
Paroles choisies
Par Virgile Rochat et Marc Donzé
Maurice Zundel
112 pages – 15 €
Recension Gilles Castelnau
Voir aussi Maurice Zundel S’émerveiller
Dans la recension de son ouvrage « S’émerveiller », on a mentionné le prêtre catholique Maurice Zundel et sa pensée présentée conjointement par le pasteur protestant Virgile Rochat et le prêtre catholique Marc Donzé qui ont tous deux été séduits par le mysticisme de sa pensée et son côté contemplatif.
Ce recueil de citations intéressera également tous ceux qui sont à la recherche de la conception d’un Dieu qui ne soit pas un être suprême dominateur et aliénant, au surnaturel aberrant mais source intérieure de vie et d’épanouissement.
En voici des citations.
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POUR OUVRIR LE CHEMIN
… Ne pas subir
De fait, l’homme peut être agi par ses instincts et ses pulsions, par ses déterminismes de classe ou de race, tout en croyant être libre. C’est alors la soif de l’argent, le vertige du sexe ou l’exaltation du pouvoir qui le possèdent. L’illusion est fréquente de se proclamer libre, quand on ne fait que suivre la pente de l’intérêt, de la séduction, de la domination et que l’on ne respecte pas l’autre comme autre. Zundel le marque d’une expression tranchante : « C’est goûter le triomphe de notre liberté, en savourant notre animalité. » Si l’on veut accéder à une liberté vraie, le défi, qui court tout au long de la vie, c’est de devenir libre des tyrannies inscrites en soi-même.
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DEVENIR LIBRE
UNE ASPIRATION ESSENTIELLE
… Un thème dangereux
La liberté peut présenter un danger. Sas cadres, elle peut vite dégénérer. Des limites sont nécessaires, mais quelles limites ?
On a connu la liberté beaucoup plus pour les dangers qu’elle renferme que pour la dignité qu’elle représente. La société a donc voulu encadrer cette liberté, la protéger contre elle-même, protéger la vie contre l’anarchie et tout cela s’est fait spontanément en vertu de ces exigences mêmes de la vie qui veut durer et qui, pour durer, pour subsister, doit se protéger contre les dangers qu’elle renferme.
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Un droit de l’homme
La Déclaration des droits de l’homme, affirmant le droit à la liberté de chaque personne, est une importante avancée. Mais elle ne va pas assez loin.
[…]
On a établi ces droits à partir de la supposition que l’homme naissait libre. Or, c’est faux. L’homme naît comme un candidat à la liberté, avec une vocation à la liberté, avec une exigence de liberté, mais il est d’abord un faisceau de déterminismes, un paquet d’impulsions et d’instincts, dont il aura à se dégager laborieusement jusqu’à l’éclosion en lui de la personne.
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APPROCHES
Une définition-programme
Être libre, c’est être libéré de toutes ses préfabrications. Être libre, c’est être une source, une origine, un espace ; c’est être le créateur de soi, mais dans le don total de soi dans tout ce que nous pouvons faire. Je n’ai pas choisi d’exister, je n’ai pas choisi mon hérédité, je n’ai pas choisi mon milieu, je n’ai pas choisi ma langue, je n’ai pas choisi ma culture, et ainsi de suite… je n’ai rien choisi de ce qui me constitue. Comment puis-je être « moi », un moi originel et créateur, un moi digne de respect et inviolable ? C’est en prenant tout le paquet en le donnant, c’est quand je me dessaisis de toutes ces préfabrications, dans un pur élan d’amour que je suis libre… libre de moi et que je deviens un « moi » authentique, un moi oblatif, un moi relatif, un élan, un regard vers l’Autre.
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Une générosité
Quand donc il est question de liberté, il ne faut jamais dissocier ce mot magnifique de cet autre mot qui n’est pas moins beau… qui est générosité. Liberté et générosité vont ensemble ! C’est une seule et même chose, car notre liberté, c’est le pouvoir de nous donner, le pouvoir de faire de tout notre être une offrande, le pouvoir de faire de notre vie un espace de lumière et d’amour, où le monde entier pourra trouver un accueil et un refuge.
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Liberté et émerveillement
Et nous-mêmes, quand nous nous souvenons des heures étoilées, des heures d’émerveillement et d’admiration, nous prenons immédiatement conscience de cette identification de la liberté avec la libération. Tout d’un coup, nous nous sommes sentis allégés du poids de nous-mêmes devant un grand spectacle de la nature, au contact d’une œuvre d’art intensément vécue, dans l’éclosion d’un amour.
