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SpiritualitÉ des images


Pierre Paul Rubens


Valérie Mettais

diplômée de l’École du Louvre et de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne

 


Ed. Larousse

128 pages – 12,90 €

 

recension Gilles Castelnau


 

1er novembre 2017

En contrepoint de l’exposition Rubens du musée du Luxembourg, ce livre qui vient de paraître est une très bonne représentation de ce peintre si important et qui nous paraît toujours époustouflant.
Il faut plutôt dire « baroque », comme l’explique Valérie Mettais :

page 23

En effet, son déploiement reste inséparable de la mise en œuvre de la Contre-Réforme à la fin du XVIe siècle : la peinture baroque exprime la volonté des puissances catholiques, souvent jésuites - en Italie, en Espagne ou aux Pays-Bas du Sud, puis jusqu’au Nouveau Monde -, de revaloriser les images - à la différence des protestants - et de les doter d’une force de persuasion et d'enseignement adressée à tous, croyants ou non, instruits ou non. Pour obtenir son salut, il faut s’en remettre à la parole du Christ. Alors, tout est bon pour atteindre ce but : de la mise en scène et de l'illusionnisme, de la démesure et de l’exubérance, de l'épique, de l'émotion et de l’outrance pour affirmer le triomphe de l'Église.

Elle fait également remarquer les couleurs et le mouvement ébouriffant de ces toiles :

page 20

La querelle du coloris
La discussion est ancienne et remonte à la Renaissance italienne au moins : d’un côté les partisans du colorito de Venise ne juraient que par la puissance d’expression, la technique empâtée et la sensualité de Titien, deTintoret et de Véronèse ; de l’autre ceux du disegno de Florence vantaient la force de l’idée, la science de la composition et du contour de Léonard et de Michel-Ange. Couleur contre dessin, matière contre esprit, voilà ce qui se cristallise de nouveau en France autour de deux artistes disparus : Rubens contre Poussin. Un débat du même ordre opposera Delacroix et Ingres au XIXe siècle, puis Matisse et Picasso au XXe.

Tel qu’il peignait, Rubens était le peintre officiel des princes catholiques

Dans une deuxième partie, Valérie Mettais présente et commente certaines des principales œuvres du peintre. Ses commentaires sont précis et instructif. La reproduction claire et précise des tableaux de Rubens est évidemment plus difficile à réaliser dans une édition qui s’efforce, à juste titre, de toucher le grand public.
En voici trois exemples :

 

Un peintre et des poètes

Le Débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille, le 3 novembre 1600, 1622-1625

 

page 80

Tous se rejoignent pour vanter les charmes de cette toile, en particulier des trois naïades du premier plan. Tous, peintres, poètes, écrivains et sans doute musiciens sont restés fascinés par ce débordement de chairs et la transparence des perles d'écume.

Eugène Delacroix tout d’abord, lui qui, « visitant le Louvre avec son élève, raconte Piot, eut le mot suivant : "Si je suis devenu peintre, je le dois à deux choses : aux gouttelettes d’eau des sirènes du Voyage de Marie de Médicis et au petit collet jaune orange de l'homme accroupi au coin gauche des Noces de Cana" ». Lui qui copia inlassablement l'œuvre et ses détails afin de comprendre l'élaboration des glacis.

Charles Baudelaire ensuite qui, en 1852 consacre la première strophe de ses célèbres Phares à l’artiste flamand dont il a vu les œuvres à Paris :
« Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse,
Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer. »

Théophile Gautier encore, qui jubile devant ce Débarquement : « Jamais la peinture n'a été plus loin pour le rendu de la chair le grain de l'épiderme et le frisson mouillé de la lumière. »

Yves Bonnefoy enfin qui, dans « Baudelaire contre Rubens » en 1970, revient sur ses traces : « les Néréides sont grasses, elles "‘affluent" dans l'écume avec le même bonheur primaire que les poissons alentour, toutefois c’est dans une atmosphère de faste, de culture, de domination de la chair par la parure et le protocole. [...] Une société avertie a surajouté son ordre conscient à l’abondance aveugle de la nature. »

