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Comprendre Jésus-Christ

Vendredi saint

 

 

Gilles Castelnau

 

.

 

Jésus est mort sur la croix le Vendredi saint en s'écriant « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné », répétant à son tour le début du Psaume 22, comme tant et tant de gens avant lui et après lui, jusqu'à nous peut-être. Il prend place dans la si longue lignée des martyrs qui sont morts en criant leur détresse à la face du ciel. Et à cause de ce premier Vendredi saint, la croix est le symbole du christianisme et le christianisme est la religion du Dieu qui nous donne de vaincre la souffrance et de l'assumer.

 

24 novembre 2003


L'évangéliste Luc
montre que la participation de Jésus à l'histoire souffrante du monde a commencé dès sa naissance :

il n'y avait pas de place pour lui dans l'hôtellerie Luc 2.7

Matthieu rapporte qu'elle a commencé dans l'angoisse du massacre des enfants par le roi Hérode Mat 2.16-18.

Pour Jean, elle a culminé dans les mots :

voici l'homme

que l'on peut sans doute lire aussi avec une majuscule : « voici l'Homme » lorsque Pilate le présente à la foule hurlante, sanglant et ironiquement vêtu en roi.

Jésus a vécu le tragique de l'existence humaine menacée par les forces obscures de la défaite et de la mort. Il n'était pas, comme on le racontait de Zeus, un dieu venu se promener sur la terre avant de remonter en sécurité au ciel sans avoir participé réellement à notre humanité.
Mais les épreuves et les angoisses des hommes, Jésus les a affrontées sans trahir ni faiblir, pleinement imprégné de la Présence de Dieu. L'Esprit divin a ainsi pris corps en un homme à Noël, comme jamais cela ne lui avait été possible ; l'Esprit saint a triomphé dans la victoire de Pâques, nous le célébrons à Pentecôte, comme tous ceux qui se confient en Lui.

 

 

1


La lutte contre la souffrance

 

Les raisons de la mort de Jésus

 

Le sacrifice de sa vie, Jésus l'a fait en poursuivant sans faiblir son ministère de libération et d'amour inconditionnel, malgré l'opposition des scribes et des Pharisiens. Ce n'était pas un sacrifice d'expiation ayant pour but d'apaiser la colère de Dieu, ni la banale jalousie de leaders religieux vexés d'un succès qui leur échappait. Il s'agit bien de l'opposition fondamentale entre le monde du Dieu des hommes et la conception rigide de la Loi d'un Dieu de glace.

Marc et Luc situent ce conflit dès le début du ministère de Jésus, en cinq épisodes violents. Luc 5.17-6.11.
- Marc voit cette scène dramatique dans un cadre qui évoque le culte de l'Eglise :

Il était à la maison et il s'assembla un si grand nombre de personnes qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte. Il leur annonçait la parole. Marc 2.1-2

- Luc en souligne davantage le côté décisif en présentant l'ensemble comme une sorte de grand procès :

Un jour Jésus enseignait. Des Pharisiens et des docteurs de la loi étaient là assis, venus de tous les villages de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem ; et la puissance du Seigneur se manifestait par des guérisons. Luc 5.17

La position assise des Pharisiens les place en situation de juges et la mention de leur provenance de tous les villages de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem leur donne une vraie représentativité.

Les cinq occasions de critiques qu'ils vont trouver dans les divers aspects du ministère de Jésus déboucheront sur leur condamnation sans appel ; c'est bien là, dès le début de son action, que Jésus a, d'une part manifesté sa révélation du Royaume de Dieu et d'autre part mérité sa condamnation par les pouvoirs en place. Ce sont :
- le pardon accordé au paralysé sans repentance préalable de sa part et sans condition
- le repas fraternel pris avec les pécheurs et les gens de mauvaise vie, impureté dont les gens pieux se gardaient
- le repas remplaçant ce jour-là le jeûne et la prière, devoirs religieux méritoires
- la petite moisson d'épis de blé transgressant l'interdit du sabbat
- la guérison de la main sèche également le jour du sabbat, révélant ainsi qu'apaiser la faim des hommes et leur restituer leur intégrité physique représente aux yeux du Christ une loi plus importante que les lois divines les plus sacrées.

