Théologie
radicale
Sea
of Faith (Nouvelle
Zélande)
Foi et doute
Faith
and Doubt
Sir Lloyd
Geering
théologien
néo-zélandais
8 avril 2003
Foi et
croyance
On pense en général
qu'avoir la foi consiste à
croire un certain nombre de vérités, souvent d'ailleurs
peu crédibles. Ceci est particulièrement vrai dans le
cas de la foi chrétienne et les Églises confirment
malheureusement souvent cette idée elles-mêmes.
Les dogmes, contenu dans un credo intouchable, sont
considérés comme révélés par Dieu
lui-même et cette affirmation devient elle-même le dogme
central et fondamental de la foi. Le mot latin « credo », qui signifie « je crois », vient de « cor » (coeur) et « do » (je
donne). Credo signifie donc à l'origine « je donne mon
coeur ». On
l'interprète trop souvent comme « mon opinion est
que ».
Le professeur américain W. Cantwell Smith trouve cela
inacceptable : « identifier la croyance en des dogmes avec
la foi chrétienne est plus qu'une aberration, c'est une
hérésie ».
Lewis Carroll écrit dans « Alice au Pays des
merveilles » :
- Alice : « Cela,
je ne peux pas le croire ! »
- La reine : « Sans doute n'as-tu pas
l'habitude de croire ».
- Alice : « Oh
si ! déjà ce matin, rien qu'avant le petit
déjeuner, j'ai déjà cru six choses
impossibles ! ».
Un enfant du catéchisme
disait : « La foi c'est croire des choses dont on
sait bien qu'elles ne sont pas vraies ».
Il n'en a pas toujours été
ainsi. Autrefois, les gens croyaient
en Dieu, au lieu de s'attacher seulement à des dogmes, comme
par exemple l'infaillibilité de la Bible. Les hommes du
16e siècle n'auraient jamais accepté de
dire, comme on l'entend aujourd'hui : « je crois au
diable », car cela aurait
signifié pour eux qu'ils lui donnaient leur cœur. Ils
disaient « je renonce au
diable ».
De même, en confessant « je crois en
Dieu », ils ne voulaient
pas dire qu'ils admettaient l'existence d'un Être
créateur et responsable du monde, mais qu'ils mettaient leur
confiance en lui.
Les façons de parler ont
évolué avec le temps.
Nos ancêtres on pensé et formulé la foi
chrétienne à une époque où l'on croyait
que la terre était plate, qu'elle était
âgée de 6000 ans et que les hommes descendaient
tous d'Adam et Eve. Si nous avions vécu à leur
époque nous aurions cru comme eux que Dieu est assis dans le
ciel bleu sur un trône doré entouré des
anges.
Les temps ont changé. Il est désastreux pour la foi, de
vouloir l'exprimer dans les termes d'autrefois, comme si les
formulations élaborées à une époque
étaient définitives et infaillibles.
Nous avons absolument besoin aujourd'hui de retrouver la pleine
signification de la foi et que nous la dégagions des images et
des formulations d'autrefois. Il faut malheureusement
reconnaître que l'Église est saisie de crainte devant la
nécessité de cet effort. Elle n'est pas sans porter une
lourde responsabilité dans la crise religieuse actuelle de la
foi.
Foi et doute
Le doute est considéré
comme une faute, notamment à
cause de l'histoire de saint Thomas qui a dit « Si je ne vois pas dans ses mains la
marque des clous et si je ne mets mon doigt à la place des
clous, je ne croirai pas » Jean 20.25.
Depuis aussi « le Voyage du
pèlerin » de John
Bunyan qui décrit le géant Désespoir vivant dans le château du Doute.
Il est vrai que le désespoir peut certainement aller avec
l'absence de foi. Mais le contraire du doute n'est pas la foi, c'est
la crédulité. Le doute est l'attitude normale d'un
adulte responsable. Quand on est petit, on commence par croire au
Père Noël et aux fées, puis avec les
années, on accède au doute en acquérant un
esprit critique. Il en est de même lorsqu'à l'âge
adolescents on met en doute l'autorité de ses parents en
découvrant qu'ils sont faillibles, ce qui est une attitude
saine, indispensable pour devenir adulte.
