Connaissance de la Bible
Introduction à
l'Ancien Testament
904 pages
Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi
Christophe Nihan (éd)
Édition Labor et Fides
Recension Gilles Castelnau
13 mars 2009
Ce gros livre est une introduction historique et scientifique à l'Ancien Testament. Il présente l'état actuel de la recherche avec une intelligence et une exigence qui introduisent le lecteur dans le monde où la Bible a été écrite et permet de mieux comprendre les préoccupations, la foi et la passion de ses auteurs.
Évidemment ses 904 pagesne se lisent pas en un instant. Ceux qui ne sont pas familiarisés avec la lecture historique et critique des textes la découvrent avec enthousiasme et émerveillement mais doivent constamment faire une pause dans leur lecture pour ouvrir leur bible personnelle et en scruter des passages inconnus d'eux ou au contraire retrouver des récits bien connus depuis le catéchisme qui reçoivent un nouvel éclairage.
Cette publication est une seconde édition du volume paru en 2004. Plusieurs chapitres lui ont été ajoutés concernant l'histoire d'Israël, les Lois du Pentateuque, les apocalypses juives mais surtout l'Ancien Testament des Églises d'Orient qui contient les livres de 3-4 Maccabées, 3-4 Esdras, le livre des Jubils, Hénoch et les Testaments des Douze Patriarches.
En voici quelques pages qui donneront aux internautes une idée de ce remarquable ouvrage et encourageront les courageux à l'acheter, nous l'espérons.
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De manière générale, ce livre se veut une introduction historique et scientifique aux textes fondateurs de la civilisation judéo-chrétienne ; il ne s'agit donc ni d'une approche confessionnelle, ni d'un ouvrage de spiritualité. D'un point de vue méthodologique, cette introduction s'efforce par conséquent de comprendre chaque livre non seulement dans sa cohérence interne, mais aussi, et surtout, en fonction de l'histoire de sa composition ainsi que du contexte historique dans lequel il a été rédigé.
L'Ancien Testament est un ensemble de livres qui font continuellement référence à l'histoire du peuple d'Israël, et l'on ne saurait véritablement comprendre les textes bibliques sans les situer dans le contexte de l'histoire du Levant au premier millénaire. En tant qu'introduction historique à l'Ancien Testament, le présent ouvrage reflète nécessairement l'état actuel de la discussion exégétique. De ce point de vue, le lecteur qui chercherait un modèle unique pour la formation des différents livres de l'Ancien Testament ne pourra qu'être déçu. Un ouvrage collectif inclut par nature une diversité des points de vue ; à cela s'ajoute le fait que l'exégèse de l'Ancien Testament, bien plus encore que celle du Nouveau Testament, est aujourd'hui en plein débat.
La plupart des points centraux pour l'intelligence de la Bible hébraïque font aujourd'hui l'objet de discussions passionnées et passionnantes, qu'il serait non seulement stupide mais intellectuellement malhonnête de vouloir taire pour imposer une unité de vue artificielle et arbitraire. Cela étant dit, l'absence de consensus sur de nombreux sujets ne doit pas non plus devenir le prétexte à une simple juxtaposition des différentes opinions actuellement sur le marché. Au contraire, la consigne donnée aux collaborateurs était de présenter au lecteur l'état de la recherche actuelle pour chaque livre, puis d'indiquer brièvement sa propre position sur la question en l'argumentant, tout en laissant au lecteur la possibilité d'opter pour d'autres solutions.
Sur un plan plus formel, nous avons également opté pour une certaine cohérence dans la présentation de chaque livre. Ainsi, chaque article tente de répondre aux mêmes questions. QUOI ? (le livre, son contenu, son plan et sa structure) ; QUI ? (les auteurs et rédacteurs du livre) ; QUAND ? (les situations historiques dans lesquelles le livre en question a vu le jour) ; A L'AIDE DE QUOI ? (les matériaux : sources, documents, traditions, etc. qui ont été utilisés pour la rédaction du livre) ; POUR QUI ? (les destinataires du livre) ; FACE A QUI A QUOI ? (les fronts polémiques du livre, les positions critiquées) ; COMMENT ? (l’intelligence du livre, ses thèmes et enjeux).
