Foi chrétienne et aide à mourir : la liberté jusqu’au bout
Une réponse aux représentants des cultes
Voir aussi Fin de vie
Voir aussi sur ce site : Jacques Pohier
Le débat autour de la loi sur l’aide à mourir met souvent en scène une opposition entre foi religieuse et droit à choisir sa fin. Une déclaration récente de responsables religieux en atteste. Pourtant, nombreux sont les croyants (plus de 70 % des catholiques pratiquant) qui, au nom même de leur foi, estiment qu’il peut être juste et humain d’accéder à une demande d’aide active à mourir. Jacques Pohier (1926-2007), théologien catholique, l’a exprimé avec une clarté remarquable dans La Mort opportune. Les droits des vivants sur la fin de leur vie (éditions du Seuil, 1998, 2004).
Ce titre, La mort opportune, évoque une mort choisie, en temps voulu, ni précipitée ni imposée. Pohier le dit sans détour :
« La mort n’est pas une maladie, mais une étape naturelle de l’existence. »
Il ne s’agit donc pas de sacrifier la vie à la commodité, mais de reconnaître que l’acharnement thérapeutique ou la souffrance inutile ne sont pas des hommages rendus à la vie. Ce sont parfois des violences infligées à des personnes déjà brisées.
Contrairement à l’image souvent brandie d’une foi culpabilisante ou rigoriste, le Dieu auquel croient de nombreux chrétiens est un Dieu de liberté, de tendresse, et non de contrainte. Pohier écrivait encore :
« Forcer quelqu’un à vivre contre son gré est une atteinte à sa dignité. »
Sur le plan théologique, Pohier propose une vision d’un Dieu non violent et bienveillant dont le don de la vie est sans restriction, ce qui en rend l’homme le gestionnaire autonome. Prétendre que « Dieu donne la vie et la reprend ensuite à son gré » est une conception erronée – quasi blasphématoire – de la divinité. Ce Dieu d’amour accompagne l’homme dans l’usage responsable de ce don, il ne souhaite pas une prolongation forcée des souffrances. Abréger une vie devenue insupportable par compassion ne revient donc pas à usurper le pouvoir divin, mais à demeurer fidèle à l’alliance entre Dieu et nous, alliance fondée sur la liberté, la compassion et la responsabilité partagée.
La foi chrétienne ne devrait-elle pas, justement, se situer du côté de la compassion plutôt que de l’imposition ? Jésus, dans les Évangiles, ne condamne jamais ceux qui crient leur souffrance. Il n’impose pas la douleur, il la soulage. Il ne sacralise pas la souffrance, il s’en indigne et s’efforce de la vaincre. Ce geste ultime est cohérent avec l’Évangile de la miséricorde.
C’est pourquoi Jacques Pohier appelait à une « éthique de la responsabilité », c’est-à-dire une foi adulte, capable d’entendre la parole du mourant, de respecter sa volonté quand elle est exprimée lucidement, dans un cadre réfléchi, encadré, médicalement et humainement accompagné. Ce n’est pas prendre la place de Dieu. C’est, au contraire, reconnaître que Dieu fait confiance à l’humainjusqu’au bout, jusque dans son choix de mourir dignement.
L’aide à mourir, telle qu’envisagée par la future loi, ne nie pas la valeur de la vie. Elle reconnaît que cette valeur ne se mesure pas à la durée, mais à la qualité, à la relation, à la conscience de soi. Elle permet, dans certains cas, une fin de vie paisible, voulue, entourée, au lieu d’un long tunnel de souffrance muette.
C’est pourquoi, au nom même de ma foi, et en fidélité à l’Évangile de la liberté, je soutiens une loi qui permette, dans certains cas, une aide active à mourir. Non pour hâter la mort, mais pour honorer la vie jusque dans sa fin. Une fin choisie, digne, aimée — une mort opportune.
Répondre à Jésus est mort mais nous a laissé son esprit – Protestants dans la ville Annuler la réponse