés. Une grande partie de leurs descendants y sont toujours.

François Reynaert

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