Que peut-on croire
aujourd'hui ?
L'amour - hêsêd de Dieu
traverse les siècles
Gilles
Castelnau
prédication
15 février 2011
Psaume 118
Les prêtres
Louez l’Éternel car il est bon,
son amour traverse les siècles.
Qu'Israël le répète :
son amour traverse les siècles.
Que les descendants d'Aaron le redisent :
son amour traverse les siècles.
Que ceux qui craignent l’Éternel le redisent :
son amour traverse les siècles.
1er témoin
Du fond de la détresse, j'ai appelé l’Éternel au secours,
et il m'a répondu, il m'a rendu ma liberté.
L’Éternel est pour moi, je n'ai peur de rien, que peuvent me faire les hommes ?
L’Éternel est pour moi, il me porte secours, je vois la défaite de ceux qui m'en voulaient.
Mieux vaut recourir à l’Éternel que de compter sur un homme !
Mieux vaut recourir à l’Éternel que de compter sur les princes !
2e témoin (un roi)
Les nations m'avaient encerclé, grâce à l’Éternel, je les ai repoussés.
Leur cercle se refermait autour de moi, grâce à l’Éternel, je les ai repoussés.
Elles m'assaillaient comme un essaim d'abeilles, mais elles se sont éteintes comme un feu de paille,
grâce à l’Éternel, je les ai repoussées.
3e témoin (un commerçant entreprenant ?)
On m'avait bousculé pour m’abattre, mais l’Éternel est venu à mon aide.
Ma grande force, c'est l’Éternel, il est venu à mon secours.
4e témoin (un coupable)
Je ne vais donc pas mourir, je vivrai, et je raconterai ce que l’Éternel a fait. 18
Il est vrai que l’Éternel m'a corrigé mais il ne m'a pas laissé mourir.
Ouvrez-moi les portes de la justice, que j'entre pour louer l’Éternel !
Les prêtres
Voici la porte qui mène auprès du Seigneur, que les justes entrent !
La pierre dont les maçons ne voulaient pas est maintenant la pierre angulaire
Cela vient du Seigneur et pour nous, c'est une merveille.
Toute l’assemblée
Ce jour de fête est l'œuvre de l’Éternel, crions notre joie, soyons dans l'allégresse. 25
Ah, Éternel, viens à notre aide ! Hosanna !
Ah, Éternel donne-nous la victoire !
Les prêtres
Que Dieu bénisse celui qui entre ici au nom de l’Éternel !
De l'intérieur de son temple, nous vous transmettons sa bénédiction.
L’Éternel est le seul Dieu. Il nous a éclairés de sa lumière !
Formez le cercle de la ronde jusqu'aux angles de l'autel. 29
Louez l’Éternel, car il est bon
son amour traverse les siècles.
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L’amour – hêsêd de Dieu traverse les siècles. Ce psaume est le chant à plusieurs voix d’une procession montant au temple de Jérusalem et y entrant, accueillie par les prêtres qui se tenaient à l’entrée, devant les « portes de justice ».
Quatre hommes exprimaient leur témoignage de gratitude au salut que Dieu donne, les prêtres les invitaient à entrer et tout le monde prenait place autour de l’autel pour offrir le sacrifice en chantant « hosanna » l’Éternel sauve.
On peut discerner les différentes voix bien que les aspects trop précis des différents témoignages aient été gommés de façon à ce que les lecteurs des siècles suivants puissent faire leur les affirmations de foi qui sont centrales dans ce psaume. En effet la formulation répétée à plusieurs reprises Louez l’Éternel car il est bon Son amour traverse les siècles invite les fidèles de tous les siècles suivants à entrer dans la foi, l’espérance et l’amour qui sont de tous les temps.
Le terme hébreu « hêsêd » traduit ici par « amour » ne désigne pas un sentiment chaleureux que l’émotion peut faire éprouver dans l’exaltation d’un mouvement de foule. Les témoignages des quatre hommes que nous pouvons reconnaître dans le corps de ce psaume donne plutôt à la « hêsêd » de Dieu le sens d’un dynamisme créateur remettant l’homme debout, dans une existence renouvelée, restaurée, libérée, rétablie, redressée que chacun peut sans doute ressentir à sa manière.
Cette cérémonie du lointain Israël ne propose donc pas aux fidèles d’adhérer à des dogmes religieux, de rejeter des doctrines fausses pour confesser une foi orthodoxe dont les prêtres qui se tiennent à la porte du Temple seraient les garants. Il est seule question de l’élan vital que Dieu renouvelle en ceux qui veulent bien le puiser en eux et cette spiritualité peut bien, en effet comme il est dit dynamiser les hommes de « tous les siècles ».