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QUELS OBJECTIFS
Devenir générosité et don
C’est toujours le même principe : je veux dire que la liberté ne s’accomplit que dans une libération, la personnalité ne s’affirme que dans le don de soi. On n’est source et origine, on n’est présent à tout, on n’est vraiment une valeur universelle que dans la mesure où on est totalement vidé de soi.
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COMMENT Y PARVENIR ?
Un Dieu intérieur qui libère
La présence de Dieu est universelle. « Dieu est toujours coprésent », disait le théologien Karl Rahner. Mais, pour Zundel, une présence uniquement extérieure qui serait écrasante ou contraignante serait irrespirable. La présence essentielle de Dieu est intérieure, du cœur au cœur, parce que c’est une présence d’amour et d’alliance. Par là même, elle est une présence libératrice, une présence qui ouvre le cœur, une présence qui « infinitise ».
Dieu est dedans, et le signe de sa Présence, c’est que l’homme lui aussi s’intériorise et se libère. C’est la signature de Dieu : intériorisation, libération. Dieu entre, non pas par la porte, mais du fond de nous mêmes. Il entre du dedans, il constitue ce dedans, il le fait surgir, il en est le centre et le foyer, il en est la caution et la défense. Il en est la respiration et la vie, mais dans une libération infinie, car il ne s’agit plus de soumission, de dépendance ; il ne s’agit plus d’un Dieu-limite, d’un Dieu-menace, d’un Dieu-sanction, mais d’un Dieu que l’on respire, d’un Dieu qui est la vie, d’un Dieu qui est l’espace, où la liberté enfin se connaît et s’accomplit, non pas comme la faculté de choisir entre deux routes à un carrefour, mais comme ce pouvoir radical de se ressaisir tout entier et de faire de soi un don.
Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui, et lui avec moi (Apocalypse 3, 20).
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Une expérience mystique
Le chemin de la liberté, dans le fond, est une expérience mystique. Autrement dit, une expérience de relation avec Celui qui est la source de la liberté.
C’est cette expérience (mystique) qui nous met en possession de nous-mêmes. C’est cette expérience qui donne un sens à ce mot de liberté : libre, c’est à-dire capable de ne pas subir notre être, de ne pas subir l’univers, mais de le recréer, de lui donner une nouvelle dimension en nous prenant tout entiers à la racine de nous-mêmes pour faire de notre vie une offrande d’amour.
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QUELLES CONSEQUENCES ?
Il n’y a plus de morale, mais une mystique
Dans la pensée de Zundel, la mystique est constitutive du positionnement chrétien. C’est la présence intérieure de Dieu qui, de l’intérieur, va donner au croyant cette énergie de vie qui va le faire agir selon que Dieu le demande. L’exercice ne consiste plus dès lors à agir juste, mais à laisser Dieu agir en nous.
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Réorienter les passions
En mettant en regard toutes les citations qui précèdent, nous observons que la liberté vue par notre auteur ne vise pas à dévaloriser ou à contrecarrer ce qu’il y a d’humain en l’homme, mais bien d’orienter les flux et les énergies dans une bonne direction. Zundel ne veut pas de refoulement, mais une orientation des passions, qui sont des forces de vie, vers la lumière.
Il ne s’agit donc pas de renier ses passions mais de les orienter, de les ouvrir en les apprivoisant.
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OBSTACLES, ECUEILS, DIFFICULTES
L’ego : le premier ennemi de la liberté J
Le plus grand obstacle à notre liberté est ce qu’il est convenu d’appeler « l’ego ». On pense habituellement que la liberté consiste à satisfaire son moi. Or, pour Zundel, c’est précisément l’abandon de son « moi-je autocentré » qui est la condition de la liberté. On pense aussi souvent que ce sont les autres qui font obstacle à notre liberté. Mais c’est bien plus le « moi-je » et c’est sur ce « moi-je » qu’il faut travailler.
Il n’y a pas de liberté tant que nous sommes emprisonnés dans nos déterminismes et nos préfabrications et l’ennemi le plus terrible de notre liberté est en nous-mêmes. Ce ne sont pas les autres qui sont le grand obstacle à notre liberté, c’est nous-mêmes.
[…]
Et justement ce vieux moi nous donne le sentiment le plus parfait de notre esclavage. Ce moi qui est à la fois individuel et collectif, ce moi qui nous enfonce dans nos préjugés de race, de peuple, de couleur, de sexe, de confession religieuse même opposée à une autre, ce vieux moi est presque toujours au premier plan. Il nous empêche de nous connaître nous-mêmes. Il nous empêche d’atteindre, d’arriver jusqu’à nous-mêmes. Il nous maintient dehors, comme dit saint Augustin. Il nous empêche d’arriver dedans.
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