|
Une vie réussie ou ratée
Gilles Castelnau
prédication
lecture audio
2 août 2010
Matthieu 25. 31-46
Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire.
Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.
Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde.
Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ;
j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ;
j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ;
j'étais nu, et vous m'avez vêtu ;
j'étais malade, et vous m'avez visité ;
j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi.
Les justes lui répondront : Seigneur,
quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger ;
ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ?
Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ;
ou nu, et t'avons-nous vêtu ?
Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?
Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites.
Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges.
Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ;
j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ;
j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli ;
j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ;
j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité.
Ils répondront aussi : Seigneur,
quand t'avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t'avons-nous pas assisté ?
Et il leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne les avez pas faites.
Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle.
.
Jésus disait donc que si l’on se détourne devant celui qui a faim, qui est étranger, malade ou en prison, ce manque de solidarité, de fraternité, de justice fait que l’on est bon à jeter au feu. Nous aimerions vivre dans un pays heureux et juste, béni par Dieu.
Mais un sondage récent rapporte que 72 % des Français ont le sentiment que nous vivons dans une société injuste.
Bien sûr notre organisation sociale a été largement améliorée depuis le temps de Jésus. Nous avons créé de nombreux liens sociaux, l’entraide s’est institutionnalisée et c’est bien :
- Des visiteurs et des aumôniers des grandes religions visitent les prisons et aucun détenu ne pourrait dire qu’on n’est pas venu vers lui.
- Plus personne n’a faim en France : de multiples repas gratuits sont servis, les Restaurants du Cœur se multiplient. De plus les défavorisés bénéficient du Revenu de Solidarité Active qui a remplacé le RMI.
- Tout le monde a la Sécurité Sociale, la Couverture Médicale Généralisée permet à tous les malades d’être soignés, même gratuitement.
- On a aussi ajouté la gratuité des études aux niveaux primaire, des collèges et des lycées et même en grande partie des universités.
C’est bien. Nous bénéficions d’un fort contrat social.
Et pourtant 72 % des Français ont le sentiment de vivre dans une société injuste. Et c’est vrai qu’on entend parler bien davantage de s’enrichir, de niveau de vie, de la consommation des ménages que de nous unir dans des efforts collectifs pour créer un monde plus humain, plus solidaire, plus heureux.
La télévision, par exemple, met davantage l’accent sur la consommation, le luxe, la dépense effrénée, la quête de la jouissance, le divertissement et la frivolité, que sur le développement des sentiments de justice, d’équilibre, de solidarité.
La gauche qui défendait traditionnellement la justice, la redistribution, la fraternité, l’égalité, mentionne davantage désormais le niveau de vie de ne surtout pas augmenter les impôts.
Notre monde ne parle guère du bien commun, du contrat social, d’un esprit solidaire intelligent et humaniste.
Et 72 % des Français ont l’impression de passer à côté de l’essentiel.
« J’avais faim, j’étais malade et en prison et vous n’êtes pas venu vers moi ».
Et pourtant, souvenons-nous du grand mouvement altruiste de 1945, à la Libération, du temps du général de Gaulle, où l’on a institué la Sécurité Sociale pour tous ! On s’impliquait avec passion dans les grandes idéologies.
Et les Églises, dans les deux décennies qui ont suivi développaient avec enthousiasme l’ACAT, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, l’aide au tiers-monde, la lutte contre la faim dans le monde, le Planning Familial, le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix.
Aujourd'hui on est à court d'idées et on laisse le monopole de la lamentable pensée unique à ceux qui nous parlent d’argent et flattent nos tristes sentiments égocentriques.
Jésus, quant à lui, enthousiasmait les foules en leur parlant d’amour du prochain et d’entraide.
.
Le texte de Matthieu 25 a sans doute été l’objet de plusieurs réécritures.
- Jésus est tout d’abord identifié à un personnage tout-puissant et menaçant, le « Fils de l’Homme », le « Roi », extérieur au monde, intervenant pour un jugement terrible.
- Puis un glissement s’opère. Le Roi tout-puissant semble descendre de son trône et se situer dans une très grande proximité des « petits » dont il se dit alors non plus le juge mais le « frère ».
- Enfin, lorsqu’il dit : « C’est à moi que vous l’avez fait » il n’est plus seulement un frère mais il s’identifie à chacun d’eux, il « est » chacun d’eux, en une présence qui transcende l’humanité humaine et qui révèle qu’il y a plus en nous plus qu’un consommateur, un contribuable, un simple maillon de la grande chaîne humaine. Dieu en nous !
. Saint Paul disait déjà - et l'évangéliste Matthieu l'avait certainement lu - « Christ vit en moi » (Galates 2.20)
. Saint Patrick, l'évangélisateur de l'Irlande :
Le Christ en moi
le Christ derrière moi
le Christ devant moi
le Christ à côté de moi
le Christ dans le calme
le Christ dans le danger
le Christ dans les cœurs de ceux qui m'aiment
le Christ dans la bouche de mes amis et…des autres.
