Libre opinion
Homosexualité
Équité
contre prescriptions bibliques ?
Chanoine Alan
Billings
directeur du Centre
d'Éthique et de religion
de l'université de Lancaster, Angleterre
.
29 mai 2007
« Nous ne devrions pas juger de l'homosexualité
à partir de quelques passages bibliques
mais selon le principe de
l'équité »
Qui a écrit cela ?
Serait-ce un
membre de l'aile libérale de l'Église
d'Angleterre ? Après tout, dire que des passages de la
Bible pourraient avoir moins de poids qu'un vague « principe
d'équité »
semble plutôt libéral.
Mais avant de vous révéler mes
sources, je voudrais souligner l'importance de cette question en ce
qui concerne les débats éthiques de
l'Église.
- D'abord il y a l'idée d'une
contradiction possible entre
plusieurs principes éthiques. Beaucoup de chrétiens ne
l'admettent pas au nom de l'idée qu'il n'y a jamais qu'une
seule attitude juste.
On pensait cela au temps où l'Europe
et les États était chrétiens [tel roi, telle
religion] mais cela n'est plus possible au 21e siècle. Cela fait deux cents ans que
nous savons que les hommes ont différentes conceptions du bien
et du mal.
Il y a un monde de différence entre
les conceptions que l'on a dans les communautés Amish des
États-Unis et celles du fidèle moyen de l'Église
anglicane.
- Ensuite il faut savoir comment
décider qu'un principe
éthique peut l'emporter sur une prescription biblique.
Alors, qui a bien pu dire « C'est pourquoi je conclu que nous ne
devrions pas juger de l'homosexualité à partir de
quelques passages bibliques mais selon le principe de
l'équité » ?
C'était le réformateur Jean
Calvin. J'ai un peu
triché : Il n'a pas dit l' « homosexualité » mais le « prêt à
intérêt ». Mais la question à laquelle il entendait répondre est
semblable à la nôtre : peut-on ne pas tenir compte
d'une prescription biblique lorsqu'elle semble entraver
l'épanouissement de la vie des gens ? C'est bien de cela
qu'il s'agit car il faudrait être aveugle pour ne pas voir
combien de couples homosexuels sont épanouis.
Pour Calvin, la question se posait
ainsi : les textes bibliques interdisant le prêt à
intérêt avaient eu pour but d'empêcher les pauvres
de se voir réduits à l'esclavage. Mais ils
empêchaient maintenant les gens d'emprunter pour financer le
développement de leur entreprise.
Dans une lettre à un ami il disait
premièrement que cette interdiction du prêt à
intérêt avait eu un sens en son temps mais que le
contexte du 16e siècle était différent :« Notre situation n'est
plus la même. Pour cette raison je ne suis pas d'accord de
condamner aujourd'hui le prêt à intérêt
pour autant qu'il soit pratiqué avec équité
et charité. »
S'y opposer serait sans aucun doute « jouer avec la Parole de Dieu de
manière puérile en préférant la lettre
à son esprit ».
Il considérait ensuite la
nécessité de hiérarchiser l'importance des
divers principes. Il accordait notamment une plus grande importance
à une attitude d'équité et une moins grande
importance au respect de la règle interdisant le prêt
à intérêt.
Cette décision de Calvin ouvrit en
effet l'Europe à un développement économique
d'une importance inimaginable auparavant.
Calvin montre ainsi comment permettre au christianisme d'élaborer
une éthique permettant le développement, faute de quoi
il se condamnerait à perdre sa
crédibilité.
Sa courageuse
affirmation : « C'est
pourquoi je conclu que nous ne devrions pas juger du prêt
à intérêt à partir de quelques passages
bibliques mais selon le principe de
l'équité » a débloqué le débat
à propos du prêt intérêt : comment
protéger le faible contre la spoliation du puissant, quel
montant d'intérêt est équitable, comment aider
les pauvres qui sont trop pauvres pour emprunter ?
Même si nous pensons qu'il y avait un
principe biblique interdisant les relations homosexuelles, il n'est
pas du tout évident que nous soyons obligés de lui
donner prééminence sur les autres principes avec
lesquels il entre en conflit. Dans ce cas, l'opposition se situe
entre le principe d'interdiction des relations homosexuelles et le
principe d'épanouissement humain. On peut juger qu'une
société aura plus de cohésion si les homosexuels
y mènent une relation stable, aimante et reconnue par tous,
que s'ils sont interdits et méprisées.
L'Église a besoin d'un Calvin
moderne, qui prenne la Bible trop au sérieux
pour « jouer avec la Parole
de Dieu de manière puérile en préférant
la lettre à son esprit », qui soit capable de poser une affirmation
courageuse au sujet de l'homosexualité. Car ce débat a
besoin d'être vraiment renouvelé.
Church Times
25 mai 2007
Retour vers
Connaissance de la Bible
Retour vers
"homosexualité"
Retour vers "libres
opinions"
Vos
commentaires et réactions
haut de la page