Claudine Castelnau
L’Inde et les chrétiens
Du 13 janvier au 25 février l’Inde va connaître le plus grand rassemblement de pèlerins du monde, la Kumbh Mela : des millions d’hindous sont attendus dans le nord de l’Inde, sans distinction de leur caste, de leur genre ou de leurs croyances à ce grand rassemblement. Ils vont se baigner dans le Gange pour laver leurs péchés avec l’espérance d’être libérés du cycle sans fin des réincarnations. Selon le récit hindouiste, kumbh (qui signifie pot) désigne le pot contenant le nectar d’immortalité que portait l’avatar du dieu Vishnou en sortant de l’océan. Quatre gouttes du précieux liquide tombèrent dans quatre lieux indiens où est célébrée en alternance, une fois tous les 12 ans, la Kumba Mela. Et cette année la fête a lieu à à Prayagraj, anciennement Allahabad, dans l’État d’Uttar Pradesh au nord de l’Inde. A cette foule de pèlerins s’ajoute une foule de gurus, ascètes, sadhus et autre sages et astrologues « transmettant continuellement des vagues d’énergie et des bénédictions. » La Kumbh Mela est aussi la grande fête des naga sadhus, ces hommes au corps recouvert de cendres et entièrement nus qui sont toujours les premiers à s’élancer pour se baigner dans le Gange lors des « grands bains ». Ils font partie de sectes shivaistes, une branche de l’hindouisme, dont les fidèles considèrent Shiva comme divinité d’élection et ils résident dans des grottes situées dans des régions himalayennes. Les Kumbh Mela sont l’un des rares moments où l’on peut rencontrer les naga sadhus qui se mêlent à la population. La Kumba Mela est inscrite par l’Unesco depuis 2017 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. L’hebdomadaire protestant Réforme a publié le 1er janvier un article sur la Kumbh Mela qui a « un rôle spirituel central en Inde et associe astronomie, astrologie, spiritualité, traditions rituelles, coutumes et pratiques culturelles et sociales. » Selon l’Unesco « la transmission des connaissances et des savoir-faire liés à cette tradition est assurée par les anciens manuscrits religieux, les traditions orales, les récits des voyageurs et les textes écrits par d’éminents historiens », mais dans la pratique, c’est l’enseignement dans les ashrams entre autres qui reste « le plus important mode de transmission et de sauvegarde des connaissances et des savoir-faire liés à la Kumbh Mela. »
.
Et puisque nous sommes en Uttar Pradesh, Je vous propose un petit retour en arrière : fin septembre dernier, la Cour suprême a rejeté les accusations de la Haute Cour de l’Uttar Pradesh contre un Kallash, un chrétien arrêté le 10 décembre 2023 et accusé de pratiquer des conversions forcées au christianisme. Au moment de son arrestation, il présidait un service de prière dominical dans son église et avait été inculpé en vertu d’une loi de 2021 interdisant les conversions religieuses illégales ou forcées en Uttar Pradesh et obligeant les Indiens de cet État à informer les autorités, 60 jours avant, qu’ils allaient changer de religion. Sa demande de libération sous caution ayant été refusée, il avait fait appel à la Haute Cour de l’Uttar Pradesh en juillet 2024 et c’est au cours de cette comparution que le juge de cette Cour avait prononcé des paroles choquantes contre les minorités religieuses d’Inde, insinuant que les hindous pourraient devenir « minoritaires » si des « conversions illégales » étaient autorisées. Il fallait donc les interdire immédiatement. La Cour suprême à laquelle le chrétien a fait appel en dernier recours en a jugé autrement : elle l’a libéré sous caution et a ordonné la suppression du dossier de cet homme des remarques du juge de l’Uttar Pradesh, les jugeant « inutiles » et « inappropriées ». Enfin ce jugement est un signe d’espoir pour les chrétiens indiens victimes de la loi anti-conversion. L’Uttar Pradesh a la loi anti-conversion la plus stricte. Et l’on se souvient que le temple dédié au dieu Rama a été construit à Ayodhya, en Uttar Pradesh, sur les ruines d’une mosquée démolie par des nationalistes fanatiques hindous du RSS, le parti dont le Premier ministre Narendra Modi est issu, après de multiples heurts meurtriers avec des musulmans. Mais les chrétiens indiens ne sont pas à l’abri de véritables pogroms ailleurs en