Le salut chez Jacques Pohier

Par

Michel Leconte

Voir aussi :

Introduction

Jacques Pohier (1926-2007) est un théologien catholique français connu pour ses positions novatrices, notamment dans la revue Concilium. Sa conception du salut – entendue comme l’« œuvre de Dieu qui sauve l’humanité » – a suscité la controverse et a même valu une mise en garde officielle en 1979 de la part de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Nous comparerons ici sa vision du salut avec la doctrine officielle de l’Église catholique, en examinant la nature du salut, son lien avec la foi, le rôle de la grâce et des sacrements, ainsi que l’universalité du salut. Chaque section mettra en lumière les convergences éventuelles et surtout les divergences majeures, appuyées sur les écrits de Pohier et les documents magistériels (Concile Vatican II, Catéchisme de l’Église catholique, encycliques).

I. La nature du salut

Doctrine catholique. Pour l’Église, le salut est avant tout la libération du péché et de la mort et l’accès à la vie éternelle en communion avec Dieu. Il s’agit d’un don gratuit rendu possible par la mort rédemptrice et la résurrection de Jésus-Christ. Le Catéchisme rappelle que « Dieu notre Sauveur (…) veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2,4) et qu’« il n’y a sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvés » que celui de Jésus. En Jésus, Dieu offre aux hommes la vie divine : la justification opérée par la grâce comporte « la rémission des péchés, la sanctification et la rénovation de l’homme intérieur ». Le but ultime du salut est la participation à la vie trinitaire pour l’éternité (la vie éternelle). Ainsi, pour la doctrine catholique, le salut a une dimension eschatologique (accomplissement dans l’au-delà : résurrection des morts, ciel ou enfer), même s’il est déjà inauguré ici-bas par la grâce. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est le Sauveur qui, par sa Passion et sa Résurrection, a vaincu le péché et la mort pour nous ouvrir ce destin éternel bienheureux.

Jacques Pohier. Pohier propose une compréhension très différente, recentrée sur la dimension présente et immanente du salut. Pour lui, le salut n’est pas tant un voyage vers un « autre monde » après la mort qu’une réalité à vivre ici et maintenant. Il affirme en effet : « Je ne crois plus à un autre monde : pour moi, la Bonne Nouvelle n’est pas que Dieu nous appelle à un autre monde, mais que Dieu puisse se faire Dieu-avec-nous dans ce monde-ci qui est le nôtre ». Autrement dit, la promesse chrétienne ne consiste pas à quitter ce monde pour un au-delà inconnu, mais à expérimenter dès à présent la présence de Dieu au cœur de notre existence. Pohier insiste sur le fait que « le salut apparaît aujourd’hui même, car la vie éternelle c’est la connaissance de Dieu rendue possible par l’incarnation de Jésus ». Il cite la parole de Jésus « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, Toi le seul vrai Dieu… » (Jn 17,3) pour signifier que connaître Dieu maintenant équivaut déjà à vivre la vie éternelle. Par conséquent, plutôt que d’attendre un salut futur, l’urgence pour le croyant est de « re-susciter » Jésus aujourd’hui dans sa vie et son entourage – c’est-à-dire de rendre le Christ présent et vivant dans le monde par notre témoignage. Pohier voit dans la mort et la résurrection du Christ non pas tant une victoire miraculeuse sur la mort biologique qu’une « manifestation vivante de Dieu » au cœur du temps. Il va jusqu’à remettre en question l’idée traditionnelle d’une résurrection corporelle future, la jugeant peu intelligible et motivée par le désir d’immortalité de l’homme plus que par la Révélation.

Convergences et divergences. Sur la nature du salut, Pohier et la doctrine catholique convergent en affirmant que le salut consiste fondamentalement en une rencontre avec Dieu et en la réception d’une vie nouvelle grâce à Jésus-Christ. Tous deux reconnaissent que cette vie de communion avec Dieu commence dès ici-bas par la foi : Pohier souligne que la vie éternelle, c’est connaître Dieu maintenant, ce que l’Église enseigne également (cf. Jn 17,3 cité plus haut). Cependant, les divergences sont profondes. Contrairement à l’Église, Pohier minimise la dimension eschatologique : il ne met plus l’accent sur un accomplissement du salut après la mort (résurrection finale, ciel ou enfer). L’Église proclame que l’homme est fait pour vivre éternellement avec Dieu et que la victoire du Christ sur la mort nous assure la résurrection et la béatitude éternelle, tandis que Pohier déclare ne pas « connaître » cet au-delà et refuse qu’on le définisse comme le simple envers du monde présent. De plus, Pohier conteste l’idée d’une expiation des péchés par le sacrifice sanglant du Christ : pour lui, Jésus n’est pas venu principalement pour « payer la dette » du péché ou satisfaire la justice divine, mais pour révéler l’amour de Dieu et dire Dieu aux hommes. Cette relecture tranche avec la doctrine catholique, pour qui la Passion du Christ revêt une valeur rédemptrice et sacrificielle voulue par Jésus lui-même (il s’est offert pour nos péchés). En somme, Pohier redéfinit la nature du salut en termes très terrestres et existentiels (expérience actuelle de Dieu, transformation du monde présent), là où l’Église maintient une perspective théologique classique articulant le présent (conversion, grâce sanctifiante) et l’au-delà (vie éternelle après la mort).