La conclusion de Marc est :

Les Pharisiens se consultèrent aussitôt avec les Hérodiens sur les moyens de le faire périr Marc 3.6

Alors que Luc conserve un certain suspense :

Remplis de fureur ils discutaient entre eux sur ce qu'ils feraient à Jésus

On comprend que Jésus a délibérément affronté la colère et la condamnation des Pharisiens pour pardonner, fraterniser avec les pécheurs, participer à ce repas douteux au détriment de la prière traditionnelle et du jeûne, laisser apaiser la faim de ses disciples au lieu de respecter rigoureusement le sabbat et considérer la guérison de l'homme comme plus importante que le sabbat.
C'est toute une théologie centrée sur l'homme plutôt que sur le livre sacré, fut-il celui de Moïse, que Jésus vient accomplir au mépris de sa réputation et de sa vie.

 

Matthieu. L'opposition pharisienne est analogue à celle des deux autres évangiles synoptiques - Marc et Luc - mais Matthieu écrit d'abord le Sermon sur la montagne et une série de dix guérisons et paroles de puissance pour nous montrer d'abord le Royaume de Dieu librement révélé, sans opposition, en pleine sérénité. La crise que le ministère de Jésus ne peut manquer de déclencher est ainsi repoussée au discours du chapitre 10 et surtout dans les récits du chapitre 12 qui sont analogues à ceux de Marc et Luc.

 

Jean montre, lui aussi, que l'action de Jésus rencontre l'opposition mortelle deceux qu'il appelle « les juifs ».

Au chapître 8, Jésus fait libérer la femme adultère menacée de lapidation par la Loi de Moïse telle qu'elle était pratiquée à l'époque, en s'affirmant comme lumière du monde 8.12 et en accusant les lapideurs d'être des fils du diable :

Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir ses désirs. Il est meurtrier depuis le commencement 8.44

C'est alors contre sa personne que se tournent les jeteurs de pierre 8.59

De même après que Jésus a appelé Lazare hors de sa tombe, il est lui-même à son tour menacé de mort 11.45-53

Ce que Jésus résume clairement en expliquant que c'est en défendant ses brebis contre l'agression du loup que le bon berger perd lui-même la vie. 10.11

 

La croix était logiquement inscrite dans le dessein initial révélé à Noël. Le cantique des anges

Paix sur la terre parmi les hommes que Dieu aime

ne pouvait en effet qu'entraîner scandale et opposition de ceux que les synoptiques nomment Pharisiens, Jean les Juifs, et dont l'esprit sommeille dans le coeur de chacun de nous : esprit de moralisme sclérosé, d'intégrisme, bonne conscience de ceux qui croient défen-dre la cause de Dieu. Attitude défensive, faite de la peur de ceux qui sentent le monde leur échapper ; bêtes blessées acculées et dangereuses,

Malheur à vous scribes et Pharisiens Matthieu 23

 

Le Vendredi saint débouche sur Pâques. Dieu intervient en faveur de Celui qui a agi selon son Esprit :

La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient
Est devenue la principale, celle de l'angle.
C'est du Seigneur que cela est venu
Et c'est une merveille à nos yeux
Matthieu 21.42

Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié Actes 2.36

 

La prière de Jésus à Gethsémané

Que Ta volonté soit faite et non la mienne Luc 22.42

ne signifie pas que Dieu ait voulu la mort de Jésus. Ce n'était pas à Dieu que Jésus offrait sa vie mais aux hommes.
Dieu ne veut la mort de personne ; mais Sa volonté est bien que se développe ce Royaume d'amour que Jésus a si bien révélé et propagé au péril de sa vie. La volonté de Dieu n'était sûrement pas que Jésus trahisse sa cause et pactise avec les Pharisiens même si la tentation en a peut-être été grande !

 

.

