évêque épiscopalienne, le 21 janvier 2025,
Service national interreligieux à la cathédrale de Washington
en présence notamment du Président Trump
traduction Gilles Castelnau
Ce culte national nous réunit pour prier pour l’unité du peuple et de la nation. Non pas un accord politique mais une unité qui renforce notre union par-delà nos diversités et nos divisions. Une unité utile au bien commun qui nous permette de vivre en liberté et ensemble dans un pays libre. C’est là, comme l’a dit Jésus, le roc solide sur lequel bâtir une nation. L’unité n’est pas conformité, elle n’est pas victoire, ni politesse lasse ou passivité fatiguée. Elle n’est pas partisane.
L’unité est une façon d’être ensemble, dans le respecte de nos différences, de nos diverses conditions d’existence. Elle nous ouvre à un souci mutuel malgré tous nos désaccords.
Ceux qui consacrent leur vie dans notre pays, ou se portent volontaires, souvent au péril de leur vie, pour aider les autres lors des catastrophes naturelles, ne leur demandent jamais pour qui ils ont voté ou quelles sont leurs opinions. Il est bon pour nous de suivre leur exemple.
Car l’unité, comme l’amour, implique un don de soi. Dans son sermon sur la montagne, Jésus de Nazareth nous appelle à ne pas aimer seulement notre prochain, mais aussi nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutent, à être miséricordieux comme notre Dieu est miséricordieux, à pardonner comme Dieu nous pardonne. Et Jésus accueillait les exclus de la société.
Je vous concède que cette invitation de de Dieu exige de nous beaucoup d’espérance et de prière, mais elle correspond au meilleur de nous-mêmes et il est évident que si, par contre, nos actes ne contribuent qu’à accroître nos divisions, nos prières ne serviront pas à grand-chose.
Nous, qui sommes ici dans la cathédrale, nous ne sommes pas naïfs et lorsque le pouvoir, la richesse et des intérêts opposés sont en jeu, lorsque divergent les conceptions que l’on peut avoir sur l’avenir de l’Amérique, nous savons bien qu’il y aura sur tous ces sujets des gagnants et des perdants.
Il va sans dire que dans un système démocratique, au cours d’une session législative ou d’un mandat présidentiel, les espoirs et les rêves de tous ne peuvent se réaliser et toutes les prières ne peuvent être exaucées. Mais il est à craindre qu’il s’agisse pour certains, de la perte de leur égalité, de leur dignité et même de leurs moyens de subsistance. Comment dès lors vivre ensemble une véritable unité et comment pourrons nous même l’envisager ?
Mais j’espère bien que nous le pouvons, car autrement, la culture du mépris qui s’est instaurée en Amérique nous détruira tous.
Je suis une croyante, entouré de croyants et je crois qu’avec l’aide de Dieu, notre unité est possible. Elle ne sera évidemment pas parfaite, car nous sommes un peuple imparfait. Mais elle le sera suffisamment pour que nous continuions à adhérer à nos idéaux exprimés dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, qui affirme l’égalité et la dignité innées de tout être humain.
Nous avons raison de compter sur l’aide de Dieu dans notre quête de l’unité, mais seulement si nous sommes disposés à y œuvrer nous-mêmes. Jésus enseignait bien à construire notre maison de foi sur le roc de ses enseignements et non sur le sable de notre inconsistance.
Les fondations basées sur le roc, telles que nous les révèlent nos traditions et nos textes sacrés me semblent être au nombre de trois :
Le premier fondement de l’unité est le respect de la dignité de chaque être humain. De même les diverses religions représentées aujourd’hui dans cette cathédrale manifestent que tous les hommes sont également enfants du Dieu unique, de même dans le discours public il convient de respecter la dignité de tous, de refuser toute moquerie, tout dénigrement, toute diabolisation de ceux qui sont différents de nous. Respecter, discuter respectueusement de nos différences et rechercher, dans la mesure du possible, un terrain d’entente. Et si cela s’avère impossible, demeurer naturellement fidèles à nos convictions sans mépriser pour autant ceux qui ont les leurs.