II. Salut et foi

Doctrine catholique. La foi est la porte d’entrée du salut dans la théologie catholique. Croire en Jésus-Christ comme Fils de Dieu et Sauveur est indispensable pour être sauvé – du moins lorsque l’Évangile a été connu. Le Catéchisme enseigne que « sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu » (He 11,6) et que personne n’a été justifié sans la foi. Jésus lui-même a ordonné : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » (Mc 16,16). L’Église catholique a toujours proclamé la nécessité de la foi vivante (la foi agissante par la charité) pour accueillir le salut offert par grâce. Cette foi salvifique n’est pas un simple assentiment intellectuel : c’est une confiance en Dieu qui se manifeste dans une conversion du cœur et une fidélité à la volonté divine. Cependant, l’Église reconnaît aussi que Dieu peut sauver ceux qui, sans faute de leur part, ne connaissent pas explicitement le Christ, pourvu qu’ils recherchent sincèrement la vérité et accomplissent le bien selon leur conscience. Vatican II affirme ainsi que « ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent Dieu d’un cœur sincère […] peuvent parvenir au salut éternel » . Autrement dit, la foi explicite en Christ est la voie normale du salut, mais une forme de foi implicite (ou du moins d’ouverture à Dieu) peut suffire par la miséricorde divine pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité de connaître le Christ. Quoi qu’il en soit, toute personne sauvée l’est par Jésus-Christ et par la grâce de son Esprit, même si c’est de façon mystérieuse dans le cas des non-chrétiens.

Jacques Pohier. Pohier met également l’accent sur la rencontre personnelle avec Dieu, mais il tend à redéfinir le cadre de la foi de manière plus existentielle et moins dogmatique. Pour lui, la foi n’est pas d’abord l’adhésion à des vérités abstraites (par ex. foi en la résurrection future), mais l’acte de confiance par lequel l’homme et Dieu se rencontrent. Il écrit que la marque de l’expérience de salut se trouve dans « l’union de l’homme qui va vers Dieu et de Dieu qui va vers l’homme ». Cette foi-rencontre peut se vivre en dehors des structures ecclésiales explicites. Pohier souligne par exemple que des figures bibliques comme Abraham ou Moïse n’avaient aucune croyance en un au-delà, et pourtant ils « croyaient en Dieu » et ont été justes devant Lui. En cela, il semble suggérer que l’essentiel est la confiance en Dieu et la droiture de vie, plus que l’adhésion à telle doctrine particulière. Pohier se méfie d’une foi comprise comme simple soumission à un corps doctrinal imposé par une institution. Il a même pu considérer l’institution ecclésiale comme un écran risquant d’obscurcir la pure rencontre entre l’âme et Dieu. Sa critique vise ce qu’il perçoit comme une foi aliénée, fondée sur la peur (peur de l’enfer, besoin de sécurité spirituelle) plutôt que sur l’amour. Dès lors, Pohier valorise une foi libérée, qui ose poser des questions, remettre en cause les formulations traditionnelles, pour atteindre une relation à Dieu plus authentique. Par exemple, croire en la résurrection du Christ, pour Pohier, ce n’est pas accepter un fait surnaturel comme on accepte un dogme, c’est faire l’expérience du Christ vivant qui nous appelle aujourd’hui – dimension plus intérieure que factuelle.

Convergences et divergences. Concernant la foi, Pohier et la doctrine catholique s’accordent sur un point fondamental : le salut implique une relation de confiance entre l’homme et Dieu. Tous deux rejetteraient l’idée qu’on puisse être sauvé de façon automatique, sans un accueil libre de Dieu (que ce soit l’« oui » de la foi explicite ou l’ouverture du cœur chez celui qui ignore Dieu). Cependant, les différences résident dans la forme et le contenu de la foi requis. L’Église insiste sur la foi en Jésus-Christ et en tout ce qu’il a révélé (impliquant l’adhésion au kérygme apostolique enseigné par l’Église). Pohier, lui, tend à décentrer la foi de son contenu doctrinal pour la ramener à un mouvement existentiel vers Dieu. En pratique, cela signifie que pour l’Église, nier des vérités centrales comme la résurrection du Christ ou la vie éternelle revient à saper la foi elle-même – ce pourquoi les thèses de Pohier ont été jugées incompatibles avec la foi catholique. Pohier assume précisément une remise en question de ces vérités « pour aller plus loin » dans la foi : il estime possible d’être en authentique relation avec Dieu tout en repensant radicalement certains dogmes traditionnels. En ce sens, la médiation ecclésiale de la foi est accueillie positivement par l’Église (la foi vient de ce qu’on entend, fides ex auditu, transmise par la prédication de l’Église), tandis que Pohier s’en méfie, préférant parler d’une expérience personnelle moins dépendante du magistère. On voit là une divergence sur le rôle de l’assentiment doctrinal : indispensable selon Rome (même si la charité doit vivifier cet assentiment), moins déterminant selon Pohier qui valorise la sincérité de la quête de sens, y compris chez les non-chrétiens ou les « chrétiens anonymes ». En somme, la foi catholique comporte un contenu objectif à confesser (Christ mort et ressuscité pour nous, etc.), là où la foi selon Pohier se focalise sur la confiance en Dieu présent, quitte à reformuler ou laisser de côté certains articles traditionnels jugés secondaires ou inadéquats à l’homme moderne.