 

Toi qui as lutté dans la nuit de Gethsémané
qui as connu la défaite et la douleur et qui les as acceptées
toi qui acceptes d'être vaincu par notre orgueil, notre indifférence ou notre folie
et par notre foi
toi qui as su la morsure, la souillure de la mort
toi qui te tiens dans notre vie de toute ton attention
toi qui veux, ô créateur, notre participation
nous te prions.

Seigneur Jésus qui t'es levé dans l'aube de Pâques
toi qui portes en tes mains la lumière
toi qui fais lever sur la terre si désespérée et si douce
un jour nouveau
toi qui nous veux près de toi dans la joie rayonnante
avec devant nous l'avenir tout neuf
de la vie immédiate et de la vie éternelle
Jésus, nous te prions.

Fais-nous connaître le secret où tu nous attends
dévoile à chacun l'aube qui est au fond de sa nuit
entend nos prières pour toute la terre
pour la paix, la justice et la liberté des hommes
pour le renouvellement et l'unité de ton Église
pour que chacun de nous te recherche et te trouve
nous te prions.

 

.

 

La « colère de Dieu » n'a pas été apaisée par la mort de Jésus mais au contraire s'est élevée contre ce meurtre comme elle s'élève contre la mort de tout homme.

 

Saint-Anselme (1033-1109) a développé toute une théorie sur le sacrifice de Jésus destiné à contrebalancer le péché des hommes. Jésus n'aurait vécu sur terre que pour y mourir. Sa croix serait un drame joué pour le salut des hommes mais, en quelque sorte, directement entre lui et Dieu.
Cette conception d'un Dieu singulièrement préoccupé du péché des hommes et y voyant la mise en cause de son honneur nous semble bien différente du message de Jésus-Christ.
Si le Christ nous libère et nous sauve, c'est qu'il a lutté avec ferveur, persévérance et sans crainte ; il a été vaincu par les forces destructrices de l'immobilisme et nous entraîne pourtant, à cause de son enthousiasme et de son amour, à cause de Dieu que nous devinons en lui. Mis en route par le même Esprit divin qui l'animait, nous le suivons, nous entrons, nous aussi, dans ce dessein de Dieu et nous participons à la création d'une nouvelle humanité libérée de ses aliénations.

 

La croix est plantée en notre monde

 

Jésus-Christ s'implique dans notre vie, participe à nos souffrances et nous invite à entrer dans son combat en faveur d'un monde plus heureux, à affronter, comme il l'a fait. Il nous pousse à affronter les forces du mal qui tirent les hommes vers le bas, à ne pas fuir les conflits et les oppositions que l'on ne peut manquer de rencontrer et à porter nous aussi une croix, comme il a dû le faire lui-même :

Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se charge de sa croix Matthieu 16.24

Le modèle d'une vie absurde est celui de Sisyphe, condamné à rouler en haut d'une colline un rocher qui en retombe toujours. Dans la mesure où le Christ participe à notre destin, porte avec nous notre « rocher » et nous invite à participer nous-mêmes à sa participation, la vie ne semble plus impossible et, pour reprendre l'image du début de l'évangile de Luc, le chant des anges retentit, dans la proximité même de la crèche.

 

.

 

Je crois en Dieu

Je crois en Dieu
le Seigneur qui est, qui était et qui vient !
Je crois notre histoire habitée,
soulevée, fécondée, par le Seigneur vivant !
Dans sa parole, heureuse nouvelle,
dans les signes de l'eau et du pain,
dans les cris du pauvre et de l'affamé,
dans les gestes du prisonnier et du rejeté.

Il m'attend... il me parle, mystérieux visiteur,
dont le souffle de vie me fouette le visage.
Avec mes frères, je sais qu'il habite notre aujourd'hui.
Je crois avec tous les hommes d'hier,
qui déchiffrèrent sa trace dans l'histoire.

Peuple libéré de la servitude et tancé par les prophètes !
Peuple chanteur des Psaumes et sage des Proverbes !

Avec les foules palestiniennes
et les apôtres témoins de sa voix humaine,
j'entre dans ce grand cortège qui suit le Nazaréen :
Paul de Tarse, François d'Assise, Luther, Jean XXIII, Martin Luther King et tous les autres...
qui n'ont pas cru en vain.

