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Entre deux mondes

 

Gilles Cosson

 

Les éditions de Paris Max Chaleil

128 pages, 15 €


Recension Gilles Castelnau

 

Voir sur ce site : Gilles Cosson

Vers une espérance commune

Entre eux mondes

Cinq femmes

Et Rome s'enfonça dans la nuit




.

21 avril 2023

Gilles Cosson est diplômé de l’École polytechnique, du Massachusett's Institute of Technology et docteur en économie. Sa brillante carrière dans les milieux industriel et économique lui a donné une connaissance et une compréhension réalistes du fonctionnement des relations internationales et au soir de sa vie, il y repense et nous fait partager ses réflexions au détour des pages de ce beau livre. Marié, ses trois enfants devenus adultes, il médite aussi sur les relations familiales : il imagine ici la vie de son héro avec une femme, une maitresse admirée bien-aimée et… leurs enfants adolescents, dont l’un d’eux met fin à ses jours.

Tout cela est offert comme la présentation d’une vie, dans une série de 26 brefs chapitres, écrits sans prétention ni emphase, qui ne s’attardent jamais sur les questions existentielles rapidement soulevées.

En voici des passages :

 


Le retour du tragique

C'est peu après en effet qu'avait éclaté la pandémie du covid avec l'incroyable bouleversement qui en avait été la conséquence et son instinct l'avait aussitôt averti qu une page de l'histoire venait de se tourner. Pourquoi ? Parce qu'il avait ressenti sans qu'il soit nécessaire de le formuler, que cette première alerte mettait en mouvement tous les rouages en apparence indépendants de la machine complexe qu'était le monde des hommes. Aussitôt étaient remonté à sa mémoire les ébranlements du passé où ces enchaînements s'était mis en branle en même temps : les grandes pestes précédant de peu la destruction de l'Empire romain par les Barbares, l'utopisme bienveillant des Lumières et la marée de sang de la révolution, la Première Guerre mondiale suivie de la grippe espagnole, la pénicilline et la bombe atomique.

[...]

Ainsi le Covid avait-il entraîné d'incroyables claustrations. Était venue presque en même temps la guerre en Syrie, puis en Ukraine et l'on s'entretuait partout au nom d'Allah, sans oublier le réchauffement climatique dont la menace grandissait tous les jours. Tout cela ne procédait pas du hasard, car la nature obéissait à des cycles dont la destruction faisait partie. Et l'on entrait dans une de ces moments redoutables...

De cela, Legaret était lui aussi convaincu mais il pensait que le premier devoir des hommes était de bander leurs forces pour faire face aux dangers qui s'accumulaient en s'appuyant sur les nouveaux moyens techniques disponibles, sans oublier même s'il n'y croyait guère, un appel renouvelé à la sagesse des nations.

Peut-être, avait-il répliqué à son ami, mais sans appeler Armageddon à la rescousse, n'était-ce pas à un de ces cycles destructeurs impitoyables que s'étaient confrontés ses grands-parents lors de la Première Guerre mondiale, avec la révolution bolchevique suivie de la famine en Ukraine, ou encore, plus récemment, le drame absolu de la Shoah couronnant les folies assassines de la Seconde Guerre mondiale ? Le temps était revenu de ces périodes meurtrières...

Il reconnaissait volontiers qu'était apparu à cette occasion le sentiment réconfortant du courage et de l'héroïsme, tel qu'incarné par les partisans luttant à armes inégales en France ou ailleurs contre l'oppression nazie : il était émouvant de constater que face à des circonstances tragiques, des hommes en apparence ordinaires découvraient en eux des forces insoupçonnées. Le fait d'être prêt à donner sa vie manifestait la permanence chez les êtres humains de ce qui dépassait le quotidien et ils allaient en avoir grand besoin dans les temps à venir...

 

 

Une longue attente

(à propos de Frédérique, la brillante violoniste qui le captive)

Pour la séduire, car il n'avait pas perdu l'espoir d'étreindre son corps animé par la musique d'une vie secrète et d'autant plus attirante, il était allé jusqu'à imaginer devant elle la possibilité de l'exécution du concerto de violon de Brahms sur les plateaux du Hoggar par un ensemble choisi. Cherchant à allier ainsi la beauté de la musique à celle du cadre naturel, il avait perçu chez elle une attention dont il était décidé à tirer parti.

Ainsi s'était-il fait peu à peu reconnaître, entre deux tournées internationales dont elle revenait fatiguée, lui-même étant présent pour la soulager du poids d'un excès d'exigences musicales tout en évoquant leur amour partagé pour tout ce qui se rapprochait de l'inexprimable.

 

 

Sainte-Baume

Un fort mistral d'hiver soufflait à travers les arbres dénudés tandis qu'il commençait à monter le sentier qui menait aux grottes de la Sainte-Baume. Le ciel était clair, le froid vif. Autour de lui flottaient encore en une sorte de vapeur tous les soucis et tous les attachements de sa vie.