III. La grâce et la transformation intérieure

Doctrine catholique. Le salut est entièrement dû à la grâce de Dieu, c’est-à-dire son amour gratuit et sa vie divine communiqués à l’homme. L’initiative vient de Dieu : « La grâce du Saint-Esprit a le pouvoir de nous justifier, c’est-à-dire de nous laver de nos péchés et de nous communiquer la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ et par le Baptême ». En théologie catholique, personne ne peut se sauver soi-même par ses seules forces ou mérites ; nous dépendons de la miséricorde divine. La grâce suscite en nous la foi, la conversion, et nous rend capable d’aimer et d’agir selon Dieu. Le Concile de Trente enseignait que l’homme, touché par la grâce, coopère librement à son salut (contre toute vision purement passive), mais que cette coopération même est un effet de la grâce. Concrètement, le salut opéré par grâce produit une transformation intérieure de l’être humain : « La justification […] réconcilie l’homme avec Dieu. Elle libère de la servitude du péché et guérit ». Par la grâce sanctifiante infusée dans l’âme, le croyant devient une « nouvelle créature », fils adoptif de Dieu, participant de la nature divine (2 P 1, 4). Cette insistance sur la grâce de Dieu n’efface pas le sérieux du péché : l’Église considère que le salut apporte avant tout le pardon des fautes et la guérison de l’homme pécheur. Jésus est venu « sauver son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21) et le salut consiste donc, pour chaque personne, à être relevée de son état de péché pour vivre dans l’amitié de Dieu.

Jacques Pohier. Pohier, tout en restant théologien chrétien, revisite le rôle de la grâce et la compréhension du péché. Il ne nie pas que le salut soit un don de Dieu (tout son accent sur la présence de Dieu « qui va vers l’homme » l’implique), mais il déplace le point focal. Pour lui, la grâce de Dieu se manifeste avant tout comme une présence aimante et vivifiante au cœur de l’existence humaine, plus que comme un remède juridique à une faute. Pohier s’oppose à ce qu’il appelle le « système du salut » centré sur l’idée d’expiation du péché et de rachat juridique. Il estime possible de « faire ressurgir Dieu » dans la vie de l’homme « sans recourir au préalable à l’expiation et à la délivrance du péché ». Autrement dit, il voudrait parler du salut en termes de rencontre, de pardon gratuit, de plénitude de vie humaine, plutôt qu’en termes de dette effacée ou de culpabilité abolie. Cela correspond à sa sensibilité pastorale et psychanalytique : Pohier voit dans l’obsession de la faute et de sa compensation un obstacle à la saine relation à Dieu. Il préfère insister sur le pardon inconditionnel de Dieu et sa proximité aimante qui relève l’homme. Plutôt que de s’appesantir sur la faiblesse humaine (la « contingence » et la mortalité que l’homme vit difficilement), il célèbre la capacité de l’homme, avec l’aide de l’Esprit, à se transcender et à vivre pleinement. Pohier rejoint ici d’autres théologies contemporaines qui parlent du salut comme épanouissement de l’homme autant que comme délivrance. La grâce, chez Pohier, est moins décrite comme une infusion surnaturelle que comme la présence agissante de l’Esprit animant les croyants pour qu’ils transforment le monde. Il écrit en effet : « L’œuvre de l’Esprit […] est d’abord d’animer les disciples pour qu’ils fassent autre ce monde-ci ». Cette phrase montre que, pour Pohier, la grâce de l’Esprit ne vise pas d’abord à nous faire quitter notre condition (vers un ciel futur), mais à transfigurer notre condition présente – en quelque sorte, faire advenir le Règne de Dieu parmi nous. D’une certaine manière, cela rejoint la notion de sanctification chère à la doctrine catholique, mais sans le cadre traditionnel du péché originel, de la satisfaction substitutive, etc. Pohier semble vouloir libérer l’homme d’une culpabilité écrasante en affirmant que Dieu offre Sa présence vivifiante sans préalable.