Histoire d’Israël des origines à l’époque de la domination babylonienne
Jean-Daniel Macchi
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L’histoire de l’Israël ancien constitue une thématique incontournable pour qui souhaite étudier sérieusement la Bible hébraïque. En effet, ces textes ont été rédigés au cours de l'histoire d'Israël et en constituent donc, d'une certaine manière, le produit. En outre, la plupart des récits bibliques situent l'action et les personnages au cours de l'histoire d'Israël. Finalement, la question de la signification et du sens de cette histoire constitue un thème central des réflexions théologiques présentes dans le texte biblique.
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Les sources en histoire, une question de méthode
La Bible comme source historique
L'historiographie biblique est, dans une large mesure, construite bien après les événements qu'elle relate. En outre, ces textes n'ont pas été rédigés dans le but de rendre compte de « ce qui s'est réellement passé », mais afin de délivrer un message de nature théologique sur la relation de Dieu avec le monde, l'humanité et son peuple.
Cela dit, il est clair que les rédacteurs bibliques n'ont pas inventé de toutes pièces l'ensemble de leurs récits, mais ont eux-mêmes utilisé un certain nombre de sources fiables ou moins fiables - annales, récits traditionnels etc. - dont ils n'ont pas nécessairement travesti la substance. Dès lors, l'« histoire biblique » n'est pas dépourvue de rapport avec l' « histoire historienne » comme le prouve les nombreux cas où des événements relatés dans la Bible sont corrélés par la documentation extra-biblique.
L'enjeu pour l'historien est de savoir dans quelle mesure il peut ou non faire confiance au texte biblique qui constitue, quoi qu'on en pense, la source ancienne de loin la plus développée dont il dispose concernant l'histoire d'Israël.
Dans la discussion contemporaine, les historiens d'Israël sont tiraillés entre une position radicalement minimaliste qui considère que le texte biblique ne rend compte d'événements historiques que lorsqu'il est corrélé par des sources extra-bibliques fiables et une position maximaliste qui, au contraire, estime qu'il faut considérer que la Bible reflète toujours des faits historiques à moins qu'elle ne soit directement contredite par les données archéologiques et épigraphiques. Comme nous le verrons à plusieurs reprises plus bas, l'analyse critique des textes bibliques et la datation de leur rédaction joue un rôle majeur dans la confiance qu'on peut ou non leur faire au plan historique.
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Bronze récent – Fer I. Des cités-Etats aux peuplements « israélistes »
Les causes de l’émergence d’ « Israël »
Paradoxalement, la première mention extra-biblique d'une entité nommée Israël en annonce la destruction au moment où elle devrait apparaître. Cette mention. Figure dans la stèle du Pharaon Merenptah (fin XIIIe siècle.) qui décrit sa victoire sur des groupes situés dans la région du Levant en ces termes : « (...) Canaan est dépouillé de toute sa malfaisance, Ashqelôn est déporté ; on s'est emparé de Guèzèr, Yanoam est comme si elle n’est plus ; Israël est anéanti et n 'a plus de semence (...). » Ce témoignage épigraphique de première importance prouve l'existence à la fin du bronze récent d'une population nommée Israël dans le sud du Levant. Le rapport de cette population avec les peuplements de la montagne et ce qui plusieurs siècles plus tarde deviendra le royaume d'Israël reste cependant incertain.
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Fer IIA-B (1000-720) De l’émergence au déclin du royaume d’Israël
L'apparition de la royauté israélite
Le relatif consensus sur l'historicité de l'Empire davidico-salmonien a volé en éclats ces dernières années pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la datation des strates archéologiques associées aux prétendus vestiges salomoniens est vivement contestée par plusieurs archéologues israéliens qui défendent une chronologie basse (en passe de s'imposer dans les cercles archéologiques) conduisant grosso modo à dater les strates classiquement attribuées à la monarchie unifiée (début Xe siècle) un siècle plus tard, c'est-à-dire à l'époque du royaume des Omrides. Les prétendues constructions « salomoniennes » présentent notamment de frappantes similitudes avec celles que l'on trouve en Syrie durant le IXe siècle et non au Xe siècle.
