Le religieux dans la presse

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Awa, bannie il y a quatre ans. Dans sa région d’origine, une zone particulièrement pauvre du plateau Mossi, au nord-ouest de la capitale, à la lisière du Sahel, une femme âgée sans enfants pour subvenir à ses besoins peut devenir un poids pour la société…

Au Burkina Faso, de vieilles sorcières

Une atmosphère paisible, des femmes qui s’activent à préparer un repas sur un feu de bois, tandis que d’autres filent du coton, rien à première vue qui trahisse le moindre drame. Et pourtant, ces femmes Mossi, l’ethnie majoritaire du Burkina Faso, un pays de l’Ouest de l’Afrique, anciennement Haute Volta, ont dû fuir leur village sous peine de mort. Ces vielles femmes paisibles sont accusées, sans la moindre preuve, d’être des sorcières, ou des « mangeuses d’âme ». Sans famille pour les prendre en charge et les protéger, ces quelques 400 vieilles femmes bannies de leur communauté ont trouvé refuge à Ouagadougou la capitale, au centre Delwendé tenu par des religieuses catholiques et que la mairie et le ministère de l’Action sociale soutiennent. Ce Centre accueille des femmes sans ressources, bannies de leur communauté villageoise et accusées sans preuve, évidemment, d’être des sorcières. Et elles risquent tout simplement d’être mises à mort si elles restent. Alors, pour sauver leur vie, elles ont pris la route, comme des milliers d’autres dans le pays, et après des jours d’errance, elles ont eu la chance d’être accueillies dans l’un des centres comme celui de Delwendé à Ouagadougou.  

L’une de ces femmes raconte qu’une épidémie dans son village a tué nombre d’enfants et qu’elle a été accusée de leur mort.  « Les jeunes ont alors brûlé ma case et les vieux m’ont bannie du village sans que le chef n’intervienne. Les coups de bâtons, les jets de pierres, les scarifications avec des objets contondants ont laissé des traces indélébiles sur mon corps », témoigne-t-elle. Une autre est accusée par les villageois d’avoir « mangé » l’âme d’un enfant qui venait de mourir. Elle a dû s’enfuir, menacée, mise au ban du village. Elle raconte qu’elle a erré trois jours et trois nuits dans la brousse avant d’être recueillie au Centre. Le lien familial est définitivement rompu avec la famille et interdiction de rendre visite aux « sorcières » du Centre sous peine de bannissement car le village croit-on, serait en danger d’être contaminé par la « sorcellerie ». « Au Burkina Faso, la sorcellerie a arbitrairement un visage féminin. Celles qui sont taxées de sorcières sont des veuves que l’on accuse souvent d’avoir tué leur conjoint, des femmes très âgées, stériles, issues de foyers polygames… »  

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Le phénomène de la « chasse aux sorcières » n’est pas près de cesser au Burkina Faso, ni ailleurs en Afrique. En 2006, une étude menée par le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale a montré qu’environ 90 % des femmes bannies se suicidaient. Pour la seule année 2009, on a enregistré 36 suicides liés aux accusations pour sorcellerie sur 100 tentatives. Le texte de loi réprimant l’acte consistant à chasser ces vieilles femmes que les responsables des centres d’accueil réclament depuis des années n’a jamais été voté. Dans les contrées rurales du Burkina Faso, face à ces vieilles, pauvres et abandonnées, l’option est donc très claire : « justice expéditive, justice sauvage » ! La Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale Burkina-Niger (CEBN) participe elle aussi, avec d’autres ONG, à la campagne contre l’exclusion et les violences faites aux femmes, en particulier celles accusées de sorcellerie. 

A Ouagadougou, pendant longtemps, les parents ont mis en garde les enfants apeurés, afin qu’ils ne s’approchent pas des « sorcières », sous peine de « perdre leur âme ». Maintenant que l’information circule davantage, les habitants sont devenus moins craintifs. L’idée que ces femmes ont peut-être été victimes d’accusations sans fondement fait doucement son chemin et les « vieilles sorcières » du Centre ne sont plus autant craintes que dans le passé. Elles ne sont désormais plus obligées de mendier et développent maintenant une activité économique qui leur permet de faire face à leurs besoins. Le coton qu’elles tissent ou le savon qu’elles produisent sont vendus en ville, ce qui était impensable dans le passé. 

