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Spirituel et temporel
peuvent-ils être séparés ?


Jacques Musset

catholique libéral


 

 14 février 2022


La déclaration des évêques français à la veille des présidentielles dit en conclusion : « Il ne s’agit pas de confondre les réalités spirituelles et temporelles, mais bien de les articuler. Nous ne sommes pas tiraillés entre notre identité de croyants et notre identité de citoyens parce qu’elles ne se situent pas sur le même plan ». Que signifie cette curieuse affirmation ?

 

Essai de décodage

À lire la déclaration, on ne peut que comprendre qu’il y a deux niveaux dans la vie du chrétien :

 - 1er niveau : son identité spirituelle chrétienne qui est la plus profonde, et qui existe en soi, indépendamment de son enracinement dans l’histoire du christianisme et indépendamment de l’enracinement humain singulier du croyant, dans un pays, dans une culture, dans des événements, des situations et des choix vécus depuis sa naissance… Cette identité chrétienne serait donc la même pour n’importe quel chrétien, qu’il vive à Tokyo, à Dakar ou à Paris, à savoir celle qui est formalisée par les dogmes et la morale chrétienne, exposée par les évêques, lesquels auraient reçu mandat de Jésus et donc de Dieu pour l’exprimer et l’interpréter.

 - 2ème niveau : il s’agit de son identité de citoyen marquée par l’appartenance à son pays, par son éducation, ses études, par son métier, par ses engagements, par sa vie de célibataire ou en couple et en famille.

De plus, il faut comprendre que ces deux niveaux sont impossibles à confondre, facilement repérables, « c’est pourquoi nous ne sommes pas tiraillés entre les deux parce qu’ils ne situent pas sur le même plan ». Il reste seulement à les « articuler ».

Voilà donc, selon les évêques, une brève présentation de la vie du chrétien : il possède une identité chrétienne tout à fait définie qu’il reçoit au baptême et qu’il doit faire sienne, en l’accueillant telle qu’elle est, en l’étudiant et en lui étant fidèle le mieux possible. De là, fort de cette identité, il doit l’articuler avec son identité citoyenne, à la fois reçue et en devenir, puisqu’elle s’inscrit dans une histoire en évolution permanente. Le texte ne dit pas ce qu’est et comment se fait cette articulation. Le mot d’articulation suggère au lecteur soit un plaquage, soit un accrochage, soit un assemblage sans voir pour autant ce que peuvent donner les deux identités articulées.

La parole des évêques  est-elle en consonance avec la parole évangélique ?

Telle qu’elle est rédigée, nous pouvons nous demander si la formule des évêques est en consonance avec ce que nous disent les évangiles de l’expérience chrétienne en référence à ce qu’a vécu Jésus de Nazareth et à l’esprit qui l’animait à travers ses paroles et ses actes libérateurs. Je réponds  par la négative.

En effet, dans nos évangiles, il n’est nulle question d’une articulation entre identité de croyant et identité de citoyen, qui renverrait à deux réalités différentes bien séparées. Jésus qui est de culture juive ne connaît pas de double identité humaine. Pour lui, l’homme est tout un, à la fois spirituel et corporel (donc temporel) sans que l’on puisse séparer les deux, et il est vivant dans toutes les dimensions de son être parce qu’animé par un souffle divin. Ce à quoi Jésus appelle et qu’il vit lui-même « avec une intensité d’exception » (Stanislas Breton), c’est de s’exercer à unifier le sens de son existence (Jésus a évolué comme nous), en cultivant la droiture intérieure, le refus du mensonge et de la duplicité, l’attention à autrui notamment à ceux qui souffrent, la lucidité sur ses addictions (ses richesses, son goût de dominer, son conservatisme rituel, légaliste…), l’ouverture au changement qui évite l’encroûtement, l’admiration face aux merveilles d’humanité dont témoignent hommes, femmes et enfants, croyants ou non... C’est ainsi, qu’en étant attentifs aux exigences de leur conscience, Jésus comme chacun de ceux qui ont été éveillés par lui et qui aujourd’hui suivent sa « Voie » ont fait et font l’expérience du Dieu intérieur.

Dans cette perspective, le chrétien n’a donc pas à articuler une identité croyante avec une identité citoyenne. Cette conception de l’homme n’est pas juive, elle est grecque. Dans la culture grecque de l’antiquité, on pense l’homme comme un composé d’une âme immortelle et d’un corps mortel, immergés pour un temps dans l’histoire du monde. Son âme spirituelle venant du monde divin anime le corps périssable, qui lui est inférieur, et retourne au monde divin d’où elle émane. Le christianisme s’est pensé à travers cette représentation et ce langage dès ses premiers siècles lorsqu’il s’est répandu dans les pays de culture grecque, de la Syrie jusqu’à l’Afrique du Nord. Il s’en est suivi une réinterprétation du message évangélique qui a été tronqué en profondeur jusqu’à aujourd’hui. Le langage des évêques qui parle  d’une double identité chez les chrétiens, celle de croyant et celle de citoyen, bien distinctes qu’il faut articuler, correspond à la conception grecque de l’homme. Il y aurait chez les disciples de Jésus une partie noble, celle de l’âme immortelle, purifiée du péché originel par le baptême et habitée par l’Esprit de Dieu et une partie moins noble, immergée dans le temporel et le corporel,soumise aux aléas de l’histoire et aux réactions des bas-fonds humains. La partie noble doit dompter et dresser la partie moins noble, sujette aux tentations de toutes sortes. C’est ainsi que l’on a éduqué les catholiques et qu’il en demeure de beaux restes.

La parole évangélique

Ce n’est pas l’Évangile de Jésus. Pour lui, la personne humaine dans son entièreté est une. Il s’adresse à elle dans son intégralité et pas seulement à son intelligence ou à sa volonté, qui auraient à charge de s’occuper de la partie corporelle, citoyenne, temporelle. Car l’être humain est entièrement dans chaque partie de son être. Il n’existe pas de spirituel qui ne soit immergé dans le corporel et le temporel et inversement. La parole évangélique s’adresse donc directement à l’homme concret, positionné dans les situations historiques qu’il traverse au cours de sa vie et qui le sollicitent à choisir son chemin, et non seulement à une tête pensante et à un cœur désincarné.

Pour un chrétien, à l’approche d’une présidentielle, la réflexion sur son vote et sur les motifs qui le fondent ne résulte donc pas d’une articulation de son identité de croyant (résumé par son credo dogmatique et la morale catholique officielle) avec des réalités où se mêlent ambiguïtés et impuretés, moyennant quoi il verrait clair. Non, la parole évangélique, qui n’est pas un savoir dogmatique mais une invitation à chacun à promouvoir ce qui l’humanise dans toutes les dimensions de son existence personnelle et sociale, elle s’adresse directement à l’électeur pour l’inviter à analyser la situation de son pays et à faire personnellement son choix en fonction des propositions qui lui semblent répondre au souci du bien commun (et non pas en priorité à ses intérêts).  Peut-être les évêques et beaucoup de prêtres auraient-ils besoin dans leurs propos de se désintoxiquer de la conception chrétienne passée par la moulinette de la culture grecque afin de revenir à la parole évangélique qui interpelle toujours l’être humain dans sa totalité et dans son incarnation historique.

 



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