Le doute ne s'oppose pas à la foi
mais aux fausses croyances. Il est
nécessaire de soumettre toute croyance soumise à un
doute critique et systématique, avant de l'admettre ou de la
rejeter. Il faut du courage pour rechercher ses propres idoles, pour
oser en douter et être prêt à les abandonner, mais
c'est le courage de la foi.
Abandonner les conceptions
désuètes qui ne sont
plus crédibles n'est pas un manque de foi. C'est au contraire
prendre la foi véritablement au sérieux et s'ouvrir
entièrement à elle. Comment les Églises ne le
comprennent-elles pas et s'obstinent-elles à défendre
envers et contre tout les croyances d'hier ? Croire « comme un
enfant » ne signifie pas
« être crédule
comme un enfant ».
La foi n'est pas non plus fondée
sur des preuve logiques et
indiscutables et ceux qui s'efforcent de démontrer la
vérité du christianisme ne font que prouver leur manque
de foi. En effet, Jésus a répondu à
Thomas : « heureux
ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru » Jean 20.29.
.
Peut-on croire ce que l'on veut ? Oui et non.
Non, car on ne choisit pas vraiment sa foi ; les gens
disent « cela, je ne
le croirai jamais ».
Oui, car accepter qu'on décide pour nous ce que nous devons
croire ou non serait une domination intellectuelle inacceptable.
C'est bien pourquoi répéter les credo du passé,
nous fait ressembler aux marionnettes que « font parler » les ventriloques.
Si nous laissons la récitation des anciens credo pour nous
intéresser à l'élan d'une foi vivante et
authentique, nous comprenons que le christianisme est loin d'avoir le
monopole de la foi. Jésus louait la foi de certains
païens qui ne partageaient pourtant pas les croyances juives,
car la foi est plus que tout énoncé de croyance et que
tout rite.
La foi est une qualité de
vie. Il ne faut pas opposer les gens
qui ont la foi et ceux qui ne l'ont pas : tout le monde a une
foi, grande ou petite et qui naturellement varie selon les temps.
Mais vivre sans foi serait ne trouver aucune signification à
la vie, s'enfoncer dans le désespoir le plus absolu, se
laisser mourir.
La foi ne pourra jamais être
exprimée par des mots, ni
réduite à des croyances. La foi est la vie en nous,
elle est l'élan de toute notre personne avec nos
émotions, notre volonté, notre esprit. Dès notre
naissance, nous l'avons reçue de nos parents, des adultes qui
nous entouraient, de nos amis, de nos professeurs, des gens que nous
avons admirés.
Les hommes de foi sont une
bénédiction pour le monde car ils font naître la foi chez les autres en
rayonnant autour d'eux confiance et espérance. La paix et le
courage qu'ils nous apportent, nous les trouvons de même dans
les credo, les dogmes et les rites des grandes religions, ce qui
n'est pas étonnant dans la mesure où ils ont
été élaborés en leur temps par des hommes
et des femmes de foi.
Plutôt qu'une croyance, la foi est une attitude positive, une
attitude d'espérance à l'égard du monde, des
autres et de l'avenir.
« La foi est l'assurance
des choses qu'on espère » Hébreux 11.1.
« Trois choses demeurent,
la foi, l'espérance et l'amour » 1 Corinthiens 13.13.
.
La foi est aussi vérité et
intégrité là
où il y a contradictions internes et compromis douteux.
Professer des croyances dont en réalité on doute est
désastreux pour la foi : « le juste vivra par sa
foi » disait
Habacuc 2.4, que l'on pourrait aussi
traduire : « son
intégrité fera vivre le
juste ». La racine
hébraïque du mot traduit ici par « foi » ou par « intégrité » est « amen ». Elle connote l'idée de solidité, de
stabilité, de fidélité ; elle traverse aussi
tout le Nouveau Testament. C'est de cette racine que le mot « foi » tire son sens.