Dès lors, à Megiddo comme à Razor, ce sont des sites beaucoup plus modestes qui auraient été contemporains du roi Salomon. De plus, toute une série d'autres difficultés archéologiques invitent à mettre en question l'existence d'un vaste empire unifié dirigé depuis la Judée au Xe siècle. Ainsi, les rares vestiges archéologiques de la Jérusalem du Xe siècle témoignent qu'elle ne représentait alors qu'un petit bourg dont la taille s'avère incompatible avec la présence d'une administration royale suffisamment développée pour contrôler un empire. Aucun monument important datant de cette période ni aucune inscription n'y a été découvert. De manière générale, l'archéologie a d'ailleurs montré que, dans toute la région, les inscriptions, signes de l'existence d'échanges liés au fonctionnement d'une organisation sociale étatique, n'apparaissent de manière significative qu'au milieu du IXe siècle.
Finalement, le panorama qui se dégage de l'analyse des instalations présentes dans l'ensemble de la montagne éphraïmite et judéenne montre qu'au Xe siècle, le sud judéen est beaucoup moins développée et plus pauvre que le nord. La Judée représente alors à peine 10 % de la population du Nord éphraïmite qui, dès lors, présente de bien meilleures conditions pour que s'y développe un Etat pleinement constitué.
[...]
En tout état de cause, le récit biblique d'un royaume davidico-salomonien originel et unifié, ayant annexé le royaume de Saül pour dominer toute la terre promise, est historiquement peu vraisemblable. Il s'agit probablement d'une fiction littéraire qui répond à des préoccupations identitaires dont on comprend aisément la pertinence plusieurs siècles plus tard, lorsque le royaume du Nord n'est plus qu'une simple province et que celui de Juda se comprend comme le seul représentant légitime de tout Israël, puis aux époques perse et hellénistique où les autorités judéennes cherchent à imposer leur suprématie sur celles de Samarie.
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La dynastie des Omrides, l'émergence du royaume du Nord
Au plan des sources historiques, on notera qu'à partir de la première partie du IXe siècle, la documentation épigraphique extra-biblique confirme toute une série d'informations contenues dans le récit de 1 Rois 15 à 2 Rois 25. Il est donc très probable qu'au moment de rédiger leurs récits - probablement dès le VIIe siècle -, les rédacteurs bibliques disposent de différentes sources fiables, notamment des annales royales et des récits traditionnels à propos d'événements historiques précis.
Les livres des Rois peuvent donc être pris en considération dans la reconstruction des événements historiques, même si l'historien doit conserver un regard critique sur leurs aspects légendaires et folkloriques ainsi que sur le fait que leur présentation des événements est orientée théologiquement. C'est ainsi que les rédacteurs du livre des Rois mettent nettement plus en évidence les défaites historiques d'Israël que ses victoires car, rédigeant après la chute de Samarie, ils interprètent les défaites du royaume du Nord puis sa disparition comme les signes de la sanction divine frappant ce royaume infidèle.
Le débat actuel sur la formation du pentateuque
Christophe Nihan et Thomas Römer
Les auteur expliquent d’abord que la Genèse et l’Exode sont composés de textes dits sacerdotaux ( P ) c’est-à-dire rédigés par des prêtres et de textes non-sacerdotaux (non-P) yahwistes (les auteurs nomment Dieu Yahwé ; on les datait encore récemment du temps des rois David et Salomon au Xe siècle ; on pense aujourd’hui qu’ils datent du temps de l’Exil à Babylone, au VIe siècle) ou deutéronomistes (c’est-à-dire issus de l’école deutéronomiste (dtr) par la théologie dite de l’Alliance du Deutéronome. Celle-ci explique toute l‘histoire d’Israël (HD) dans les livres de Josué, Juges, Samuel et Rois, comme une succession d’infidélités du peuple à l’Alliance de Dieu suivies de sa défaite, puis de sa repentance et du salut envoyé alors par Dieu. Note de G.C.