. Le théologien allemand Jürgen Moltmann l’exprimait ainsi : « les êtres vivants sont ouverts à la plénitude inépuisable de la vie divine en une inhabitation divine ».
Présence divine en nous, en tous les hommes. Et cette présence n'est pas celle d'une divinité immobile. Elle est dynamisme créateur faisant monter en chacun la force de résister au mal, le courage d’affronter les difficultés et les forces destructrices : c’est à cette œuvre de vie que nous collaborons en « nourrissant celui qui a faim, en visitant celui qui est malade... ». C’est à l’action créatrice de vie de Dieu en tous les êtres que nous participons ou que nous nous opposons.
C'est ainsi que Dieu considère le monde, la société : Dieu est en nous, il n’est pas sans nous, mais il est plus que nous.
Jésus n’a pas dit de prier Dieu pour qu’il nourrisse les pauvres, qu’il guérisse les malades et visite les prisons. C’est lui justement qui est l’affamé, le malade, le prisonnier qui aspire à être aidé à vivre.
Ernest Hemingway disait : « Ne demande pas pour qui sonne le glas - la cloche des enterrements - il sonne pour toi » : celui qui est mort et que l’on enterre est ton frère, la présence du Christ était en lui, c’est un peu toi qui est mort, avec le Christ, en lui !
Un entrepreneur disait par contre : « ça m’est égal que ce soit cher pour les clients, ce que je veux c’est gagner de l’argent ». Il oubliait que, justement, Dieu était un de ses clients.
A l’Assemblée du Conseil Œcuménique des Églises de New Delhi en 1961 les délégués des Églises indiennes ont subjugué tout le monde en faisant remarquer que les « frères » du Christ, ceux en qui il est présent, sont « aussi » les hommes des autres religions.
Nous sommes tous, ensemble, membres de la grande toile, du puissant réseau de vie qui rassemble, comme dit le Psaume 150 : « tout ce qui respire ».
.
L’Évangile est-il une bonne Nouvelle ? Y a-t-il un bonheur possible en notre monde ? Certainement !
L’appel de Jésus en Matthieu gonfle le cœur : « vous m’avez nourri, prenez possession du Royaume ». Quelques versets plus haut, dans sa parabole des deniers, Jésus disait : « entre dans la joie... ».
Il y a effectivement un bonheur à construire un monde d’amour, de solidarité, de fraternité, conversation après conversation, élection après élection, dans nos engagements sociaux, associatifs ; à œuvrer pour que 10 % de notre population ne soit plus abandonné sur le bord de la route.
On chante parfois :
Je suis la lumière a dit le Seigneur
avec moi, mon frère, ouvre-lui ton cœur
Le monde est plein d’ombre,
Brillons, brillons bien
toi dans ton coin sombre
et moi dans le mien.
Il est tout à fait insuffisant, pour entrer dans la joie, de dire : « je ne fais pas de mal, je suis honnête et c’est déjà quelque chose ». Car ce n’est pas, là, entrer dans la joie du Christ.
Et 72 % des Français pensent effectivement que, collectivement, ils n’entrent pas dans la joie.
Écoutez les discours politiques : nous qui avons conscience d'avoir Dieu en nous, s’ils éveillent notre égoïsme, ils ne nous font pas entrer dans la joie.
S’ils nous focalisent sur notre « niveau de vie », ils ne nous font pas entrer dans la joie.
Il en résulte même une attitude de mépris à l’égard de soi-même et des autres, une absence de joie de vivre, une sorte de pessimisme.
Pour les Français la religion n’aide plus à vivre, elle n’est pas considérée comme constructrice, positive. Au contraire, on la ressent souvent comme une idéologie négative dans la mesure où l’on n’y parle « que » du péché, du « péché originel », du monde de la « chute ».
Une romancière américaine célèbre, Anne Rice, vient de faire savoir publiquement, qu’au nom de Jésus-Christ, elle se doit de quitter la religion chrétienne qu’elle juge hostile et destructrice à l’égard des homosexuels, de l’avortement, du divorce.
.
J’étais en prison, j’ai eu soif... Tout le monde ne visite pas les prisons et nos contemporains ont rarement soif.
Mais heureux ceux qui laissent l’Esprit fraternel et créateur animer leur quotidien : chacun là où il est placé, dans les structures de pouvoir, au niveau national, régional, intercommunal, dans les associations, dans les conversations de café ou entre amis.
Trois hommes parlaient ensemble.
- L’un disait : « tout va mal ! »
- L’autre disait : « voyons quand même le bon côté des choses »
- Le troisième disait : « j’ai une boussole dans le cœur, le dynamisme créateur de Dieu me réoriente toujours avec tous les hommes de bonne volonté sur le chemin de la construction du monde meilleur que Dieu aime. »
Entrons dans la joie de Dieu !
Retour vers libres opinions
Vos
commentaires et réactions
haut de la page
|