Convergences et divergences. Sur le thème de la grâce, convergence partielle : Pohier et l’Église reconnaissent que le salut est un don de Dieu gratuit, qui vise une transformation de l’homme en bien. Tous deux soulignent le rôle de l’Esprit Saint qui anime et sanctifie. L’idée pohérienne que le salut se reconnaît à une vie « pleinement humaine » et réconciliée rejoint la perspective catholique d’une nature humaine élevée par la grâce et accomplie dans la sainteté. Toutefois, la divergence tient à la centralité du péché et de l’expiation. L’Église voit la grâce avant tout comme ce qui arrache l’homme au péché et le guérit du mal, alors que Pohier souhaite parler du salut quasiment en faisant l’économie de la notion de péché (du moins en ne la posant pas en point de départ obligatoire). Il y a là un décalage de diagnostic : pour l’anthropologie catholique classique, le problème fondamental à résoudre est la séparation d’avec Dieu causée par le péché (d’où nécessité de grâce pour pardonner et régénérer) ; pour Pohier, le problème fondamental semble plutôt être le manque de sens, la finitude non assumée, le sentiment d’absence de Dieu – problèmes auxquels Dieu répond par sa présence offerte, plus que par un règlement juridico-moral. En outre, Pohier rompt avec l’explication traditionnelle du salut en termes de sacrifice propitiatoire : l’Église enseigne que Jésus s’est offert en sacrifice par amour pour nous, obtenant ainsi le pardon des péchés pour tous (cf. Il a donné sa vie en rançon pour la multitude – Mc 10,45). Pohier, lui, refuse d’interpréter la mort de Jésus comme un paiement exigé par Dieu. Il y voit plutôt le don extrême de Jésus aux hommes (et non une offrande à un Père qui demanderait la mort du Fils). Ici se marque une divergence théologique nette sur la notion de réparation du péché : essentielle au dogme catholique de la Rédemption, jugée secondaire voire erronée par Pohier. Enfin, notons que Pohier, en insistant sur la gratuité du salut, en vient à minorer la notion de mérite et de coopération humaine telle que la conçoit l’Église. Pour le catholicisme, la grâce nous rend capables de collaborer aux œuvres du salut (prière, charité, pénitence), et ces œuvres ont du prix aux yeux de Dieu (mérite des justes par grâce). Pohier, lui, semble tellement souligner l’initiative de Dieu présente partout qu’il réduit le salut à une accueil confiant du don, sans la dynamique classique de lutte contre le péché et de croissance méritoire. Là encore, l’idée n’est pas qu’il nie l’engagement moral du croyant, mais il le formule en termes de dynamisme de vie plus qu’en termes d’obéissance méritoire.

IV. Les sacrements et l’Église dans l’économie du salut

Doctrine catholique. Dans la perspective catholique, le salut n’est pas seulement une réalité invisible entre Dieu et l’individu : il passe par des médiations visibles, en particulier les sacrements et l’appartenance à l’Église. L’Église elle-même est définie par Vatican II comme « le sacrement universel du salut » (LG 48), c’est-à-dire l’instrument visible par lequel le Christ communique la grâce à tous. En effet, « cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul le Christ est médiateur et voie du salut ; or Il nous devient présent en son Corps qui est l’Église ». Ainsi, l’incorporation à l’Église par la foi et le baptême est considérée comme le chemin voulu par Dieu pour accéder à la vie divine. Plus précisément, les sacrements (au nombre de sept) sont les canaux privilégiés de la grâce du Christ. Le Catéchisme déclare sans ambages que « pour les croyants les sacrements de la Nouvelle Alliance sont nécessaires au salut ». En premier lieu, le baptême est décrit comme la « porte » du salut : « Le Baptême est nécessaire au salut pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé », car il fait naître à la vie nouvelle en Christ (Jn 3,5). L’Eucharistie est quant à elle « le sacrement de notre salut accompli par le Christ sur la croix » (CEC §1359) – elle rend réellement présent le sacrifice du Calvaire et communique la vie du Ressuscité. Les autres sacrements (confirmation, réconciliation, onction, ordre, mariage) participent également, chacun à leur manière, à l’économie du salut (par exemple, le sacrement de réconciliation applique le pardon des péchés post-baptismaux, etc.). Le rôle du prêtre est central dans cette dispensation sacramentelle de la grâce, notamment pour conférer l’Eucharistie où le Christ est présent « réellement et substantiellement ». L’Église insiste sur la fidélité à ces moyens visibles : refuser délibérément les sacrements serait refuser le mode concret par lequel le Christ sauve. Historiquement, l’adage « Extra Ecclesiam nulla salus » (« hors de l’Église, pas de salut ») exprimait l’importance vitale de l’appartenance ecclésiale – adage nuancé par Vatican II pour les cas d’ignorance involontaire, sans en diminuer la vérité de fond (cf. supra LG 16).