Je crois, dans le bruissement du monde,
entendre les coups qu'il frappe à la porte,
discerner les pas silencieux de Celui qui vient.

C'est pourquoi,
au chevet des malades et des agonisants, je prie.
Avec tous les opprimés et les torturés, je crie.
Avec tous les passionnés, je cherche
et les lutteurs, je milite.

Car il vient... celui-là,
qui rompt tous les destins et ouvre les chemins,
qui désarme toutes les résignations
et suscite les responsabilités,
et dont le projet fait pâlir tous les programmes !

J'attends le Vivant
dont la résurrection a nom Espérance.
Je crois au Seigneur,
Celui d'aujourd'hui, d'hier et de demain.

Pasteur Michel Wagner

 

.

 

Loin de tout dolorisme, sans complaisance pour les pénitences et les mortifications masochistes que Jésus n'a jamais lui-même pratiquées, nous rejetons la maxime de Bourdaloue :

L'Évangile est-il autre chose qu'une règle d'anéantissement de soi-même, une mort à soi-même, bref, une guerre continuelle contre soi-même ?

Bien au contraire, nous discernons la lumière de Pâques qui perce toujours à travers l'obscurité du Vendredi saint et nous visitons les hôpitaux et les prisons, nous accompagnons les malades et les mourants et nous encourageons les militants. La croix plantée dans notre monde résume notre vision du monde, nous la voyons déjà environnée de la lumière de Pâques et c'est elle qui nous donne le courage de notre lutte.

En notre monde il est bien naturel de souffrir. Tous subissent échec, malheur, injustice, mort. Les bêtes et les plantes aussi, à leur manière. La croix symbolise cette souffrance universelle. Jésus a affronté comme nous les forces de la mort, cette absurdité, ce sentiment d'abandon et d'injustice :

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Matthieu 27.46

A la question : « que fait Dieu devant notre souffrance ? » on ne peut que tenter de répondre : Dieu n'est pas Jupiter pour intervenir souverainement dans les lois du monde ; présent en Jésus-Christ, présent en chacun de nous, il s'implique dans notre souffrance, il participe à notre malheur, il renouvelle en nous le courage d'affronter le mal, il nous donne la paix, dans l'épaisseur de notre obscurité il fait doucement luire en nous sa lumière.

 

L'évangéliste Luc 13.1-9 pose directement le problème de la signification des drames : Pilate a fait massacrer par sa police des résistants galiléens au moment même où ils priaient et offraient des sacrifices dans le temple ; une tour s'est effondrée à Siloé, écrasant dix-huit passants et la question se pose :
- Ces hommes étaient-ils plus coupables que les autres ?
- Non, répond Jésus, mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.

Il aurait pu réconforter les victimes, s'indigner contre Pilate, susciter un mouvement d'opinion, s'interroger au sujet de Dieu (ou le justifier !), chercher les responsabilités chez l'architecte de la tour ou la stratégie politique des révolutionnaires zélotes. Mais sa réaction est tout simplement : « Que voulait-on sauvegarder ? ».
Il venait de mentionner ceux qui, comme un certain intendant infidèle, détournent à leur profit les biens sociaux 12.45. Il s'était indigné d'un homme « sans âme » accumulant sa fortune dans des greniers 12.19-20. Il avait fait remarquer que ce sont les païens qui se préoccupent de leur niveau de vie 12.30
Il est sur le point de relever la femme courbée malgré l'opposi-tion du chef de la synagogue pour qui ce n'est pas le jour ; il va se désoler sur cette ville de Jérusalem qui tue les prophètes 13.10, 44.
Un pays indifférent à la misère, égoïste, dans lequel manque la tendresse et la responsabilité envers autrui, des blocages intérieurs et la perte du sens humain ne mérite pas d'être maintenu ; les victimes de la tour de Siloé et de la cruauté de Pilate n'étaient, certes, pas pires que les autres ; elles n'étaient pas meilleures non plus !

