L’intronisation religieuse de Trump
Si on en reparlait ? De Donald Trump évidemment ! De sa prestation de serment que la presse a commentée « Il n’a pas mis sa main gauche sur la Bible alors qu’il prêtait serment ! » comme c’est la tradition, devant le Président de la Cour suprême des États-Unis. Mais la Bible n‘était pas absente : La Première Dame, Mélania Trump, qui se tenait près de son mari, avait deux bibles en mains, l’une étant la bible personnelle de Donald Trump, donnée par sa mère lorsqu’il avait commencé son instruction religieuse dans une paroisse presbytérienne. La seconde bible, la « Lincoln Bible », est celle sur laquelle le Président Lincoln a prêté serment en 1861. On se serait attendu à ce qu’il pose sa main sur la bible, comme nombre de ses prédécesseurs…
Mais l’article VI de la Constitution américaine qui se rapporte aux prestations de serment des membres du Congrès et autres personnels politiques et judiciaires n’en fait pas une obligation légale : « Toute exigence religieuse pour accéder à une fonction ou une charge publique est interdite » précise la Constitution. Le Premier Amendement à la Constitution dit même que « l’établissement d’une religion nationale par le Congrès ou la préférence d’une religion sur une autre, ou d’une religion sur les non-croyants est interdit. » De même qu’« aucun test religieux ne sera jamais exigé pour la qualification à une fonction ou une charge publique aux États-Unis. »
Ainsi, Le 6e Président des États-Unis, John Quincy Adams a prêté serment en 1825, sur un ouvrage de droit. Quant à Lyndon Johnson, le vice-président de John Kennedy, il a en 1963, prêté serment dans l’avion qui le ramenait avec le corps du président assassiné à Dallas, en posant sa main gauche sur un livre de prière qui était à bord. Enfin, le site du réseau de télévision américain ABC News rappelle que durant sa campagne présidentielle Donald Trump avait choisi la chanson « God Bless The USA Bible » inspirée, selon lui, de la ballade patriotique du chanteur de country Lee Greenwood. Et comme les affaires ne sont jamais loin, Trump encourageait ses supporters à acheter un exemplaire de cette bible pour 59,99 $ : « Lets us Make America Pray Again » est le slogan lancé par Trump pour accompagner cette vente de bibles curieuse… On a alors raconté que l’argent était en fait destiné à payer les frais de justice à la suite de ses procès peu glorieux avec des femmes !
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Le mardi 21 janvier, au lendemain de l’investiture de Donald Trump, avait lieu un service religieux à la cathédrale nationale de Washington. Un service présidé par l’évêque épiscopalienne (anglicane) Mariann Budde, première femme évêque en charge du diocèse épiscopalien de Washington.
On peut parler de « fameux » sermon de cette évêque, au vu de la place donnée à l’événement par la presse internationale, américaine et française. Et des réactions courroucées du Président, qui a qualifié l’évêque de « méchante », et a réclamé des « excuses » de sa part en même temps qu’il écrivait sur son site internet Truth Social : « La soi-disant évêque qui a prêché durant le service était une radicale de la gauche extrême. Elle a entraîné son Église dans le monde de la politique de manière très désobligeante. »
Certains des fidèles républicains du Président comme Mike Collins, le représentant de la Géorgie, a appelé lui à la « déportation » de l’évêque, ignorant totalement qu’on ne peut pas déporter d’Amérique une citoyenne américaine !
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Mais en fait que disait le sermon de l’évêque Mariann Budde qui a tant fâché le Président Trump ? Je vous propose d’en reprendre certains passages :
« Ce culte national nous réunit pour prier pour l’unité du peuple et de la nation. Non pas un accord politique mais une unité qui renforce notre union par-delà nos diversités et nos divisions. Une unité utile au bien commun qui nous permette de vivre en liberté et ensemble dans un pays libre. […] L’unité est une façon d’être ensemble, dans le respect de nos différences, de nos diverses conditions d’existence. Elle nous ouvre à un souci mutuel malgré tous nos désaccords […] Car l’unité, comme l’amour, implique un don de soi.
