Émile Bernard
1868 - 1941
musée de l’Orangerie
jusqu’au 5 janvier 2015
Gilles Castelnau
31 octobre 2014
En 1888, à l’âge de 20 ans, Émile Bernard, rebelle à toute éducation picturale traditionnelle vient, un peu par hasard à Pont-Aven, en Bretagne. On lui avait parlé de Paul Gauguin et de l’ambiance de ce village bien loin de la vie parisienne, d’où, émanait, disait-on, quelque chose de fruste et d'authentique, dans une population au mode de vie simple et primitif.
Les peintres qui s’y trouvaient étaient fatigués de l’effort des impressionnistes de peindre la lumière et ses reflets sur l’eau, en répétant sans cesse la même technique « impressionniste » qui ne permettait pas d’exprimer réellement les élans et les émotions intérieures.
Tout de suit le courant passa entre Gauguin et Bernard lancés tous deux dans la même recherche. On date la naissance de leur nouveau mouvement du jour de cette année 1888 où Gauguin prononça, dit-on, la phrase décisive à l’adresse du jeune peintre Paul Sérusier :
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« Comment voyez-vous ces arbres ? jaunes ? eh bien mettez du jaune, le plus beau jaune de votre palette. Cette ombre ? Plutôt bleue ? peignez-la avec de l'outremer pur, et ces feuilles ? Rouge ? mettez du vermillon ».
Sérusier essaya immédiatement cette nouvelle idée et peignit en couleurs vives et crues un petit paysage sur une boite à cigares. « Le Talisman » (qui est conservé aujourd’hui au musée d’Orsay). Tout le groupe en trouva le résultat étonnant: une force inattendue, une énergie, un élan inconnu se dégageaient de cet essai.
Une peinture nouvelle était née, cette année-là, à Pont-Aven. Tout le monde en attribua la paternité au seul génie de Gauguin oubliant son travail commun avec Bernard et celui-ci vexé, humilié et furieux, se brouilla avec son ami Gauguin et quitta définitivement Pont Aven.
Le « synthétisme ». L’idée était de réaliser une « synthèse » entre le paysage ou la scène représentés et l'impression que l’on en recevait, autrement et bien mieux que dans l’ « impressionnisme » traditionnel. Il ne s’agissait pas de représenter fidèlement mais d’exprimer son impression.

Le Marché aux cochons, 1892
Oublier les nuances et les modelés, peindre des cochons jaunes et un cheval rouge devant des murs roses donne effectivement une impression de puissance, de tranquille assurance, de vérité indiscutable.
La Moisson d’un champ de blé, 1888
Force de grands à-plats de couleurs vives et contrastées, telles que « sorties du tube », contours soulignés (c’est bien Emile Bernard qui inventa cette technique et que l’on appela le « cloisonnisme »), cadrages innovant de personnages qui sortent des limites de la toile, transgression des lois de la perspective... C’était tout autre chose que les belles compositions académiques du Salon, l'idéalisme poétique et sentimental de Puvis de Chavannes ou Odilon Redon ou la subtile « impression au soleil couchant » des impressionnistes.
En quittant Pont-Aven, Emile Bernard se rapprocha d’un art plus traditionnel et l’exposition – grande et belle – en montre les évolutions successives.

Autoportrait au vase de fleurs, 1897
Emile Bernard est un mystique, catholique convaincu. Sa spiritualité n'apparaît pas en tant que telle dans son œuvre, mais dans certains tableaux. L'exposition en montre deux.

Le Christ décloué de la croix, 1889-1890
Ce ne sont étrangement que des femmes qui entourent le Christ mort. Toutes ont des auréoles. Une seule regarde le corps du Christ, deux d'entre elles ont les yeux tournés vers le ciel et trois se referment sur leur tristesse. Leurs expressions sont étranges : Méditation du sens de l'événement à laquelle le spectateur est invité à participer à sa manière.

L'Annonciation, 1899
Émile Bernard a donné un visage bien modeste, fruste et populaire à une Marie étrangement modeste et inexpressive. L'ange,par contre est pimpant, son visage est celui d'un adolescent jeune et sympathique, sa robe rouge est magnifique, ses fleurs et ses ailes superbes...
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