Le deuxième fondement de l’unité est la vérité, autant dans les conversations privées que dans le discours public. Sinon, notre attitude s’opposerait d’elle-même aux paroles de nos prières. Nous éprouverions, dans un premier temps, un faux sentiment d’unité, mais celui-ci ne serait pas assez puissant dans la durée pour faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Certes, il n’est pas toujours facile de savoir où est la vérité. Mais lorsque nous y parvenons, il est de notre devoir d’en témoigner, alors même que cela nous coûte.
Le troisième fondement de l’unité est l’humilité parce que nous sommes tous des êtres humains faillibles. Nous disons et faisons des choses que nous regrettons plus tard. Et c’est peut-être lorsque nous sommes persuadés, sans l’ombre d’un doute, que nous avons absolument raison et que quelqu’un d’autre a absolument tort que nous sommes le plus dangereux pour nous-mêmes et pour les autres. Parce que nous ne sommes pas loin de nous dire « les bons » et de nous situer face aux « mauvais ». Alors que la vérité est que nous ne sommes finalement tous que des hommes, capables du bien comme du mal.
Alexandre Soljenitsyne a dit que la séparation du bien et du mal n’était pas entre les États, les classes sociales, les partis politiques mais traversait chaque cœur humain. Plus nous prenons conscience de cette vérité, plus nous laissons l’humilité dominer nos cœurs et nous ouvrons aux autres malgré nos différences, plus nous prenons conscience que nous nous ressemblons plus que nous ne le pensons. Nous avons, finalement besoin les uns des autres.
Et plus nous en prenons conscience, plus nous avons de place en nous-mêmes pour l’humilité et l’ouverture les uns aux autres au-delà de nos différences, car en fait, nous nous ressemblons plus que nous ne le pensons. Et nous avons besoin les uns des autres.
Il est facile de prier pour l’unité dans les célébrations solennelles. Cela est beaucoup plus difficile lorsque nous sommes confrontés aux différences réelles de notre vie privée et du monde politique. Sans unité réelle, c’est sur le sable que nous construirions la maison de notre nation. En nous basant sur les fondations solides de la dignité, de l’honnêteté et de l’humilité nous participerons comme il convient en notre temps, aux idéaux et au rêve de l’Amérique.
Permettez-moi une dernière demande, Monsieur le Président.
Des millions de personnes vous ont fait confiance et, comme vous l’avez dit hier à la nation, vous avez ressenti sur vous la main providentielle d’un Dieu aimant. Au nom de notre Dieu, je vous demande d’avoir pitié des gens de notre pays qui ont peur maintenant. Il y a des enfants gays, lesbiens et transgenres dans des familles démocratiques, républicaines et indépendantes. Certains craignent pour leur vie. Et nos concitoyens qui vendangent nos champs, nettoient nos bureaux, travaillent dans les élevages de poulets, dans le conditionnement de la viande, qui lavent la vaisselle dans nos restaurants, travaillent de nuit dans les hôpitaux. Ils n’ont peut-être pas notre nationalité ou n’ont pas les bons papiers. Mais la grande majorité des immigrés ne sont pas des criminels. Ils paient leurs impôts et sont de bons voisins. Ils sont des membres fidèles de nos églises, des mosquées, des synagogues et des temples.
Puis-je vous demander d’avoir pitié, Monsieur le Président, à l’égard des membres de nos communautés dont les enfants ont peur que leurs parents soient expulsés. Je vous demande d’aider ceux qui fuient les zones de guerre et de persécutions dans leurs propres pays à trouver ici compassion et accueil.
Notre Dieu nous enseigne à avoir de la compassion pour les étrangers car nous avons été nous-mêmes autrefois étrangers dans ce pays.
Que Dieu nous donne la force et le courage de traiter tous les êtres humains avec dignité, de nous exprimer avec vérité et amour et de marcher humblement les uns avec les autres et avec Dieu. Pour le bien de tous en ce pays dans le monde.
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