La réponse objective se base
donc sur les étapes qu'a effectivement franchies Jenny Shipley
et dont tout le monde a pu être témoin ; les
réponses subjectives dépendent, par contre, des diverses opinions que l'on peut se
faire et qui dépendant de chacun.
.
Il est clair que la question
« Comment Jésus est-il devenu
Christ ? » appelle
plutôt des réponses subjectives. Il
n'existait aucun poste officiel de « Messie » auquel Jésus aurait pu poser sa candidature
et être nommé. Ce sont des disciples que leur foi a
poussés à utiliser ce titre.
Mais les générations suivantes, en
répétant cette confession de foi, lui ont par là
même donné une apparence d'objectivité.
C'est bien cela que nous trouvons dans la Bible : les diverses
affirmations du Nouveau Testament, qui sont fréquemment
présentés comme des vérités objectives, sont en fait des affirmations subjectives.
.
Quand
Jésus est-il devenu Christ ?
- Première réponse. Après
sa mort.
A la première
Pentecôte, Pierre dit :
« Israélites,
écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth, cet homme
approuvé de Dieu devant vous par les miracles, les prodiges et
les signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous... vous l'avez
fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies.
Dieu l'a ressuscité... nous en sommes tous témoins...
Que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que Dieu
a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez
crucifié ». Actes 2.22, 32, 36.
En affirmant que c'est Dieu qui a
ressuscité Jésus, ce texte suggère que c'est
après sa mort sur la croix que Jésus est devenu le
Christ. Parler d'un « acte
de Dieu » signifie qu'il
ne s'agit pas là d'événements historiques que
tout le monde pourrait constater et qui pourraient être
méthodiquement enregistrés, mais d'une
interprétation subjective.
- Deuxième réponse. Durant son
ministère.
A Césarée de Philippe,
Jésus demande à ses disciples ce que l'on dit de lui et
ceux-ci lui donnent plusieurs réponses différentes.
En citant la réponse de Pierre « Tu es le
Christ » Marc 8.27-29, l'évangéliste Marc était
évidemment convaincu que Jésus était
déjà le Christ durant son ministère, donc avant
sa mort et sa résurrection.
- Troisième réponse. A son
baptême.
Au baptême, nous raconte Marc,
« Au moment où
il sortait de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir et l'Esprit descendre
sur lui comme une colombe. Et une voix se fit entendre des
cieux : Tu es mon Fils bien-aimé, objet de mon
affection ».
Ce récit fut l'occasion de la
naissance, dans l'Église primitive, de la théorie dit « adoptianiste » selon laquelle Dieu « adopta » ce jour-là comme son Fils Jésus qui
n'était encore qu'un humain ordinaire.
- Quatrième réponse. A sa
naissance.
Cette conception apparaît
clairement dans les récits de la naissance miraculeuse de
Jésus que des évangélistes Matthieu et
Luc.
On remarque une gradation des titres
attribués à Jésus : de « Christ » dans la bouche de Pierre après sa mort
à « Fils de
Dieu » lors de la
naissance.
- Cinquième réponse. Dès
la création du monde.
Le quatrième Évangile
ne rapporte pas la naissance de Jésus car il commence son
récit dès la création du monde. Un peu comme si
l'on disait que Jenny Shipley était prédestinée
à être Premier ministre depuis l'origine des
temps.
« Au commencement
était la Parole, et la Parole était avec Dieu et la
Parole était Dieu... Tout a été fait par elle et
rien de ce qui a été fait n'a été fait
sans elle... Et la Parole a été faite chair, et elle a
habité parmi nous, pleine de grâce et de
vérité et nous avons contemplé sa gloire, une
gloire comme celle du Fils unique, venu du Père... La
grâce et la vérité sont venues par
Jésus-Christ. Personne n'a jamais vu Dieu. Le Fils unique qui
est dans le sein du Père, lui, nous l'a fait
connaître ».
Jean 1.1-18
Dans ce texte la question n'est plus comment
Jésus est devenu le Christ mais comment le Logos, le Fils
unique de Dieu s'est incarné dans la chair humaine de
Jésus.