 

 

 

Une allégorie catholique

Le triomphe de l’Eucharistie sur l’idolâtrie, vers 1625-1626

page 88

Si Rubens use de l’allégorie pour traiter son sujet qui semble appartenir à des temps anciens, il livre en réalité une œuvre politique et religieuse comprise par tous. Car l'Eucharistie, dogme catholique central, triomphe dans son tableau sur l'idolâtrie ; mais, depuis le milieu du XVIe siècle, l'Église entend bien lutter avant tout contre les protestants - calvinistes et luthériens. La Contre-Réforme, ou Réforme catholique, s’est en effet organisée et réclame aux artistes des œuvres qui la glorifient. Vers 1625, Isabelle d’Autriche, régente des Pays-Bas du Sud, commande à son peintre de cour un cycle de vingt tapisseries pour le couvent des Carmélites déchaussées, à Madrid. Sujet : le triomphe de l'Eucharistie, tour à tour représentée face à l'ignorance et à l’aveuglement, à l'hérésie, à la philosophie et à la science...

Le décor est théâtral et le trompe-l'œil presque grandiloquent : des putti se tiennent derrière la tapisserie sur laquelle est figurée la scène, l’ensemble encadré d’un entablement, de colonnes et d’un soubassement. À droite, voici l’ange qui surgit, portant d’une main le calice et l'hostie, de l’autre la foudre. Alors tous les païens s’enfuient ou sont terrassés : le prêtre couronné de laurier, les hommes qui s’apprêtaient à immoler un taureau en l'honneur de Jupiter, le joueur de lyre, l’enfant à la flûte...

Aidé par son atelier Rubens réalise tout d’abord une petite esquisse, ou bozzetto, qui fixe l'idée de la composition, puis passe à une étude plus aboutie, ou modello - tel est le cas ici -, avant de livrer le carton à partir duquel sera tissée la tapisserie.

 

 


Jardin enclos, jardin galant

Le Jardin d’amour, vers 1630-1633

 

page 96

Les dames et des messieurs issus de la bourgeoisie anversoise côtoient des figures mythologiques et des angelots potelés qui poussent tout ce beau monde à célébrer la beauté féminine, l’amour, ses plaisirs et ses fruits, le bonheur du couple et de la vie conjugale. À l’arrière-plan et à droite, le temple dédié à l’Amour, les trois Grâces et la fontaine surplombée par Vénus le rappellent encore. À gauche, Pierre Paul Rubens en personne invite son épouse à entrer dans la danse, cette même épouse qui se voit de nouveau figurée au centre de l’assemblée. Le message est clair : l'œuvre semble constituer un tableau de mariage. Le 6 décembre 1650, le peintre s'est en effet uni à la belle Hélène Fourment de trente-sept ans sa cadette.

De tradition médiévale et très prisé au XVIe siècle, le jardin d’amour puise son origine dans l'hortus conclusus, ce « jardin enclos » évoqué dans le Cantique des Cantiques. Nombreux sont ainsi les domaines créés à la Renaissance qui abritent des jardins d’ornement vantant l’amour tendre, l’amour passionné, l’amour volage et l’amour tragique. Celui de Rubens célèbre l’amour fécond ; préparé par de nombreux dessins, le tableau deviendra l’une des pièces majeures de sa collection personnelle et sera amplement diffusé par la gravure. Dans la France du XVIIIe siècle, un artiste tel qu’Antoine Watteau appréciera ce versant galant du maître flamand - il n'est qu'à penser à son Pèlerinage à l'île de Cythère -, tandis que François Boucher retiendra davantage ses compositions plus dénudées et plus ouvertement érotiques.

 

 

Le commentaire de Valérie Mettais est précis et instructif. La reproduction claire et précise des tableaux de Rubens est évidemment plus difficile à réaliser dans une édition qui s’efforce, à juste titre, de toucher le grand public.

 


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