Ce progrès est le fruit de diverses émissions télévisées qui ont mis en exergue le travail du Centre Delwendé, mais aussi de l’action de sensibilisation des pouvoirs publics. https://www.cath.ch/newsf/des-religieuses-les-accueillent-au-centre-delwende-de-tanghin/

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Le voile, le sport et… l’Iran

Et voilà que le voile a refait son apparition ! Le premier ministre a décidé d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale une proposition de loi interdisant le voile islamique dans le sport. Une loi déjà adoptée au Sénat le 18 février.  « Aucun signe religieux ostentatoire ne doit être porté lors des compétitions sportives », a déclaré la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les discriminations qui, en annonçant la proposition de loi, a précisé qu’un « terrain de sport n’a pas à être un lieu d’entrisme religieux et d’entrisme politique. » Et sur le sujet, on a retrouvé le ministre de l’Intérieur qui a dans une interview le 16 mars, déclarait « avoir un certain nombre d’informations qui démontrent un entrisme islamiste dans le sport, notamment de la part des Frères musulmans », alors qu’une autre étude venue du ministère de l’Intérieur n’a pas démontré « de phénomène significatif de radicalisation ou de communautarisme dans le sport. » Même son de cloche du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, cité par Le Monde, qui parlait aussi « d’entrisme » et menaçait de quitter le gouvernement au motif« qu’on ne peut pas rester dans un gouvernement qui cède sur ces questions-là », alors que la ministre de l’Éducation estime de façon aberrante « que ce sont aux fédérations sportives de définir leur règlement intérieur. » 

Le Monde relève que « cette volonté de la droite d’interdire le port du voile dans le sport n’est pas nouvelle. En 2021 et 2022, le gouvernement – auquel appartenait Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur – avait fait échec aux tentatives des parlementaires LR d’interdire le port de signes religieux ostentatoires dans les compétitions sportives. » 

Finalement il a été décidé que joueurs et joueuses devront s’astreindre à respecter le principe de neutralité. Entre 2016 et 2024, le football, le basketball, le volleyball, et le rugby se sont inclinés. Mais aujourd’hui le débat autour du projet de loi est reçu par les responsables confessionnels musulmans comme une entreprise de stigmatisation de l’islam. 

Le recteur de la Grande Mosquée de Lyon le dit, cité par Le Monde « Nous avons beau clamer haut et fort que nous voulons être des citoyens de ce pays, la volonté affichée au sommet est de nous voir disparaître de l’espace public. » Il dit encore : « Le sportest d’ordinaire un moyen de créer du collectif. Là, on va interdire à des jeunes filles de pratiquer, au nom d’un supposé entrisme islamiste. » On peut remarquer que le « supposé entrisme islamiste » existe bel et bien dans certains endroits et que pour garder la tête couverte, puisqu’il est question de ça, nombre de jeunes et moins jeunes musulmanes ont inventé des manières de se coiffer avec le foulard islamique pris dans un chignon. Alors pourquoi pas les sportives ? 

Quant à la remarque qui induirait de l’interdiction du voile par la Fédération de basket l’absence de nombreuses filles en compétition, il me semble qu’il faudrait aussi s‘interroger sur l’attitude de familles à la pratique rigoriste de l’islam, qui bloquent toute pratique du sport justement parce que c’est un « outil d’émancipation » de ces filles que l’on préfère garder à la maison !

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L’émancipation des filles et des femmes en Iran passe entre autres par enlever son voile. Un curieux inversement de la situation. Un voile obligatoire qui a valu tout simplement la mort à Mahsa Amini, rouée de coups par les gardiennes des bonnes mœurs, ces horribles mégères enveloppées de voiles noirs qui au nom de l’islam (quel islam ?) veillent à ce qu’aucun cheveu ne dépasse du voile noir de la gent féminine. 

Un voile que ces temps-ci on a tendance, à bas bruit, à laisser glisser, découvrant une mèche de cheveux quand d’autres refusent carrément de se couvrir les cheveux une manière de résister malgré les risques d’arrestation, de confiscation de biens ou de perte d’emploi quand ce n’est pas l’hôpital psychiatrique qui attend ces Iraniennes courageuses. 

On a même vu en novembre dernier, une jeune femme déambulant calmement devant le campus d’une université de Téhéran en sous-vêtements, longs cheveux au vent, devant des agents de sécurité chargés de veiller à la bonne tenue des étudiants et sidérés. On ne sait quel sort lui a été réservé mais il semble qu’elle ait eu maille à partir avec des agents de sécurité de l’université pour ses vêtements « insuffisamment islamiques ». On ne sait plus rien d’elle mais des médias iraniens suggéraient qu’elle aurait été placée en centre psychiatrique. Car il faut être folle, aux yeux du pouvoir, pour vouloir incarner la lutte des femmes iraniennes et leur détermination à se réapproprier leur corps et leur liberté. 

Aux dernières nouvelles, « une partie du pouvoir iranien semble s’être résignée à un pragmatisme limité et temporaire », remarque Le Mondele 23 avril. « Ainsi la loi sur la ‘chasteté et le hijab’ adoptée par le Parlement à l’automne 2024 prévoyant des peines sévères contre les femmes mal voilées a été suspendue par crainte qu’elle ne provoque une polarisation et n’affaiblisse le régime. » 

Mais le régime est déjà bien affaibli sur le plan international et intérieur. Et beaucoup, dont nombre de femmes, attendent la disparition du Guide suprême et la naissance d’un pays apaisé.

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