Dans son sermon sur la montagne, Jésus de Nazareth nous appelle à ne pas aimer seulement notre prochain, mais aussi nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutent, à être miséricordieux comme notre Dieu est miséricordieux, à pardonner comme Dieu nous pardonne. […]
Je vous concède que cette invitation de Dieu exige de nous beaucoup d’espérance et de prière, mais elle correspond au meilleur de nous-mêmes et il est évident que si, par contre, nos actes ne contribuent qu’à accroître nos divisions, nos prières ne serviront pas à grand-chose.
Nous, qui sommes ici dans la cathédrale, nous ne sommes pas naïfs et lorsque le pouvoir, la richesse et des intérêts opposés sont en jeu, lorsque divergent les conceptions que l’on peut avoir sur l’avenir de l’Amérique, nous savons bien qu’il y aura sur tous ces sujets des gagnants et des perdants. Il va sans dire que dans un système démocratique, au cours d’une session législative ou d’un mandat présidentiel, les espoirs et les rêves de tous ne peuvent se réaliser et toutes les prières ne peuvent être exaucées.
Mais il est à craindre qu’il s’agisse pour certains, de la perte de leur égalité, de leur dignité et même de leurs moyens de subsistance. Comment dès lors vivre ensemble une véritable unité et comment pourrons-nous même l’envisager ? Mais j’espère bien que nous le pouvons, car autrement, la culture du mépris qui s’est instaurée en Amérique nous détruira tous.
Je suis une croyante, entouré de croyants et je crois qu’avec l’aide de Dieu, notre unité est possible. Elle ne sera évidemment pas parfaite, car nous sommes un peuple imparfait. Mais elle le sera suffisamment pour que nous continuions à adhérer à nos idéaux exprimés dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, qui affirme l’égalité et la dignité innées de tout être humain. Nous avons raison de compter sur l’aide de Dieu dans notre quête de l’unité, mais seulement si nous sommes disposés à y œuvrer nous-mêmes.
Permettez-moi une dernière demande, Monsieur le Président. Des millions de personnes vous ont fait confiance et, comme vous l’avez dit hier à la nation, vous avez ressenti sur vous la main providentielle d’un Dieu aimant.
Au nom de notre Dieu, je vous demande d’avoir pitié des gens de notre pays qui ont peur maintenant. Il y a des enfants gays, lesbiens et transgenres dans des familles démocratiques, républicaines et indépendantes.
Certains craignent pour leur vie. Et nos concitoyens qui vendangent nos champs, nettoient nos bureaux, travaillent dans les élevages de poulets, dans le conditionnement de la viande, qui lavent la vaisselle dans nos restaurants, travaillent de nuit dans les hôpitaux. Ils n’ont peut-être pas notre nationalité ou n’ont pas les bons papiers.
Mais la grande majorité des immigrés ne sont pas des criminels. Ils paient leurs impôts et sont de bons voisins. Ils sont des membres fidèles de nos églises, des mosquées, des synagogues et des temples.
Puis-je vous demander d’avoir pitié, Monsieur le Président, à l’égard des membres de nos communautés dont les enfants ont peur que leurs parents soient expulsés.
Je vous demande d’aider ceux qui fuient les zones de guerre et de persécutions dans leurs propres pays à trouver ici compassion et accueil. »
Notre Dieu nous enseigne à avoir de la compassion pour les étrangers car nous avons été nous-mêmes autrefois étrangers dans ce pays.
Que Dieu nous donne la force et le courage de traiter tous les êtres humains avec dignité, de nous exprimer avec vérité et amour et de marcher humblement les uns avec les autres et avec Dieu.
Faithful America, une communauté de chrétiens américains de toutes dénominations, qui se mobilisent à chaque instant sur internet pour défendre la justice sociale et en appelle à l’amour des autres, comme ceux attaqués par Trump, a demandé qu’on manifeste son soutien à l’évêque Mariann Budde : « On ne doit pas laisser l’évêque affronter seule cette vague de haine, il faut au contraire l’encourager pour avoir manifesté cette sorte de courage prophétique que nos responsables chrétiens doivent aussi montrer face au christofacisme de Trump. » Il faut aussi parler de son Église épiscopalienne qui se tient près d’elle.
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