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Le problème de l'étendue et de la nature du Pentateuque présacerdotal
La fin du Yahwiste
Une ambiguïté demeure quant à la relation de J avec l'école deutéronomiste (dtr). Pour les uns (Van Seters), J est un auteur/rédacteur qui connaît et qui présuppose la terminologie et la théologie de l'école dtr, mais qui s'en distancie par une position plus « libérale », en réaction et en opposition à l'orthodoxie dtr. D'autres auteurs, au contraire (Rose), voient dans le Yahwiste un descendant direct des Deutéronomistes. Une conception similaire se retrouve chez Blum, qui attribue les textes non-P du Pentateuque non plus à un auteur yahwiste mais à une « composition dtr » (D-Komposition), qui serait l'héritière de l'école dtr responsable, à l'époque de l'exil, de la composition de l'RD.
Les textes non-P des livres de l'Exode et, dans une moindre mesure, des Nombres ont des affinités évidentes avec le langage et la théologie dtr (cf. par exemple Ex 23,31-33 ou 34,10-13, textes qui présentent une version « militaire » de la promesse du pays, liée à l'expulsion des peuples autochtones). Par contre, à de très rares exceptions près, les textes non-P de la Genèse n'ont guère de parallèles avec la tradition dtr. Selon que l'on met l'accent sur les promesses patriarcales en Gn ou sur l'idéologie militaire qui caractérise Ex-Nb, on obtient ci alors une conception très différente de l'œuvre J et de sa relation à l'école dtr.
[...]
Deux traditions divergentes des origines d'Israël en Genèse/Exode
Le cycle de Jacob constituait initialement un mythe autonome des origines d’Israël, mythe qui semble en outre se trouver en concurrence avec la tradition de la sortie d’Egypte. On a donc affaire de toute évidence à deux traditions antagonistes des origines du peuple d'Israël ; selon la tradition préservée dans les cycles des Patriarches en Gn 12-36*, cette origine remonte à l'installation d'ancêtres lointains sur la terre de Canaan, alors que selon la tradition de l'exode, elle remonte à la sortie d'Egypte. Le conflit entre ces deux traditions correspond ainsi au conflit entre deux conceptions opposées de l'origine. A la conception généalogique (Genèse) s'oppose une conception vocationnelle (Exode), de type « prophético-deutéronomiste », pour qui l'identité d'« Israël » repose non sur l'ascendance, mais sur l'obéissance à la Loi. Un texte comme celui d'Ez 33,24 suggère que l'affrontement entre ces deux mythes d'origine se situe essentiellement au moment de l'exil et du retour, où il a dû être particulièrement violent. En liant pour la première fois ces deux traditions en une narration continue, la source P aurait alors cherché à surmonter le conflit en offrant une synthèse personnelle.
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D'autre part, plusieurs textes dans les récits patriarcaux contiennent des allusions souvent ironiques à la tradition de l'Exode, notamment en Gn 12,10-20 ou en Gn 16. Cela signifie que les traditions de l'Exode étaient déjà connues pour une partie des auteurs des récits patriarcaux, qui voulaient apparemment s'en distancier, voire les critiquer.
L’histoire deutéronomiste
Thomas Römer
Page 326
Le débat actuel
L'origine de l'école deutéronomiste à l'époque néo-assyrienne
Le fait que le style et la théologie deutéronomiste sont fortement influencés les traités assyriens ne fait plus de doute. Le livre du Deutéronome contient effet de nombreux parallèles avec ces traités (cf. Otto, Steymans). Les malédictions de Dt 28, par exemple, contiennent des emprunts évidents à un traité que le roi Asarhaddon imposait à des vassaux :
« Que les dieux nommés dans cette tablette du traité rendent ton sol aussi étroit qu'une brique... De même que la pluie ne tombe pas d'un ciel d'airain... au lieu de rosée, que des charbons ardents pleuvent sur ton pays.... Que Ninurta, le premier parmi les dieux, t’abatte de sa flèche féroce ; qu'il remplisse la plaine de ton sang, qu'il nourrisse de ta chair l'aigle et le vautour » (Traité d'Asarhaddon, 672 avant J.-C.).
« Les cieux au-dessous de toi seront d'airain et la terre sous toi sera de fer. La pluie de ton pays, Yhwh en fera de la poussière et du sable ; il en tombera jusqu'à ta destruction... Ton cadavre sera la pâture de tous les oiseaux du ciel et de toutes les bêtes de la terre... » (Dt 28,23-26).