A l'époque des conciles
œcuméniques qui ont
formulé la doctrine de la Trinité, l'affirmation
originelle que Jésus était le Christ avait
évolué jusqu'à devenir que la seconde personne
de la Trinité incarnée en l'homme Jésus. En
moins de soixante-dix ans, Jésus était devenu « consubstantiel au
Père, engendré et non pas
créé. »
Qu'en est-il sur le plan
subjectif ? Bien que ces titres aient été
formulés comme des vérités objectives, ils
correspondent néanmoins aux confessions de foi personnelles et subjectives des disciples et non pas à des
événements constatables aux yeux de tous.
La certitude des disciples
d'avoir eu la vision de Jésus
glorifié après sa mort sur la croix entraîna leur
conviction qu'il était forcément ressuscité des
morts. Les récits de Pâques s'en suivirent
naturellement ; ils furent, avec le temps, rédigés
de façon de plus en plus « réalistes » et
c'est sur la base de ces derniers textes (Évangiles de
Matthieu, de Luc et de Jean) que les chrétiens conservateurs
d'aujourd'hui défendent ce qu'ils appellent « la résurrection corporelle du
Christ ». Mais cette
élaboration progressive a bien suivi un processus subjectif et
n'a rien de réellement objectif au sens que nous avons
donné à ce mot. L'affirmation que « Jésus est ressuscité des
morts » ne désigne
pas à un événement survenu objectivement au
corps de Jésus mais à une conviction survenue subjectivement dans l'esprit des disciples.
Maurice Goguel écrivait dans « la Naissance du
Christianisme » :
« la signification
religieuse de la Résurrection n'est pas dans le fait que le
corps de Jésus a repris provisoirement vie sur terre, mais
qu'il fut rendu à la vie au ciel. C'est la glorification du
Christ qui nous donne le salut, non le retour à la vie de son
corps. Si ce retour à la vie devint à son tour objet de
foi, ce fut parce qu'il fut considéré comme le symbole,
la preuve, la matérialisation de la glorification du
Christ » pages 39-40.
« La résurrection de
Jésus est en réalité la résurrection de
la foi que ses disciples avaient eue durant son
ministère »
page 61
Les apparitions de Jésus aux
disciples ont été progressivement
considérées comme des événements
historiques.
Rudolf Bultmann a également écrit dans « Mythologie du Nouveau
Testament » :
« La
résurrection de Jésus n'est pas en soi un
événement historique, elle est l'expression de la foi
au Seigneur ressuscité... elle est tout simplement la foi en
l'efficacité de la croix » pages 41-42
.
Comment et pourquoi
Jésus est-il devenu Dieu ?
Jésus n'est pas devenu
Dieu, nous venons de le montrer, par
un événement personnel, mais par une évolution
progressive de la pensée humaine qui s'est poursuivie bien
au-delà de la rédaction du Nouveau Testament, jusqu'au
concile de Chalcédoine en l'an 451.
Des différences de conceptions se sont bien entendu fait
sentir, dont certaines apparaissent déjà à la
lecture du Nouveau Testament. Ainsi les pagano-chrétiens dont
le nombre grandissait rapidement sous l'influence de Paul, se
séparaient des judéo-chrétiens, avec Jacques et
Pierre.
- Les judéo-chrétiens regardaient Jésus avec des yeux juifs. Il
demeurait pleinement humains comme les disciples eux-mêmes. Il
remplissait le rôle de Messie sans être aucunement divin.
Les judéo-chrétiens rejetaient les récits
tardifs de la naissance virginale et la doctrine de l'incarnation.
L'épître de Jacques est sans doute l'exemple
caractéristique de leur théologie. Ils furent
expulsés de Jérusalem lors de sa destruction par les
Romains en même temps que les juifs et trouvèrent refuge
au-delà du Jourdain à Pella. Ils étaient exclus
des synagogues à cause de leur attachement à
Jésus et étaient rejetés par les
pagano-chrétiens à cause de leur fidélité
aux traditions juives. Ils disparaissent de l'histoire à
partir du 5e siècle.