Tant de gens avant lui avaient suivi ce chemin. Ne disait-on pas que Saint Louis de retour de croisade avait fait halte ici avec nombre de ses preux ? Tous étaient venus en ce lieu à la recherche d'un contact avec l'invisible et, au travers des siècles, il ne se sentait pas différent d'eux,  ils n'étaient, eux aussi, que des hommes en quête de sens, confrontés à des questions auxquelles ils ne savaient pas répondre. Et il se sentait accompagné par tous ceux, humbles ou puissants, qui avaient gravi cette pente avant lui.

 

 

 

Tibet

Après bien des efforts, il avait réussi à organiser un voyage au Tibet sous le prétexte de mesurer la mainmise progressive des Chinois sur cette province rebelle.

D'abord, l'arrivée à Damxung : poste chinois. Soldats curieux ouvrant les tentes, hauts parleurs hurlant d'incompréhensibles slogans, pluie battante de la mousson, souffle coupé par l'appréhension autant que par l'altitude, quel étrange endroit que cette caserne du bout du monde !

Ensuite l'ascension du premier col, le long des défilés des Nyanchen-Tangla : vingt kilomètres à pied par un chemin désert avec tout autour les cimes encapuchonnées de neige, figées dans une Immobilité pesante, oppressante, inhumaine. Et cette montée interminable : une gorge, encore une gorge, une haute vallée et une vallée plus haute encore ! Pour comble, le grésil qui se met à tomber, léger, insidieux, contraignant chacun au silence. Porte du monde des mystères, que ton accès est difficile !

Un ultime effort pour surmonter l'asphyxie, inspiration, un pas, expiration, un autre pas. Voici que le chemin s'aplanit et qu'apparaît de l'autre côté du col le lac Namtso, brillant sous le feu d'un soleil d'éclaircie, œil de la terre ouvert sur l'infini.

 


Un recours bienvenu


Vanité des vanités, c'est ce qu'il se répétait sans cesse ! Qu'avait-il cherché en devenant un grand journaliste, quelle folie de puissance avait bien pu le guider ! Certes, il avait gardé au sein de son âme un jardin secret, un lieu où il avait le sentiment de pouvoir s'abstraire des infamies du monde, mais ce n'était qu'un alibi, un simple alibi, puisqu'il avait continué sans rien comprendre à donner des avis plus ou moins judicieux à ceux qui comptaient sur lui pour les éclairer. De quel droit les avait-il donnés, ces avis ? Sans qu'il voulût se l'avouer, il avait été une victime consentante des turpitudes qui l'entouraient, il avait aidé tel bandit de talent à progresser vers les sommets, contribué à détruire la réputation de tel homme en vue incapable de tenir la fonction qu'il incarnait. Que de sottes satisfactions n'avait-il pas ressenties lors de ses éditoriaux sentencieux ! Et il mesurait la prétention de tant d'hommes politiques aspirant à piétiner leurs voisins pour grimper toujours plus haut alors que, comme le lui avait rappelé Legaret, les meilleurs évitaient aujourd'hui ce monde fait d'aspirations médiocres et de fauxsemblants.

 



L’espérance, encore et toujours


Il s'interrogeait. Même si les faits ne lui avaient pas toujours donné raison, il ne regrettait pas son travail quotidien, accompli dans le respect des exigences de son métier. Quant à sa vie personnelle, il s'était toujours senti relié au monde Invisible par un lien mystérieux, comme si le rideau qui l'en séparait s'était parfois entrouvert. C'est ce sentiment-là qui l'avait maintenu serein. Et s'agissant des deux femmes qui avaient compté pour lui, il leur rendait hommage car elles avaient su le comprendre : Fanny d'abord, par son intelligence et son indulgence, Frédérique ensuite pour le halo de lumière qui l'entourait et l'amour qu'elle lui avait donné ? Était-il responsable du sort de son fils ? Là était une question à laquelle il ne pouvait répondre. Car chaque enfant portait en lui un mystère propre qui ne devait rien qu'à lui-même

[...]

 

Le moment était arrivé de retourner à la vie et il se sentait plein d'espérance : il savait pouvoir retrouver un jour Celui dont il était issu et qui avait jeté sur lui, être insignifiant qu'il était, l'ombre de la conscience universelle, celle qui donnait un sens à l'univers. Et ce sens, il continuerait à en témoigner... Non, il ne redoutait pas le sort qui l'attendait et il essayerait d'en être digne.

Alors, une dernière fois, il regarda au fond de l'espace qui lui faisait signe. Et il y aperçut Dante et Béatrice, mais aussi le sage Lao-Tseu, Vishnou et Shiva, le seigneur Bouddha, le lumineux Jésus-Christ et Mahomet lui-même, l'homme qui ne savait pas écrire. Tous lui disaient : tu as été un homme de foi, avance sans peur vers ce qui t'attend et partage la grandeur du cosmos en constant devenir. Tu y as ta place, elle t'attend...



 

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