Inde : maisons de chrétiens, de pasteurs, églises, séminaires, incendiés, responsables d’Églises menacés et parfois tués pour pousser ces communautés chrétiennes à se convertir sous la peur, à l’hindouisme… Et le plus souvent sans que la police intervienne. Et l’on devine le rêve de Narendra Modi, Premier ministre : abolir la Constitution indienne de 1950 qui affirme l’égalité de tous les citoyens indiens et interdit, dans son article 15, toute discrimination basée sur la religion, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. Modi est persuadé que l’Inde est un pays historiquement hindou qui a subi plus de 1000 ans de domination étrangère, et qu’elle doit donc se libérer, se purifier. Il veut donc restaurer un État hindou où notamment serait supprimé le principe d’égalité des citoyens et reléguées les minorités musulmanes (200 millions) et chrétienne au statut de citoyens sans droits. « Si quelqu’un lève la main pour en frapper un autre pour des raisons religieuses, je le combattrai jusqu’au dernier souffle de ma vie », avait promis Nehru lors des premières élections en 1952. Narendrra Modi a, lui, définitivement tourné le dos à l’Inde des premiers pas en démocratie et de la concorde entre citoyens indiens.
Les Dix Commandements
Une loi en Louisiane obligeait les écoles de l’État à afficher les Dix Commandements bibliques dans toutes les classes. Mais c’était sans compter avec un groupe de parents qui ont considéré que l’obligation était « inconstitutionnelle » dans la mesure où son but était religieux et en violation du Premier Amendement de la Constitution qui interdit au Congrès d’adopter aucune loi relative à « l’établissement d’une religion ou à son interdiction. » Or le public (les élèves) est un public captif forcé de participer à un exercice religieux en lisant la version des Dix Commandements affichée dans leur classe. Et ce durant une année entière. La loi avait été ratifiée par le gouverneur de Louisiane en juin. Et cette loi obligeait les écoles recevant des fonds publics à afficher la version prise dans la Bible version King James [du roi Jacques 1er d’Angleterre] une traduction en anglais, publiée pour la première fois en 1611 et commandée par ce roi anglican. Et elle est restée la Bible de référence encore utilisée durant les services anglicans, bien que d’autres versions aient depuis été éditées. La plainte en justice contre l’affichage des Dix Commandements dans les écoles publiques de Louisiane a été a été portée par un groupe de neuf familles chrétienne, juive et non religieuse et devrait être examinée par la Cour suprême. Un cas semblable avait été porté en 1980 devant cette juridiction qui avait jugé que l’affichage des Dix Commandements dans les écoles par l’État du Kentucky était inconstitutionnel. Mais la même juridiction avait jugé constitutionnel l’affichage des Dix Commandements sur une dalle à l’entrée du capitole du Kentucky comme à celui de Géorgie. Enfin de nombreux États américains comme, entre autres, la Caroline du Sud, le Texas ou l’Arizona, ont aussi entamé des démarches législatives pour l’affichage obligatoire de ce texte, « considéré comme historique et à la base de la fondation des États-Unis». »
Les médailles de Kirill
Pour les « héros » du front, le Kremlin et le patriarcat ont désormais un nouveau cadeau. Depuis le Noël orthodoxe, le 6 janvier, célébré en la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou par le président russe, Vladimir Poutine et le patriarche Kirill. Les combattants les plus méritants de la guerre en Ukraine pourront se voir offrir les images de croix pectorales bénites par le patriarche en personne. Avec, gravées sur les chaînes les initiales de Poutine, raconte Le Monde dans son édition du 9 janvier. Mais attention, « cette croix ne sera remise qu’aux commandants accomplissant des tâches complexes dans la zone de l’opération militaire spéciale » (comprendre la guerre en Ukraine). Les soldats n’ont pas droit à une telle « récompense », ils ne sont bons qu’à se faire tuer… mais Kirill leur a promis le paradis… Le patriarche orthodoxe Kirill est, on le sait, une fervent soutien de Poutine pour combattre les « forces du mal » qui mettent à mal l’unité de la Sainte Russie.
Laisser un commentaire