Partant de cette observation, il paraît plausible de chercher les premiers Deutéronomistes parmi les fonctionnaires de la cour de Jérusalem, car c'est là que l'on avait connaissance des documents des suzerains assyriens.
Josué
Thomas Römer
Page 339
Origine et formation
Le problème de l’historicité des récits de conquête en Josué
On a longtemps considéré que les récits de conquête en Josué gardaient le souvenir historique de l'installation d'Israël en Canaan (notamment dans l'école de W.F. Albright, qui a largement influencé l'exégèse anglo-saxonne). Les fouilles de Jéricho effectuées dans les années 1950 par Mme K. Kenyon ont toutefois démontré l'impossibilité de lire Josué 6 comme un récit historique. A la fin du Bronze récent et au début de Fer I (1400-1200), époque où l'on situe traditionnellement la conquête de Canaan, la ville n'avait pas de fortifications, comme ces fouilles l'ont révélé. Le même constat vaut pour la ville d'Aï, qui signifie d'ailleurs « monceau de pierres » en hébreu.
Plus récemment, I. Finkelstein et d'autres archéologues ont démontré que l'installation d'Israël en Canaan ne s'était pas faite à la manière d'un blitzkrieg. Il n'y a aucun indice archéologique attestant l'invasion d'une peuplade en Palestine aux alentours des 13e-12e siècles avant J.-C. Au plan archéologique, on observe au contraire une continuité de la « culture matérielle », alors que la conquête de la région de Palestine par une population étrangère aurait dû automatiquement entraîner des changements importants sur le plan de la fabrication et de la décoration des ustensiles du quotidien (poterie).
[…]
Josué et la guerre
En reprenant le langage et l'idéologie des textes de propagande assyro-babyloniens dans une perspective nationaliste, les auteurs de la première édition de Josué, probablement des fonctionnaires à la cour de Josias, tendaient vers un but polémique : il s'agissait de montrer que Yhwh était plus puissant que toutes les divinités de l'Assyrie. Et lorsque le livre de Josué insiste sur le fait que les autres peuples n'ont aucun droit à l'occupation de Canaan, ce constat s'applique sans doute en premier lieu aux Assyriens qui occupaient alors le pays.
Dans cette optique, la mise en scène en Josué 1-12 de la victoire contre les Cananéens vise d'abord les Assyriens. En affirmant la supériorité de Yhwh sur l'Assyrie et ses dieux, les auteurs de la version josianique de Josué 1-12 transforment du même coup Yhwh en un Dieu aussi guerrier et militariste qu'Assur, le dieu national d'Assyrie. C'est d'ailleurs peut-être à l'époque de Josias que l'on a conçu pour la première fois l'installation d'Israël dans le pays comme le résultat d'une conquête militaire.
En effet, à part les textes deutéronomistes et certains Psaumes qui semblent connaître le livre de Josué, les autres traditions de la Bible hébraïque ne paraissent pas imaginer l'installation d'Israël en Canaan comme résultant d'une conquête militaire. Les prophètes, par exemple, évoquent les origines du peuple en se référant à l'Egypte ou au désert, où Yhwh aurait « trouvé » Israël. D'après ces traditions, l'entrée dans le pays se fait sans allusion à l'extermination d'autres peuples (cf. Osée 9,10 ; 11,1-3: Jérémie 2,2). Quoi qu'il en soit, Josué 1-12 doit de toute manière être lu comme un texte idéologique, et non pas comme un document ayant des prétentions à l'historicité.
Cela signifie, par exemple, que la pratique du hèrèm, ou « interdit », selon laquelle la totalité de la ville conquise doit être exterminée (cf. surtout Josué 6 et 7) n'a jamais été appliquée de fait. Il s'agit au contraire d'une conception théologique: puisque c'est la divinité qui a donné la victoire, c'est à elle que revient la totalité du butin. Il faut donc comprendre les textes de Josué 1-12 sur l'arrière-fond des époques assyrienne et babylonienne. La pire des aberrations serait de vouloir justifier ces textes théologiquement en faisant abstraction de ce contexte historique.
Voir aussi
La Bible dévoilée
Israël
Finkelstein
Histoire ancienne d'Israël
Mario Liverani
Le Temps de la Bible
Pierre Bordreuil, Françoise Briquel-Chatonnet
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