Jacques Pohier. Pohier adopte une position beaucoup plus critique vis-à-vis de la médiation ecclésiale et sacramentelle. Dans ses écrits, il remet en cause une sacralisation excessive des rites et de l’institution, y voyant le risque d’une « chosification » du divin. Par exemple, il reproche à la théologie traditionnelle de « chosifier l’Eucharistie en corps christique », c’est-à-dire de parler de la présence réelle du Christ d’une manière trop statique et quasi magique. Pohier ne nie pas la valeur des symboles chrétiens, mais il souhaite les démystifier pour retrouver leur sens premier : être des signes de la rencontre avec Dieu, et non des objets de vénération en eux-mêmes. De même, il s’élève contre une conception de l’Église qui ferait de celle-ci un passage obligé quasi automatique. Il va jusqu’à demander si l’Église ne constitue pas parfois un obstacle entre Dieu et les hommes, par exemple lorsque l’institution exige l’adhésion à des formules ou discipline qui peuvent voiler la simplicité de l’Évangile. Pohier plaide pour une présence de Dieu directe à chaque personne, sans qu’une médiation humaine (ministres, sacrements) ne prenne trop de place. Son approche du salut est très personnaliste : c’est la conscience individuelle, le cœur à cœur entre Dieu et l’âme, qui prime. Ainsi, bien qu’il soit prêtre dominicain de formation, Pohier s’écarte d’une théologie sacramentelle classique. Il n’affirme pas que les sacrements sont inutiles, mais il les relativise fortement. Le baptême, par exemple, est vu comme un rite d’entrée dans la communauté chrétienne, important en ce sens, mais Pohier ne le considèrerait sans doute pas comme une condition sine qua non pour que Dieu donne sa grâce (Dieu peut rejoindre les non-baptisés tout autant). Quant à l’Eucharistie, au lieu d’y voir le sacrifice rédempteur rendu présent, il la comprend d’abord comme un repas fraternel où la parole de Jésus (« faites ceci en mémoire de moi ») vise à rassembler les disciples et à rendre Jésus présent dans leur union et leur témoignage. Ses réserves sur la doctrine de la présence réelle (mentionnées dans la notification du Saint-Siège) indiquent qu’il conçoit la présence du Christ de manière plus spirituelle et communautaire que physique ou substantielle. Enfin, Pohier considère que l’Esprit Saint souffle où il veut et anime bien au-delà des frontières visibles de l’Église. Puisque, selon lui, Dieu peut être « Dieu-avec-nous » dans ce monde pour tout chercheur de vérité, les structures ecclésiales ne sauraient limiter le salut. Il rejoindrait en cela l’idée d’un salut accessible aux non-chrétiens, mais il va plus loin en estimant que même pour les chrétiens, l’institution n’est qu’un moyen relatif et non une fin nécessaire.

Convergences et divergences. Sur ce point, les divergences sont particulièrement notables. Convergence : tous deux reconnaissent tout de même que l’Église a un rôle dans le plan de Dieu et que les sacrements ont un sens profond. Pohier reste un homme d’Église qui valorise Jésus et son message communautaire ; il ne prône pas un pur individualisme spirituel sans assemblée ni partage. On pourrait dire qu’il rejoint l’idée que l’Esprit est à l’œuvre dans la communauté (il parle de faire « autre ce monde-ci » en animant les disciples, ce qui implique une action collective guidée par l’Esprit). Mais globalement, Pohier s’éloigne de la doctrine catholique sur la nécessité des sacrements et de l’Église pour transmettre le salut. Là où l’Église affirme le caractère indispensable (pour qui la connaît) des sacrements du baptême et de l’eucharistie, Pohier insiste sur la liberté de Dieu de toucher toute personne en dehors des canaux officiels. L’Église voit en elle-même, par volonté du Christ, la « plénitude des moyens de salut » confiés par Dieu aux hommes, tandis que Pohier tend à voir l’Église comme un signe ambigu parmi d’autres de la présence de Dieu. En critiquant un « ecclésiocentrisme » historique, Pohier veut recentrer le christianisme sur Dieu (ou le Christ) et l’homme, plutôt que sur l’institution. Le pape Jean-Paul II mettait justement en garde contre une conception du Royaume de Dieu qui « finit par marginaliser ou sous-estimer l’Église », réduisant celle-ci à un signe optionnel – critique qui s’applique bien à la position de Pohier. L’encyclique Redemptoris Missio rappelle que le Royaume (et donc le salut) ne se sépare ni du Christ ni de l’Église, au risque sinon de devenir un projet purement humain. Or, Pohier, en dissociant fortement l’action de Dieu de la structure ecclésiale, prend le contre-pied de cette doctrine d’unité entre Christ-Église-sacrements. En somme, l’Église catholique maintient l’importance des médiations visibles (elle valorise la sacramentalité de l’incarnation : Dieu passe par le concret, la chair, les rites, une communauté organisée), tandis que Pohier prône une immédiateté du rapport à Dieu, se méfiant des formalisations jugées étouffantes. Cette divergence est sans doute l’une des plus pratiques : dans la vie du croyant, donne-t-on priorité à la participation aux sacrements de l’Église ou à une quête de Dieu plus libre ? L’Église et Pohier répondent différemment.

