Saint-Merry-Hors-les-Murs
Mardi 10 décembre dernier, début d’une messe de funérailles à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, mot d’accueil du prêtre à l’assemblée : « Si vous étiez venus ici alors que vous êtes non croyants, alors votre présence n’aurait aucun sens » (sic). Mes cheveux se dressent sur ma tête ! Je coule un œil vers les cousins qui pourraient se sentir concernés, mais ils restent gentiment assis à leur place, poliment cois. Poli, il ne l’est pas, ce clerc de trente ans qui assène de pareilles inepties contraires à l’Évangile. Comme si rendre hommage à la vie d’un défunt ne signifiait rien ; comme si entourer de son affection nos parents et amis dans la peine n’avait aucun sens. Qu’est-ce qu’il disait, déjà, le pape François, sur les prêtres qui se prennent pour des douaniers ? Nier à ce point la bonne volonté des gens, c’est à la fois mal élevé, pas sympa, limite insultant, plutôt bête et pas chrétien du tout ! J’ose espérer malgré tout qu’il s’agissait d’une maladresse d’expression, et que ce prêtre n’avait pas tout à fait conscience de ce qu’il était en train de nous dire la bouche en cœur. Lorsque j’ai osé aborder la question sur la pointe des pieds avec quelques-uns, après le passage au cimetière et lors du pot amical qui suivait, une cousine m’a sauté au cou, en m’avouant son malaise, et se disant rassurée que la « croyante » que j’étais ait pu être dérangée aussi par la formule.
Par chance, notre frère archevêque de Paris, Laurent Ulrich, a de son côté sauvé l’honneur lors de son homélie du 7 décembre, devant un parterre des grands de ce monde, en rappelant à l’intention des millions de téléspectateurs que contrairement aux apparences de cette soirée exceptionnelle, Notre-Dame n’était pas réservée aux riches donateurs et aux puissants dirigeants, mais largement ouverte aux pauvres, aux petits, ainsi d’ailleurs qu’aux personnes d’autres religions ou incroyantes (pour le coup déjà assez bien représentées dans cette brillante assistance), qu’il a invitées à venir à la cathédrale, notre maison à tous. C’était la touche d’humanité bienvenue dans une cérémonie assez peu fraternelle, car nécessairement très ritualisée et corsetée par un protocole négocié au cordeau.
Comment toujours mieux faire attention à ce qu’on dit, qu’on soit clerc ou simple baptisé identifié comme tel dans notre entourage, pour éviter de trahir l’esprit de l’Évangile ? Non seulement par nos actes, – où comme chacun sait nous passons notre temps à ne pas être à la hauteur de notre idéal chrétien -, mais déjà dans nos propos ? Avec nos collègues, nos voisins, nos amis, nos parents qui ne sont pas tombés dans le bénitier, et qui nous ont identifiés comme le ou la « catho » de service ? Et pourquoi pas également entre nous, au sein de nos communautés où il arrive que volent les propos quelque peu agressifs, parfois limite mortifères ? C’est d’ailleurs l’un des trésors des Évangiles, la façon dont Jésus calibre ses propos avec un mélange de profondeur, de respect de ses interlocuteurs, d’humour, de décalage sémantique, d’ouverture et de remise en cause à la fois ferme et douce : « Si tu savais le don de Dieu » ; « lève-toi et marche » ; « moi non plus, je ne te condamne pas » ; « celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas ».
Nous ne sommes pas forcément des prophètes capables de paroles aussi fondatrices, mais puissions-nous au moins ne pas les trahir dans nos propos ou nos attitudes.
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