Théologie radicale
Sea
of Faith - Nouvelle Zélande
Les incertitudes de la
vie
The
Uncertainty of Life
Don
Cupitt
prêtre anglais anglican
fondateur de Sea of Faith
Intervention
à la Conférence annuelle du réseau
« Sea of Faith »
Nouvelle Zélande
Timaru, 2002
15 février 2005
Mon idée est que « la
vie » est désormais notre plus important symbole
religieux. On parle aujourd'hui de
« croire en la
vie », alors que
naguère on disait « croire en
Dieu ».
La vie est certes tout pour nous, mais elle n'est pas infinie, comme
Dieu et elle nous dispense joie et peine. Comme on le disait jadis
d'un mariage, il y a les bons et les mauvais jours !
Mais il faut être conscient que c'est en déterminant nos
choix et nos engagements que nous donnons sens et valeur à
notre vie. Il est clair que construire notre vie nous implique
davantage que de vivre en mettant notre confiance en Dieu.
.
Lors de la mort de la princesse
Diana, la Famille royale
était restée silencieuse et n'avait rien exprimé
de ses sentiments. La population en avait été
très choquée. C'est pourquoi lorsque la Reine
mère est décédée en 2002, à
l'âge de 101 ans, la reine et le prince Charles se sont
personnellement exprimés à la
télévision.
On fait traditionnellement allusion, dans de
telles occasions, à la valeur et à la transcendance de
l'existence humaine en utilisant généralement un
vocabulaire religieux.
Pourtant aucune de leurs deux allocutions ne
mentionna aucun des mots habituels du langage religieux comme
Dieu, foi, religion,
péché, résurrection
ou vie
éternelle. Par contre les
deux allocutions furent émaillées du mot
« vie ». A lui seul, le prince Charles le
répéta cinq ou six fois. Comme les deux interventions
royales ont été évidemment très
soigneusement relues par les conseillers de la Cour qui entendaient
sans doute leur faire exprimer les sentiments les plus naturels dans
le langage le plus courant, il me semble que nos avons là une
preuve caractéristique de la nouvelle utilisation de ce
mot.
Parler de la vie, évoque toute la
condition humaine, la
réalité quotidienne, la vision que l'on a du monde,
tant il est vrai que nous voyons forcément toutes choses d'un
point de vue évidemment humain. Ce mot nous renvoie à
notre condition de créature vivante.
Nos contemporains sont d'ailleurs
extrêmement sensibles au fait que la vie est toute notre
richesse : tout ce que nous avons et tout ce que nous n'aurons
jamais.
Jusqu'ici, les penseurs distinguaient une
vision du monde du point de vue de Dieu, du point de vue de
l'Être et du point de vue de la connaissance. La seule vision
du monde que l'on a désormais est celle qui est du point de
vue de l'être vivant.
D'où vient que ce changement s'est
opéré si soudainement et de façon si
absolue ?
Tout le monde est conscient du
déroulement de sa vie, de la
formation progressive de sa personnalité de l'enfance à
l'adolescence et à l'âge adulte, aux premières
amours et au mariage.
La vie est désormais l'objet de notre
ferveur. Elle est en nous ; nous vivons et nous nous mouvons en
elle. En elle est notre être et c'est à nous de choisir
comment nous la vivrons.
La vie s'oppose parfois à nous car
elle n'est pas nous, mais nous ne pouvons pas vivre sans elle. Nous
pouvons la personnifier, dire qu'elle nous appelle à lui
être fidèles ; elle nous guide, nous donne des
leçons et nous lancee des défis.
Ceci est si vrai que les services de
funérailles sont désormais des cultes du souvenir et
d'action de grâce pour la vie du défunt et les
enterrements se font de plus en plus souvent dans des forêts du
repos où les corps reviennent au grand cycle de la vie
biologique au lieu de « reposer en paix dans l'attente de la
résurrection ».
La vie humaine peut, d'une
part, être regardée de
façon positive si l'on souligne, par exemple, la
sainteté de l'existence quotidienne. C'est ce que montre
notamment si bien la peinture de genre hollandaise du 17e
siècle.