V. L’universalité du salut

Doctrine catholique. L’Église catholique confesse un double principe : l’unicité du salut en Jésus-Christ et l’universalité de la volonté salvifique de Dieu. D’une part, Jésus est le seul Sauveur : « pour tous – Juifs et païens –, le salut ne peut venir que de Jésus-Christ », rappelait Jean-Paul II. Toute grâce de salut donnée à un être humain, fût-il d’une autre religion, provient du Christ et de son sacrifice, même si c’est de manière invisible. D’autre part, Dieu veut réellement offrir le salut à tous les hommes sans exception (1 Tm 2,4) et donne à chacun des moyens de parvenir à la vie éternelle. Vatican II a explicité comment ces deux affirmations se conjuguent. L’Église proclame l’ouverture universelle du salut : « Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique (à savoir divine), nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal ». Ainsi, « tout homme qui, ignorant l’Évangile, cherche la vérité et fait la volonté de Dieu selon sa conscience, peut être sauvé ». Cela inclut les non-chrétiens (athées de bonne volonté, croyants d’autres traditions) : ils peuvent bénéficier du salut du Christ, même s’ils n’en ont pas conscience, en répondant à la grâce intérieure. L’Église reconnaît également la part de vérité et de bien dans les religions non chrétiennes, comme des « semences du Verbe » pouvant préparer au salut (AG 11, LG 16). Cependant, cette universalité n’implique pas un salut automatique de tous (apocatastase). L’Église maintient la possibilité tragique d’un refus du salut par la liberté humaine (donc la réalité de la damnation éternelle pour ceux qui meurent en état de péché mortel endurci). La mission évangélisatrice demeure impérative justement parce que le salut en plénitude se trouve en Christ ; offrir concrètement le salut à tous est un devoir puisque tous en ont besoin. En résumé, la doctrine catholique combine une offre universelle (personne n’est exclu a priori du dessein de salut) et une exigence d’union au Christ (au moins de manière mystique) pour effectivement recevoir ce salut.

Jacques Pohier. Pohier, de son côté, s’inscrit sans difficulté dans l’affirmation de l’universalité. Puisqu’il définit le salut comme la présence de Dieu à l’œuvre en tout homme, il est par construction universel. Dieu pouvant se faire « Dieu-avec-nous » dans notre monde commun, nul n’est en dehors de la portée de cette présence. Pohier insiste même sur le fait que la Bonne Nouvelle n’est pas réservée à une élite religieuse mais concerne chaque être humain dans sa condition concrète. Il se réjouit que Jésus ait fréquenté les pécheurs et les exclus, signe que le salut est offert aux marginalisés, et il étend ce principe à l’humanité entière. En outre, en relativisant l’adhésion formelle à l’Église, Pohier rejoint l’idée que les non-chrétiens ne sont pas automatiquement perdus ; bien au contraire, il verrait en tout homme de bonne volonté un bénéficiaire potentiel de la grâce divine. L’un de ses griefs envers la prédication traditionnelle est justement d’avoir parfois restreint le salut aux seuls « fidèles », créant une mentalité de forteresse (les sauvés dedans, les perdus dehors). Lui prône un regard beaucoup plus optimiste et inclusif : Dieu travaille au cœur de chaque personne. On peut dire que Pohier approche une forme d’universalisme (salut universel de tous), dans la mesure où il évacue la perspective d’une damnation éternelle (ne croyant plus à un enfer dans l’au-delà) et où le salut, compris comme plénitude de vie en Dieu ici-bas, est accessible à tous pour peu qu’on y consente. Il est probable que Pohier reprend à son compte le souffle de Vatican II sur l’ouverture aux autres religions et même aux non-croyants. Il valorise par exemple le fait que la révélation biblique montre Dieu agissant bien avant Jésus et en dehors d’Israël également. Son insistance sur la « présence située de Dieu » dans chaque culture et chaque vécu humain suggère qu’il reconnaît une action universelle de Dieu, sans exclusive confessionnelle. Enfin, Pohier pourrait dire que, puisque « Dieu est amour » (1 Jn 4,8) et ne peut vouloir que le bien de ses créatures, le refus définitif de Dieu par une créature est difficile à concevoir – ce qui l’éloignerait de l’idée d’un enfer peuplé. En bref, pour Pohier, le salut a un horizon résolument universel et inclusif, sans distinctions claires entre dedans et dehors.