Le 1er témoin s'exclame qu'il a « appelé l'Éternel du fond de sa détresse ». De quelle « détresse » s'est-il agi ? De quel « secours » a-t-il eu besoin ? Comme s’est concrétisée cette « réponse » de l’Éternel ? Nous n’en savons plus rien. La formulation de cette brève déclaration de foi est si générale que chacun de nous peut s’y impliquer et la vivre à sa manière.
Le 2e témoin dit que « les nations l'avaient encerclé, grâce au Seigneur, il les a repoussées ». Était-il peut-être le roi ou un chef de guerre ?
Le 3e témoin témoigne qu'on « l'avait bousculé pour l’abattre, mais le Seigneur est venu à son aide ». Était-il peut-être un commerçant entreprenant dont l’entreprise faisait des jaloux et que ses concurrents s’efforçaient d’ « abattre » ?
Le 4e témoin est énirmatique : étaitîl coupable ? « Il est vrai que le Seigneur m'a corrigé mais il ne m'a pas laissé mourir ».
Les quatre témoins demandent aux prêtres l'accès au Temple :
-
« Ouvrez-moi les portes de la justice, que j'entre pour louer l'Éternel ! »
Et les prêtres reconnaissant en eux la foi, l’espérance comblée et l’amour - hêsêd de Dieu reçu et redonné les qualifient de « justes » et reconnaissent que leur place est effectivement dans le Temple où l’on chante et offre le sacrifice de louange à Dieu :
- « Voici la porte qui mène auprès du Seigneur, que les justes entrent ! Hosanna !
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On retrouve cette atmosphère épanouissante et libérée de toute doctrine contraignante dans la rencontre sur la route de Jéricho de Jésus avec le mendiant aveugle (Luc 18.38) :
« Il s’écria :
-
Jésus, Fils de David, aie pitié de mo i!
- Que veux-tu que je fasse pour toi ? demanda Jésus.
- Que je recouvre la vue.
A l'instant il recouvra la vue, et suivit Jésus, en glorifiant Dieu. Tout le peuple, voyant cela, loua Dieu.
Il ne s’agit pas ici d'un un banal récit de guérison comme les marabouts et rebouteux peuvent en accomplir. Cet homme marginalisé « au bord du chemin » pendant que la foule passait se trouve réintégré dans son peuple joyeux et louant l’Éternel.
Cette hêsêd – amour créatrice de Dieu « traverse les siècles ». Cela signifie que non seulement dans toutes les époques et dans toutes les situations la hêsêd de Dieu est toujours vivante pour redonner vie aux hommes éprouvés par les forces destructrices de l’angoisse, du découragement, de la mort mais aussi qu’il nous incombe évidemment de maintenir vivant en nous cette espérance, cette foi, cet amour dans laisser figer notre pensée dans les rites et doctrines des institutions traditionnelles.
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Survolons rapidement quelques uns de ces « siècles ».
- Au 1er siècle la hêsêd – amour de Dieu s’accomplissait dans la libération dont Jésus témoignait des contraintes rituelles de la Loi juive : il n’était plus nécessaire de se soumettre aux contraintes de la nourriture cachère, des règles astreignantes du sabbat, des prières obligatoires, de la circoncision pour être « juste » aux yeux de Dieu. Mais on redécouvrait le dynamisme créateur dont témoignait notamment le Psaume 118 pour entrer dans une vie nouvelle, restaurée, renouvelée, dans la liberté souveraine des enfants de Dieu.
- Au Moyen Age : la peur des guerres incessantes, les ravages de la peste noire, la crainte de l'enfer, les danses macabres, la toute-puissante et menaçante institution ecclésiastique qui se manifestait par les terribles traitements infligés aux Juifs, aux Cathares, au gens du voyage ont suscité un esprit nouveau qui pouvait redonnait espoir. Pierre Valdo se levait avec les Pauvres de Lyon dans une joie de Dieu libre et détachée de tout. John Wyclif en Angleterre. Jean Huss brûlé vif il y a preque 600 ans. Les « ordres mendiants », dominicains et franciscains redécouvraient à leur tour la fraicheur et la liberté des disciples de Jésus en campant sous des tentes devant l’orgueilleux chantier de la façade de Notre-Dame de Paris !
- Au 16e siècle : la puissance despotique et tyrannique du pape et de l’empereur écrasant les hommes dans une soumission de sujets impuissants et toujours culpabilisés devant Dieu comme devant les souverains s’est trouvée mise en question par le grand souffle d’amour – hêsêd de vie de la Renaissance, si bien répercuté par Luther, Calvin, Zwingli et tous les réformateurs.
- Aux 17e et 18e siècles, en France, les consciences et la pensée vitrifiées par la royauté glacée des quatre rois Louis XIII, XIV, XV et XVI ont été progressivement puis radicalement mise en question. Déjà dans le terrible XVIIe siècle un homme comme Vincent de Paul s’est levé avec l’énergie de susciter jusqu’à la cour de Louis XIII des œuvres charitables et fut même aumônier des galères !