Mais elle peut d'autre part être présentée de
manière négative si l'on fait remarquer que toujours la
condition humaine demeure corrompue par le péché. Le
19e siècle a particulièrement
été marqué d'un tel mélange d'optimisme
et de pessimisme.
La vie est ce que nous en faisons. En
changeant la manière dont on regarde le monde et dont on se
considère soi-même, en influant sur nos systèmes
économiques et politiques, il serait possible de faire de la
vie quotidienne un petit paradis. Ce serait parfaitement possible et
cela ne tient qu'à nous.
Et c'est ainsi que la vie est, en fait,
devenue la nouvelle religion de la plupart de nos concitoyens, comme
en témoigne le langage courant : « toute vie est
sacrée », « il faut
faire confiance à la vie ». Tout le monde aime la vie et veut s'impliquer
pleinement pour une vie riche aussi longtemps que possible. On disait
la même chose autrefois, mais c'était en parlant de
Dieu !
Il faut pourtant souligner deux
points.
-
Dieu est (était ?) transcendant, saint et
bon, sans ambiguïté,
souverain sur toutes choses alors que la vie est ambiguë, tour
à tour tragédie et comédie, dispensant tour
à tour le meilleur et le pire.
Dire oui à la vie est accepter tout
ce qu'elle apporte et notamment le mal et la souffrance sans plus se
plaindre de l'injustice et du malheur.
Dire oui à Dieu implique au contraire
de distinguer entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, se
trouver confronté à l'éternel problème du
mal en espérant toujours délivrance et
renouveau.
-
A moins que l'on ne pense à une « force de
vie » d'une sorte ou d'une
autre, la vie n'est que le cours de notre existence ; elle n'a
pas d'existence en soi, autonome et distincte de nous. On ne peut
distinguer notre vie individuelle de la grande vie du monde ni faire
la différence entre aimer Dieu, aimer tout simplement la vie
et aimer notre prochain. C'est pourtant cela que nous enseignait
Jésus, le maître de Nazareth.
La religion de la vie est très
différente du théisme traditionnel dans la mesure
où elle ne distingue plus Dieu et le Monde mais les confond en
une seule entité finie, temporelle, contingente, immanente que
l'on nomme « l'Être » ou « la
Vie » et qui est
« tout ».
La vie est contingente car le monde dans
lequel nous vivons est évidemment contingent : les
événements y surviennent de façon contingente,
attendue ou inattendue, plaisante ou non. Les uns sont
provoqués par la volonté de certaines personnes ou de
certains groupes, d'autres non. Ils auraient parfois pu ne pas se
produire ou se produire autrement.
On peut parler de chance ou de destin et
imaginer des moyens de se les rendre favorables, mais s'efforcer d'y
découvrir un sens n'est que perte de temps.
On devrait dire oui à la vie en
assumant sa contingence dans la mesure où c'est justement
cette contingence qui fait surgir les événements
heureux et permet la créativité et les
innovations.
Dire oui à la vie et accepter la
contingence universelle : nous ne pourrions pas, en effet,
imaginer les choses autrement.
On trouve tout dans la vie, toutes les
religions, les philosophies, les idéologies, les oeuvres
d'art, mais la vie est toujours plus et se rit de tout.
Comment rendre compte de la foi en la
vie ? On a certainement
conscience de l'absence de sens de la vie et de l'absurdité de
toutes choses. Mais il me semble que c'est à cette position
que la plupart des gens sont arrivés en ce début du
21e siècle. Il ont. à peu près
abandonné l'idée de révélation divine et
ils ont pris conscience que la vie est trop vaste et trop
variée pour que l'on puisse conserver la conviction que leur
système religieux soit le seul bon sur le plan doctrinal pour
tous les hommes du monde.
Néanmoins les textes et les
symboles de notre passé nous
permettent de donner un sens à notre vie. Il est clair que
d'autres hommes, dans d'autres cultures auront parfaitement le droit
d'en faire autant à leur manière en utilisant leurs
propres traditions religieuses.
Traduction Gilles
Castelnau
Voir aussi de Don
Cupitt
La religion
au-delà de la pensée occidentale
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mort
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