Convergences et divergences. Sur l’universalité du salut, la convergence générale est réelle : Pohier et la doctrine catholique affirment l’un et l’autre que le salut n’est pas le privilège d’un petit groupe, mais bien une offre pour « tous les hommes ». Tous deux s’opposent à toute forme de prédestination restrictive qui condamnerait une partie de l’humanité sans recours. Cependant, en creusant, on voit que leurs motifs et implications diffèrent. L’Église catholique maintient l’équilibre : salut universellement offert mais non universellement accepté. Pohier, lui, semble pencher vers un salut universellement réalisé (du moins en germe). En effet, l’Église laisse ouverte la possibilité du refus du salut (par le péché mortel persistant jusqu’à la mort, ce qui justifie la notion d’enfer éternel comme auto-exclusion possible de la communion avec Dieu). Pohier, en revanche, esquive cette question en refusant le schéma classique ciel/enfer. Pour lui, l’accent est sur l’appel universel et il ne développe pas vraiment une théologie du refus – ce qui pourrait laisser entendre une certaine forme d’espérance que tous soient sauvés. Ensuite, il y a divergence sur le rôle de Christ et de l’Église dans cette universalité. L’Église dit : oui, tous peuvent être sauvés, mais s’ils le sont, c’est par Christ et par l’Église, même implicitement (cf. LG 16, GS 22) – l’Église restant le canal universel du salut, et Christ l’unique source. Pohier, en minimisant la nécessité de l’Église et en ne liant pas strictement le salut à la confession explicite du Christ, laisse entendre que Dieu peut sauver « directement » tout homme, y compris en dehors de la référence au Christ historique. Cette position floue sur le rôle unique du Christ a été relevée par le magistère : la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a noté qu’on ne discerne pas clairement chez Pohier s’il confesse encore la divinité du Christ et son rôle indispensable. L’Église craint qu’en insistant sur l’universalité, Pohier en vienne à diluer la médiation unique du Christ (ce que Jean-Paul II dénonçait comme un relativisme religieux). Pour caricaturer, l’Église dit : le salut est pour tous, mais tous auront à un moment rendez-vous avec le Christ sauveur ; Pohier tendrait à dire : le salut est pour tous, Dieu est déjà avec chacun, inutile de formaliser ce rendez-vous. Enfin, Pohier voit l’universalité en termes d’égalité devant Dieu (tous les hommes, croyants ou non, sont aimés et accompagnés de Dieu), là où l’Église voit aussi l’universalité en termes de mission : parce que tous sont appelés, il faut porter l’Évangile à tous. L’Église envoie donc en mission universelle (« Allez, de toutes les nations faites des disciples… » – Mt 28,19), convaincue que le salut universel passe par l’annonce explicite du Christ. Pohier, misant sur l’action intérieure de Dieu en chacun, risque de diminuer l’urgence missionnaire, considérant que Dieu n’a pas attendu l’annonce pour agir. Cette différence d’attitude pratique découle de la théologie : universalité inclusive active (Église) vs universalité déjà à l’œuvre (Pohier).

Conclusion

L’examen comparatif fait apparaître que Jacques Pohier, tout en restant inspiré par le message chrétien, propose une véritable relecture de la sotériologie catholique. Ses intuitions – valoriser la présence de Dieu dans l’aujourd’hui, insister sur le salut comme accomplissement humain et relation vivante plutôt que comme transaction juridique – rejoignent certaines aspirations contemporaines et prolongent en un sens l’ouverture de Vatican II sur un salut offert à tous. Il y a chez Pohier une quête de rendre le discours du salut plus accessible à l’homme moderne (moins centré sur la peur de la mort ou de l’enfer, plus sur l’espérance ici et maintenant). Sur quelques points, on peut noter des convergences partielles avec la doctrine catholique : l’importance de la foi (confiance en Dieu), le rôle indispensable du Christ (Pohier ne rejette pas le Christ, il en repense le rôle), le caractère universel du dessein de Dieu, ou encore la place de l’Esprit Saint dans la transformation des personnes. Cependant, les divergences théologiques demeurent franches et nombreuses. Pohier tend à désinstitutionnaliser et déseschatologiser le salut, là où l’Église maintient fermement le cadre institutionnel sacramentel et l’horizon eschatologique. Il en résulte une différence de ton : la doctrine catholique voit le salut comme un passage de la mort à la vie (avec la croix et la résurrection du Christ comme pivot central) en communion avec l’Église, alors que Pohier le présente comme l’expérience de la vie en Dieu par-delà les constructions traditionnelles, expérience offerte dans l’ordinaire de ce monde. Les positions de Pohier, perçues comme remettant en cause des vérités « non négociables » (réalité de la résurrection du Christ, intention sacrificielle de la Croix, perspective de la vie éternelle…) ont été sanctionnées car jugées incompatibles avec le noyau de la foi apostolique. Ce cas illustre la tension entre une théologie catholique officielle, soucieuse de continuité doctrinale, et des recherches théologiques plus audacieuses cherchant à reformuler le mystère du salut. En définitive, la conception du salut chez Pohier, par son accent sur la présence aimante de Dieu ici et maintenant et l’universalité sans frontières, interpelle l’Église à toujours mieux annoncer un salut qui touche l’homme concret, sans rien céder toutefois, du point de vue du magistère, sur les vérités héritées du Christ et des Apôtres qui garantissent l’authenticité de cette Bonne Nouvelle du Salut pour tous.