Vous périrez tous également !

dit Jésus. Il le dit mais ne damne personne ; il va périr lui-même, et par Pilate justement ! Il n'a pas dit que notre monde est perdu ! il y a vécu, nous a acceptés, nous a aimés.
Un peu de rigueur dans la gestion de notre vie nous rendrait, certes, plus acceptables. Quoi qu'il en soit, il nous communique l'Esprit de Pâques, de la victoire ; il nous enracine, comme il l'est lui-même dans le fondement dynamisant de la vie divine.
Acceptons donc d'être ainsi acceptés, bien que souvent inacceptable !

Dieu ne permet pas le mal. Il en souffre, réagit, invente et propose continuellement réparation, un plan de rédemption plus beau que s'il n'y avait pas eu de péché.

 

La sainte cène

Aux premiers temps de l'Eglise, les Corinthiens notamment, nous le savons par la lettre de Paul I Corinthiens 11), semblaient vivre le repas du Seigneur dans l'enthousiasme individualiste et l'ivresse. Ils semblent avoir fait un rapprochement avec le sauveur Dionysos-Bacchus qui n'était pas seulement le dieu de la vigne mais dont les transes qui accompagnaient le culte, procuraient un authentique sentiment de délivrance et de réhabilitation aux laissés pour compte de l'Empire : pauvres, esclaves, femmes souvent méprisées...
La remarque de Paul vise à mettre ce « repas du Seigneur » en rapport avec la « dernière cène » du Christ, le Jeudi saint, ce que ces premiers chrétiens n'avaient donc pas fait.

Cette mention de la mort du Seigneur n'entendait pas supprimer l'enthousiasme vécu dans la libération de Pâques mais leur rappeler que cette joie provenait de la victoire toujours douloureuse sur les forces du mal, comme Jésus l'avait vécu lui-même, du Vendredi saint à Pâques.

Notre participation à ce repas du Seigneur est bien le symbole central de notre salut. Nous ne ferons pourtant pas de la Table de ce repas un autel de sacrifice ; nous ne croirons pas non plus que le pain et le vin partagés ont valeur en soi. Ce n'est pas physiquement dans notre corps que Dieu agit mais spirituellements dans notre coeur, par son Esprit !

 

.

 

Parce que tu les aimes libres,
ils disent que tu ne parles pas.

Parce que tu prends visage humain,
ils disent que tu te caches.

Parce que tu mises sur les faibles,
ils disent que tu es mort.

Parce que tu es un Dieu du coeur,
ils disent que tu endors.

Parce que ton Esprit est insaisissable,
ils disent que tout va mal.

Parce que tu ne saurais être complice,
ils disent que tu ne sers à rien.

Parce que tu n'écrases personne,
ils disent qu'ils ne t'ont rien demandé.

Parce que tu n'es pas n'importe quel Dieu,
ils disent n'importe quoi.

Mais nous, Seigneur,
nous croyons que le soleil existe
même quand il ne brille pas,

nous croyons en l'amour
même quand il ne nous entoure pas,

Nous croyons en Toi
même quand tu te tais.

 

.

 

2

Assumer la souffrance

 

Le sacrifice de Jésus

 

La nuit de son arrestation au jardin des Oliviers, Jésus était bien évidemment tenté d'abandonner ce combat du Royaume de Dieu et de penser à sa propre vie. Les trois tentations rapportées, de façon symboliques au début des évangiles ont été celles de toute sa vie : renoncera-t-il vraiment à poursuivre, comme chacun, un dessein personnel ? Pactisera-t-il avec les Pharisiens en acceptant leurs doctrines inhumaines ? Se fera-t-il l'idole des foules ? Prendra-t-il la place de Dieu ?

Si, dans l'angoisse de Gethsémané, il avait trahi sa vocation, il aurait sans doute pu être un leader charismatique comme tant d'autres l'ont été de son temps ou par la suite. Mais loin de nous révéler la présence divine, il l'aurait masquée au contraire et ne serait évidemment pas notre Christ.