- Les
pagano-chrétiens et Paul,
constituèrent le christianisme devenu classique. Ils
regardaient Jésus avec des yeux grecs. Paul lui-même,
bien que fier de son appartenance judaïque, était
fortement hellénisé, comme le Nouveau Testament le
montre clairement.
L'hellénisme n'avait aucune difficulté à
diviniser Jésus et à voir en lui le Fils de Dieu par
excellence. Contrairement aux juifs, les hellénistes
n'attendaient pas de Messie : pour eux, le vocable
de « Christ »qui
traduit en grec l'hébreu « Messie » n'était que le nom propre de Jésus. « Jésus le
Messie » devint dans leur
bouche « Jésus
Christ » ou
simplement « Christ ». Leur
problème n'était pas de croire en sa divinité
mais bien de défendre son humanité. Pour les gnostiques
chrétiens, Jésus étaient pleinement Dieu et
l'était en permanence. Son humanité n'était
qu'une apparence.
L'Église a dès lors connu
une série de controverses théologiques qu'elle a traversées en maintenant toujours
simultanément la pleine divinité et la pleine
humanité de Jésus.
Dans le but de préciser les relations de Jésus et de
Dieu, elle a élaboré la doctrine de la Trinité
selon laquelle Jésus était la seconde personne de la
Trinité.
Il s'agissait ensuite de déterminer comment la nature humaine
et la nature divine pouvaient être unies en une seule personne,
question qui n'a jamais été vraiment résolue.
Les théologiens en désaccord avec les décisions
des conciles oecuméniques se voyaient purement et simplement
excommuniés. C'est ainsi que les Nestoriens (qui
séparent les deux natures dans la personne de Jésus) et
les Églises coptes (qui n'admettent en lui que la nature
divine), furent exclus de la chrétienté.
Le concile de
Chalcédoine produisit le
texte qui mettait un point final au processus par lequel Jésus
devint Dieu :
« Suivant les saints
Pères, nous enseignons tous d'une seule voix, un seul et
même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même
parfait en divinité, le même parfait en humanité,
le même Dieu vraiment, et homme vraiment, d'une âme
raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la
divinité, consubstantiel à nous selon
l'humanité, semblable à nous en tout hormis le
péché.
Engendré du Père avant tous les siècles selon la
divinité, et le même dans les derniers temps né
de la Vierge Marie, la Mère de Dieu, pour notre salut selon
l'humanité, un seul et même Christ, Fils, Seigneur,
Monogène, que nous reconnaissons être en deux natures,
sans confusion ni changement, sans division ni séparation,
sans que l'union supprime en rien la différence des natures,
mais au contraire les propriétés de chacune des deux
natures restant sauves et rencontrant l'autre en une seule personne
et une unique hypostase.
Nous confessons, non pas un Fils partagé ou divisé en
deux personnes, mais un seul et même Fils, Monogène,
Seigneur, Jésus-Christ, comme jadis l'ont annoncé les
prophètes, comme Jésus-Christ lui-même nous en a
instruit et comme le symbole des Pères nous l'a
transmis. »
Evidemment cette formulation de
l'orthodoxie chrétienne coulée dans le moule de concepts
hellénistiques qui nous sont étrangers, n'a aujourd'hui
plus guère de signification. La plupart des chrétiens
n'en ont d'ailleurs sans doute jamais entendu parler. Et si l'on
demandait à un quelconque membre d'Église d'expliquer
la divinité de Jésus, il est bien possible que, sans le
savoir, sa réponse correspondrait à l'une des anciennes
hérésies.
Il était largement
temps de se livrer à ce
travail de déconstruction de l'affirmation selon laquelle
Jésus est le Fils unique de Dieu. Reimarus (1694-1768) s'y est
attelé le premier. Il fut suivi par David Strauss (1808-1874),
Albert Schweitzer (1875-1965) et Rudolf Bultmann (1884-1976).
Actuellement les groupes du « Séminaire
de Jésus » s'y
emploient.
Traduction
résumée Gilles Castelnau
Voir aussi de Lloyd
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