/

Aspect Jacques Pohier (salut « immanent »)Doctrine catholique (salut « traditionnel »)
Nature du salut Salut = Dieu présent dans la vie actuelle de l’homme, accomplissement ici-bas (connaître Dieu = vie éternelle dès maintenant). – Moins d’accent sur l’au-delà (pas « d’autre monde » à attendre), la résurrection finale ou le ciel/ENFER. – Jésus sauve en révélant Dieu et en suscitant une vie pleinement humaine, plus qu’en payant pour le péché.Salut = Dieu libère l’homme du péché et de la mort pour la vie éternelle avec Lui. – Inclut une dimension eschatologique forte : résurrection des morts, ciel (béatitude éternelle) pour les sauvés, enfer possible pour le refus. – Jésus sauve en mourant pour nos péchés et en ressuscitant (Mystère pascal).
Lien avec la foi La foi = rencontre existentielle avec Dieu, confiance personnelle. – Peut s’exprimer en dehors des formulations classiques (on peut questionner voire réinterpréter certains dogmes sans « perdre » la foi véritable). – Importance de la sincérité et de la quête de sens individuelle ; méfiance envers une foi purement institutionnelle ou dogmatique. – Ouverture à l’idée que des non-chrétiens aient une foi implicite authentique.La foi = adhésion à Jésus-Christ (vrai Dieu et Sauveur) et aux vérités révélées par Lui, transmise par l’Église. – Nécessaire au salut (« sans la foi nul ne peut être justifié ni sauvé »). La foi doit être explicite autant que possible (mais peut être implicite chez ceux qui ignorent le Christ involontairement). – Foi vivante = confiance en Dieu et assentiment aux vérités enseignées par l’Église (on ne peut délibérément rejeter un dogme central sans entamer la foi).
Grâce et péché Salut vu comme don gracieux de Dieu présent à l’homme. – Grâce perçue surtout comme présence de l’Esprit qui vivifie et inspire (dimension positive : rendre l’homme plus pleinement humain). – Minimise le rôle du péché : il ne faut pas partir de la culpabilité ni tout axer sur l’expiation. Le pardon de Dieu est offert sans condition préalable. – Insiste sur la liberté de Dieu qui aime l’homme tel qu’il est, plutôt que sur la nécessité de le guérir d’une faute originelle.Salut entièrement dû à la grâce de Dieu (initiative gratuite) que l’homme doit accueillir. – Grâce = force divine qui pardonne, guérit et sanctifie l’homme pécheur (dimension thérapeutique : laver du péché, recréer l’homme intérieur). – Péché vu comme le problème central à résoudre (rupture avec Dieu). Le salut est d’abord le pardon des péchés et la délivrance de la puissance du mal. – La grâce suppose la conversion du cœur (détour du péché, adhésion à la volonté de Dieu) pour déployer ses effets.
Sacrements et Église Médiations relativisées. – L’Église instituée peut être un « obstacle » si on la sacralise trop. On peut rencontrer Dieu sans passer explicitement par l’institution (importance de la conscience personnelle). – Sacrements vus comme symboles de la foi plutôt que comme actes indispensables. Ex : l’Eucharistie est mémorial fraternel plutôt que sacrifice réel ; la présence du Christ est surtout spirituelle, pas garantie par une formule sacramentelle. – Le prêtre et la hiérarchie ont un rôle secondaire par rapport à l’action directe de l’Esprit dans les individus et les communautés.Médiations nécessaires (pour les croyants). – L’Église est « nécessaire au salut » car elle est le Corps du Christ présent dans le monde. Appartenir à l’Église (par la foi et le baptême) est la voie normale de salut. – Les sacrements sont les canaux établis par le Christ pour donner la grâce. « Les sacrements… sont nécessaires au salut » du chrétien. Ex : baptême nécessaire pour la nouvelle naissance, Eucharistie pour s’unir au sacrifice du Christ… – Le ministère ordonné (prêtres, évêques) est au service de cette dispensation du salut : il agit « in persona Christi » pour pardonner les péchés, consacrer l’Eucharistie, etc., selon l’institution divine.
Universalité du salut Universalisme inclusif. – Dieu est présent à tous les humains, pas seulement aux chrétiens. Tout homme peut vivre la rencontre salvifique (même s’il n’en a pas les mots). – Le salut n’est pas réservé ; il tend à considérer que personne n’est exclu définitivement de l’amour de Dieu. (La notion d’enfer éternel est écartée ou passée sous silence, donc on espère le salut de tous). – Jésus-Christ est source d’inspiration et de salut, mais Pohier laisse entendre que d’autres chemins authentiques vers Dieu existent (il ne met pas l’accent sur l’unicité exclusive du Christ).Offre universelle, médiation unique. – Dieu veut le salut de tous ; aucun être humain n’est créé pour la perdition. L’Esprit travaille donc dans chaque cœur pour l’attirer au salut. – Mais tous ne répondent pas à cette grâce : l’homme peut refuser. La possibilité du refus aboutit à la doctrine d’un enfer (auto-exclusion éternelle) pour ceux qui meurent en ennemis de Dieu. – Le salut de tous ceux qui sont sauvés (de n’importe quelle nation ou religion) se fait par Jésus-Christ seul. Lui est l’unique Médiateur, et l’Église, son Corps, est l’ « instrument universel » du salut. Il n’existe « aucun autre nom » pour être sauvé, même si le Christ peut sauver mystérieusement ceux qui ne le connaissent pas.

Une réponse à “Le salut chez Jacques Pohier”

  1. Bonjour
    Explications très claires des diverses conceptions et positions. Me sentant protestant libéral, je trouve les images et explications de Jacques Pohier tout-à-fait proches de ce que j’ai pu concevoir comme représentations (vie éternelle, médiations relativisées…).
    Je comprends qu’il ait eu des ennuis avec Jean-Paul 2.
    Merci pour cet apport précieux.
    Arnaud Chatirichvili

Répondre à Arnaud Chatirichvili Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *