États-Unis, les « villes sanctuaires »
Le 10 avril dernier, Newsweek, un magazine américain en ligne écrivait que « le président Donald Trump, obsédé comme ses fervents soutiens républicains par la question de l’immigration aux États-Unis, avait annoncé travailler à suspendre tout financement fédéral aux villes sanctuaires, des juridictions qui ne coopèrent pas pleinement, selon son point de vue, à l’application de la loi américaine sur l’immigration. »
« Fini les villes sanctuaires ! Elles protègent les criminels, pas les victimes. Elles déshonorent notre pays et sont moquées dans le monde entier », a écrit Trump dans un message sur son site Truth Social. « Nous travaillons sur des documents visant à suspendre tout financement fédéral à toute ville ou État qui autorise l’existence de ces pièges mortels ! »
Trump a placé l’immigration au cœur de sa campagne électorale, promettant des expulsions massives. Si la plupart des électeurs approuvent largement la nécessité de lutter contre l’immigration, beaucoup s’opposent à des méthodes de détention et d’expulsion de plus en plus agressives. Il n’existe pas de définition stricte des politiques de sanctuaires ou des villes sanctuaires, mais ces termes décrivent généralement une coopération limitée avec la police de l’Immigration. L’ICE applique les lois américaines sur l’immigration à l’échelle fédérale, mais sollicite l’aide des États et des collectivités locales, notamment pour les expulsions massives. Elle demande à la police et aux shérifs de l’alerter sur les personnes qu’elle souhaite expulser et de les placer en détention jusqu’à leur arrestation par les autorités fédérales.
Mais les autorités de certaines villes aux États-Unis ont choisi depuis des années d’être, avec l’engagement des Églises, au côté des migrants, des « villes sanctuaires » accueillantes pour ces réfugiés. Et les tribunaux ont confirmé à plusieurs reprises la légalité de la plupart des lois des villes-sanctuaires en se référant au 10e Amendement, cet Amendement à la Constitution américaine qui protège les droits des États contre l’abus de pouvoir de l’État fédéral.
Pourtant, les responsables de l’administration Trump ont ciblé les politiques de sanctuaires dès le début de son second mandat, les considérant comme un obstacle majeur aux expulsions massives qu’il souhaite. Et Trump affirme, sans nuance et à l’encontre de toute vérité, que les « villes sanctuaires » sont un refuge pour les criminels étrangers dangereux dont la présence menace la sécurité publique. Son administration a poursuivi en justice la ville de Chicago, l’État de l’Illinois et l’État de New York, entre autres, pour leur refus d’appliquer diverses lois sur l’immigration.
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L’évêque Michael Hunn, a subi une enquête fédérale « insultante »
Le 21 mars, l’évêque du diocèse épiscopal (anglican) du Rio Grande, le révérend Michael Hunn, a dû subir une enquête fédérale « insultante » d’après lui, sur son diocèse qui gère un refuge à l’Église épiscopale d’El Paso où l’on accueille des migrants, jusqu’à 25 demandeurs d’asile, hébergés à la demande de la police des frontières américaine. L’aide fédérale que recevait le diocèse a été suspendue, par le département de la Sécurité intérieur des États-Unis, le temps de l’enquête sur de prétendues activités illégales qui auraient été financées par cette aide fédérale.