En faisant une croix sur ce que son caractère humain aurait pu désirer, en renonçant à sa gloire personnelle, en se voulant uniquement attaché à l'Esprit saint, il nous montre ce que peut être la vie et le rayonnement d'un fils de Dieu ; il a vécu ce qui est notre vocation universelle, ce que beaucoup de nous connaissent partiellement ; mais lui a été Fils de Dieu de façon unique.

Tout le monde sait bien qu'il faut faire des sacrifices pour élever ses enfants, acheter son logement, réussir une carrière sportive, professionnelle. Tout le monde sait qu'il y a des choix erronés, des vies ratées. Tout le monde pressent confusément qu'à brûler la chandelle par les deux bouts on finit par tout manquer.

On croit parfois qu'il y a des sacrifices impossibles ; que jamais on ne pourra vivre privé de tel ou tel bien : une maison, un enfant, une mutation professionnelle etc. Et pourtant, on est amené par la force des choses à assumer, parfois dans le deuil et les larmes, une existence rétrécie. Et c'est alors qu'au fond de nous surgit, inattendue et merveilleuse, une force de résistance inconnue. On prend conscience qu'au fond des ténèbres, dans le vide et le néant lui-même, Dieu murmure sa tendresse à notre oreille.

Spartacus, Gandhi, Martin Luther King et bien d'autres, ont été martyrs pour une cause politique. Maître Eckhart, Thérèse d'Avila, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux, les moines zen, les derviches persans, les soufis musulmans, les ascètes hindous révèlent (de façon extrême, discutable certes, mais frappante) une présence intérieure. Ce mysticisme contribue à découvrir en profondeur une identité plus authentique et en même temps oblige à un renoncement, à « faire une croix » sur certaines choses.

 

 

La paix dans la souffrance

 

La croix plantée en notre monde et que nous devrions représenter toujours sans le corps du Christ, en signe de sa victoire sur la souffrance et la mort, est bien le symbole central de toute vie. Le triomphe de Pâques permet, certes, d'affronter avec courage la lutte contre le malheur, il permet d'en surmonter le désespoir ; il n'en ôte certainement pas toute angoisse.
La souffrance nous unit à toutes les autres créatures du monde. Le théologien américain Matthew Fox (La Grâce Originelle, 2e sentier, p.161) parle d'« apprivoiser les ténèbres ». Il faut savoir, dit-il, méditer, contempler les ténèbres, la douleur, la mort sans crainte, comme les feuilles d'automne si belles et qui meurent en tombant, comme la semence tombée en terre qui finit par germer en une nouvelle vie.
Il ne s'agit évidemment pas, dans notre pensée, d'accorder une valeur quelconque à la souffrance mais, comme le dit Matthew Fox,

... en laissant la blessure s'ouvrir et en acceptant la douleur nous ouvrons l'accès à la guérison ; la nuit obscure de nos âmes est un moment fécond pour l'intervention et la naissance divines. Dieu est chez lui dans les ténèbres.

Le philosophe roumain Cioran écrit :

...ces hommes qui attendent trop peu de la vie pour comprendre de la maladie autre chose qu'une catastrophe.
Pour une maladie il faut être équipé comme pour une vie. Son irrationalité consiste précisément à nous surprendre alors que nous n'avons pas fait notre éducation, quand nous ne sommes pas assez mûrs pour être grands dans la maladie.
Le livre des leurres, p.195

C'est aussi cette familiarité de la souffrance que médite le père Boris Bobrinskoy, prêtre orthodoxe, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris lorsqu'il parle de la descente du Christ « aux enfers » qui symbolise sa présence au fond de nos souffrances, de nos violences et égoïsmes.
Il en donne comme exemple Silouane, le saint starets du mont Athos, qui a entendu le Christ lui dire, alors qu'il traversait une période de vide spirituel :

- Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas.

Nous ne devons pas vouloir sortir trop vite de nos « enfers », mais y accueillir le Christ ressuscité.

Le plus grand témoignage de foi que nous puissions donner au monde qui connaît, comme nous, cet enfer, c'est de ne nous désolidariser de personne, d'assumer les « croix » de nos frères et soeurs souffrants pour découvrir, s'il se peut avec eux, la victoire de Pâques.