A la femme qui touchait son vêtement dans l'espoir d'être
guérie, Jésus a dit « Ta foi t'a sauvée, va en
paix » Luc 8.48.
Ces mots ne voulaient pas être une approbation de ses
croyances, mais de sa confiance, de son
intégrité.
Le christianisme ne sera un soutien
apprécié de nos contemporains que dans la mesure où ils se sentiront libres
de croire ce qui leur paraîtra réellement convainquant
et leur renouvellera concrètement la foi et l'espérance
dont ils ont besoin.
Les récits de la Genèse
présentent Abraham comme le
modèle des croyants, mais ils n'explicitent pas le contenu de
ses croyances.
- Abraham ne connaissait ni Moïse ni la Tora et
pourtant les juifs l'appellent leur Père.
- Il ne connaissait pas le Coran et pourtant l'islam
l'appelle le premier musulman.
- Il ne connaissait ni Jésus ni les
Évangiles et pourtant les premiers chrétiens l'ont pris
comme exemple de foi : « C'est par la foi qu'Abraham obéit
à l'appel de Dieu en partant vers un pays qu'il devait
recevoir en héritage ; et il partit sans savoir où
il allait » Hébreux 11.8.
Abraham, modèle de foi pour les
juifs, les musulmans et les chrétiens, transcende par
là même les différences de leurs
croyances.
La foi en Dieu
Le christianisme puise son idée de
Dieu chez Platon, Aristote et les
stoïciens autantque chez les prophètes
d'Israël. Le Dieu de Platon, transcendant, immuable,
étranger au monde se trouve mêlé au Dieu
d'Israël, immanent, conduisant l'histoire et présent au
monde. Ces deux conceptions, en apparence inconciliables, ont
été unies par la doctrine trinitaire et le dogme de
l'incarnation. Si l'on n'y prend pas garde on risque de promouvoir,
sans l'avoir voulu, un Dieu tout à fait païen, en croyant
de bonne foi qu'il s'agit du Dieu de la Bible.
De nos jours encore tout le monde ne se fait pas la même
idée de Dieu.
- Les juifs voient Dieu comme Celui qui a
libéré leurs ancêtres de l'esclavage et leur a
donné la terre d'Israël.
- Les chrétiens comme Celui qui s'est
incarné en Jésus-Christ.
- Les musulmans disent que Dieu est Celui qui a fait de
Mohammed son prophète et lui a donné le Coran.
Personnellement, je ne pense pas
Dieu comme on le faisait au Moyen
Age ou comme les théistes d'aujourd'hui ; sans doute
même pas comme le concevait Jésus de Nazareth à
son époque. Je ne crois pas, par exemple, que Dieu soit un
Être surnaturel qui a créé l'univers et le tient
sous son contrôle.
Les pires abominations ont
été commises au nom de
certaines conceptions de Dieu. Pourtant, depuis des
générations et des générations, disait le
philosophe juif Martin Buber, des hommes trouvent en lui la paix pour
leur coeur et le courage de vivre. Et il arrive toujours,
ajoutait-il, que lorsque deux ou trois hommes s'unissent, ils en
arrivent à parler ensemble de Dieu.
Personne n'est obligé de parler de Dieu. On peut même
parler de spiritualité sans le nommer ; et si nous le
faisons pourtant, les malentendus et les confusions surgissent.
Néanmoins, comme dit Buber, jamais les hommes n'y
renoncent.
.
A mes yeux, le mot
« Dieu » représente toutes les
valeurs qui comptent dans la vie.
Lorsque je dis « je crois
en Dieu », je parle en
fait du symbole qui unit mon être, avec toutes mes
connaissances, toutes les vertus fondamentales que sont l'amour, la
justice, la compassion etc. Et je m'émerveille que la Bible et
toute la tradition chrétienne me soit aussi proches, me
soutiennent et m'aident tant à vivre.
Plus je m'ouvre à cette
spiritualité, plus je vis la
fraternité des autres hommes et la communion la nature, plus
l'existence me paraît belle, importante, signifiante. Je dis « oui » à la vie, « oui » à l'espérance et la foi.
Traduction Gilles
Castelnau
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