Le diocèse épiscopal du rio Grande couvre l’État américain du Nouveau Mexique et une partie du Texas. Environ 40 % de la frontière américano-mexicaine se situe sur son territoire et l’associationBorderland Ministries (Ministères aux frontières) travaille auprès des migrants depuis de nombreuses années. « Je suis insulté par l’insinuation selon laquelle nous aurions été impliqués dans quoi que ce soit d’illégal ou d’immoral », a déclaré l’évêque Hunn dans une vidéo sur YouTube, le 14 mars. « Dans le diocèse de Rio Grande, nous pratiquons notre foi garantie par la Constitution. Nous suivons Jésus-Christ en accueillant l’étranger et en aimant notre prochain, et nous l’avons fait en partenariat avec le gouvernement fédéral. »
D’autres responsables de refuges subventionnés par l’État fédéral ont aussi reçu des lettres semblables, exigeant qu’ils fournissent l’identité des migrants qu’ils hébergent et qu’ils signent une déclaration affirmant qu’ils n’ont pas enfreint la loi. Les informations demandées par le gouvernement sur les migrants devraient déjà être connues des services des douanes et de la protection des frontières, remarque l’évêque Hunn « Ils nous ont fourni ces informations en amenant les migrants au refuge, Cette demande n’a aucun sens à moins qu’ils ne souhaitent dissuader les personnes qui font ce travail d’accueil. »
Et depuis janvier 2025, Trump a publié une série de décrets relatifs à l’immigration, notamment des restrictions sur la procédure d’asile. Lui et d’autres responsables de son administration ont également prétendu à tort que les fonds destinés à l’aide humanitaire avaient été détournés vers les migrants et la lettre reçue par l’évêque de Rio Grande parlait de « graves soupçons que l’argent fédéral aille à des organisations engagées ou facilitant des activités illégales. Rien de tout cela n’est vrai au refuge de Borderland Ministries, a déclaré Hunn. La police des frontières et l’ICE nous amenaient des demandeurs d’asile en situation régulière aux États-Unis. Nous les prenions en charge jusqu’à trois jours, puis les emmenions à la gare routière ou à l’avion pour les conduire à destination. »
Hunn estime que le diocèse a offert un hébergement temporaire à 1 700 de ces migrants au fil des ans.« Nous avons toujours vérifié les documents pour nous assurer que nous respections la loi et que nous répondions aux demandes d’aide de la police des frontières et de l’ICE. Nous ne sommes pas une agence gouvernementale et nous ne l’avons jamais été. Si nous faisons ce travail, c’est parce que nous suivons le commandement de Jésus-Christ. Nous pratiquons notre religion, garantie par la Constitution des États-Unis. Et nous faisons ce que notre foi nous commande, en suivant le commandement de Jésus-Christ d’accueillir l’étranger. »
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Marine Le Pen et le pasteur Martin Luther King
Le dimanche 6 avril, lors d’un rassemblement à Paris, la leader du Rassemblement national Marine Le Pen a invoqué le pasteur Martin Luther King pour dénoncer une décision de justice la concernant et qui mettrait selon elle en danger « les droits civiques des Français ». Le pasteur Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France qui regroupe les Églises réformées, luthériennes, baptistes, pentecôtistes , évangéliques et plus de 80 associations a voulu réagir en rappelant qui était le pasteur King :
« Un pasteur baptiste, prix Nobel de la Paix en 1984, artisan inlassable de la lutte politique non-violente et infatigable défenseurs des droits civiques. Ce n’est pas la colère, mais la foi, qui animait son combat. Une foi en un Dieu qui considère tous les êtres humains comme égaux en dignité. Son célèbre discours ‘I have a dream’, prononcé le 28 août 1963, est devenu l’un des textes fondateurs de la conscience universelle. Il y appelle à un monde où la fraternité l’emporte sur la peur, où l’égalité des droits transcende les couleurs de peau, les origines et les appartenances. Martin Luther King ne défendait pas une cause personnelle. Il plaidait pour celles et ceux que l’histoire avait relégués, que la société opprimait. Il ne rejetait personne. Il tendait la main, appelait au dialogue, appelait à aimer. Jusqu’à sa mort violente, il porta une vision universelle de justice, de paix et de fraternité […] »
Dès lors, comment ne pas s’indigner lorsqu’un tel héritage est convoqué pour contester une application de la loi qui n’a rien de discriminatoire ?
Il ne saurait y avoir de confusion. Martin Luther King se battait pour ses sœurs et ses frères ; ici, il s’agit d’un combat pour un destin personnel. Martin Luther King défendait l’égalité des droits ; ici, il s’agit du refus d’appliquer une loi. Martin Luther King était habité par la vision d’une société inclusive, ouverte à toutes les couleurs de l’humanité ; ici, c’est une vision identitaire et discriminatoire qui s’exprime. […] Une instrumentalisation indigne de cette inspirante figure du protestantisme évangélique […]
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