C'est aussi le sens du Psaume 23 :

Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort,
Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi

Et le message de Paul :

Pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m'empêcher de m'enorgueillir.
Trois fois j'ai prié le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse ».
Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. [...] car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. 2 Corinthiens 12.7-10

 

Le Dieu du crucifié

 

Le théologien Paul Tillich fait remarquer que si nous discernons la présence divine à l'œuvre en Jésus-Christ, si Jésus est le Christ pour nous, c'est précisément parce qu'il a résisté à la tentation d'être égal à Dieu ; son autorité n'est pas celle d'un dictateur puissant mais au contraire provient de ce qu'il a renoncé lui-même à tout pouvoir : il a l'autorité de l'homme sur la croix.

Vous qui luttez contre les autorités, et vous qui militez pour les autorités, écoutez l'histoire qui nous relate que Jésus a combattu contre les autorités et qu'il a établi une autorité qui ne peut être établie ! (L'Etre Nouveau. p. 128)

En effet, Paul montre bien dans l'hymne qu'il cite en Philippiens 2, que la grandeur du Christ que Dieu a souverainement élevé et devant qui tout genou fléchit provient précisément de son refus de toute gloire personnelle :

Lui dont la condition était celle de Dieu,
il n'a pas estimé comme une proie à arracher
d'être égal avec Dieu,
mais il s'est dépouillé lui-même
en prenant la condition d'esclave,
en devenant semblable aux hommes ;
après s'être trouvé dans la situation d'un homme,
il s'est humilié lui-même,
en devenant obéissant jusqu'à la mort,
la mort sur la croix.

C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé,
et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur,
à la gloire de Dieu le Père.

On remarquera que l'hymne n'oppose pas la condition divine à la condition humaine (opposition divin - humain) mais à celle d'esclave (opposition grand - petit).

Paul Tillich dira que c'est cette acceptation de la croix, ce renoncement à toute prétention, qui fait du Christ le révélateur parfait de Dieu, représentre la caractéristique du christianisme et lui évite de n'être qu'une religion comme les autres.

Nous laisserons le dernier mot sur ce sujet à Thérèse d'Avila (1515-1582) qui nous dit elle-même que le Dieu révélé par le Crucifié ne s'impose jamais :

Bien que Dieu soit tout-puissant, il ne peut cependant agir que s'il trouve en nous la disponibilité.

 

.

 

La plénitude du néant

Le monde baigne dans le Rien qui est l'Ouvert, le Tout Autre, lumière, bercement, veille.

Le monde se maintient par une grâce incompréhensible comme si une promesse venue d'ailleurs, conduisait son histoire. Sa beauté lui vient de sa vanité offerte pour rien au Rien.

L'homme est soumis à une exigence de gratuité et d'amour, qui s'oppose à sa tendance naturelle au profit et à la sécurité.

La figure du Christ, telle que je l'aperçois dans la méditation de la Croix, m'obsède et symbolise pour moi cette exigence. j'aime le Christ d'une manière personnelle et passionnelle.

Le Christ incarne et manifeste le destin du peuple juif qui a vécu l'exigence du nomadisme et du tragique jusqu'à son écartèlement.

Le Christ annonce que tout homme est gracié bien qu'injustifiable : tous les hommes ont la même valeur parce qu'aucune échelle de valeur ne pourrait les différencier. Tout homme, de la même manière, est chaque jour sauvé de la mort (baptême) et tributaire d'un vie qui lui est offerte (eucharistie).

Je suis appelé à renoncer à toute force, à tout souci de moi et à toute confiance en moi-même pour vivre le consentement au hasard et à l'insignifiance, l'attention aux hommes, la contemplation de la Croix et de la bienveillance divine.

Pasteur Alain Houziaux

 

 

 

Voir aussi

Gilles Castelnau Le Dieu qui rend humain, Jésus-Christ

Bill Loader Parlons de la Croix

John Cobb Le Process et le salut

John Spong La mort de Jésus il y a 2000 ans me sauve-t-elle ?

Plusieurs auteurs Mort et résurrection de Jésus-Christ

 

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