Puis surtout l’heureux libéralisme des penseurs des Lumières avec les protestants libéraux Voltaire et Rousseau et des pasteurs affrontant le bûcher pour prêcher l’Évangile de la liberté et de l’amour.
- Au 19e siècle la pauvreté, la misère, l’esclavage des usines fut dramatique. L’amour-hêsêd de suscita le catholicisme et le protestantisme social. Mentionnons les œuvres protestantes :
Société d'instruction primaire et religieuse (1829),
Société d'Édition de Toulouse (1831),
Asiles John Bost (1848),
Mission populaire, fondée à Paris juste après la Commune par le révérend Mac All (1821-1893),
le pasteur Tommy Fallot fondant à Paris la Chapelle du Nord dans le quartier des gares du Nord et de l’Est.
- La première moitié du 20e siècle connut le double drames des deux guerres mondiales. Les grandes idéologies destructrices d’humanité avec Mussolini en Italie, Salazar au Portugal, Franco en Espagne, Hitler en Allemagne, Staline en Russie. La compassion de l’amour-hêsêd de Dieu suscita la création de la Cimade par Madeleine Barot, la force d’une prédication de l’évangile par Karl Barth en Suisse, Bonhoeffer en Allemagne, Roland de Pury à Lyon, A.N. Bertrand à Paris, Mgr Saliège à Toulouse, le pasteur Marc Boegner allant à deux reprises rencontrer le maréchal Pétain pour lui dire sa réprobation. Le secours apporté aux Juifs au Chambon sur Lignon, à Dieulefit et ailleurs.
- La seconde moitié du 20e siècle avec la lutte contre la faim dans le monde, l’ACAT, le planning familial, l’œcuménisme fraternel, le féminisme, l’écologie.
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Et nous voici au XXIe siècle.
Louez l’Éternel car il est bon
Son amour-hêsêd a traversé les siècles
Les « portes de justice » sont ouvertes pour nos contemporains et pour nous-mêmes. Mais on se demande parfois si l’amour-hêsêd est vraiment aussi pour notre siècle. On ne sait plus trop ce que l’Évangile nous dit, vers quelle manière de penser il nous réoriente. Quoi dire à nos enfants, nos petits-enfants, nos collègues de travail et nos connaissances ?
Aurions-nous moins d’imagination humaniste que les Israélites du Psaume 118 et les fidèles des siècles passés ?
Nous avons un problème si notre Évangile nous paraît inadaptée.
Aujourd’hui, nos contemporains n’ont, pour la plupart, pas besoin qu’on leur répète que le Christ est Fils de Dieu et qu'il a vaincu le péché du monde quand ils ont de la peine à trouver un sens à leur vie, à leur travail, qu’ils ont l’impression que leurs repères traditionnels ne fonctionnent plus et que le nihilisme et l’insondable dominent.
Il y a la « hêsêd », dit le Psaume 118, il y a en nous quelque chose, un élan, une force, une Présence qui nous dépasse, qui suscite en nos cœurs une émotion, une révolte quelque chose qui nous réoriente autrement et de façon positive. Et cette émotion, ce désir, cet élan est une sorte de starter qui démarre notre réflexion et notre action. Car il n’est pas suffisant de s’indigner. La hêsêd-amour est dynamisme qui nous fait réfléchir, travailler, aimer le monde.
Lorsque l’angoisse, l’anxiété, la déstabilisation débordent, Dieu avec sa hêsêd est capable de nous faire sortir de nous-mêmes, de nous faire dépasser nos préoccupations et de les transcender dans la paix, dans la hêsêd des profondeurs de Dieu.
J'ai appelé l’Éternel au secours, et il m'a répondu,
il m'a rendu ma liberté.
Les nations m'assaillaient comme un essaim d'abeilles, mais elles se sont éteintes comme un feu de paille,
On m'avait bousculé pour m’abattre, mais l’Éternel est venu à mon aide
Nous sommes parmi les peuples les mieux lotis de la planète et nous sommes aussi parmi les plus plaintifs, les plus révoltés. Il faut être plus conscients et plus militants de manière réfléchie pour les bonnes causes. Assumer la vie, arrêter de se ressentir comme insuffisant, incapable. Ne pas se borner à dénoncer le mal, les divorces, les changement de morale. Accepter de ne pas être un ange mais un homme responsable de soi-même.
Épanouissement, retrouver sa propre personnalité, donner du sens à sa vie, ajouter aux paroles de nos prédecesseurs notre propre compréhension du dynamisme apaisant de la hêsêd et... collaborer à la beauté du monde.
Ouvrez-moi les portes de la justice, que j'entre pour louer l’Éternel !
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