Évêque John Spong
Pourquoi le christianisme
doit changer ou mourir
Why Christianity must Change or Die
Éd. HarperCollins, 1998, 257 pages
Évêque John Shelby Spong
présentation Gille Castelnau
13 janvier 2012
Ce livre déjà ancien, publié en 1998, n’a jamais été traduit en français. En voici quelques passages qui ne rendent pas compte à eux seuls de la richesse de ses 257 pages. Mais l'ensemble de la pensée de l’évêque John Spong se retrouve dans tous ses articles (plus de cent) que j'ai traduits et publiés sur ce site.
(Je n'indique pas de numéros de pages car j'ai lu ce livre sur kindle qui n'indique pas les numéros de pages) (GC)
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Les juifs croient que la parole de Dieu a été prononcée et que sa volonté a été accomplie en certains lieux et à certains moments de l’histoire humaine. Je pense que si l’on peut parler en ces termes de la personne de Jésus dans le dialogue œcuménique, les juifs pourraient nous écouter de manière nouvelle. […] Pierre a dit de Jésus qu’il était le Christ (Marc 8.29). Mais ce titre de messie ne désigne pas de façon abstraite l’essence de la nature de Jésus. Il exprime plutôt la foi que la vie de Jésus était le lieu dans lequel la parole de Dieu s’exprimait et la volonté de Dieu s’accomplissait. Une vie dans laquelle la réalité de Dieu se faisait présente dans l’histoire.
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J’ai été poursuivi lors d’une tournée de conférences que je donnais en Australie, par un groupe d’évangéliques basés à Sydney et formés en « escadron de la Vérité ». Ils me suivaient de ville en ville en distribuant des tracts contre moi. A Calgary, au Canada, j’ai donné ma conférence en étant protégé par des gardes du corps. A San Diego, en Californie, pour pénétrer dans la salle où je donnais une conférence, j’ai dû traverser un groupe de manifestant qui criaient contre moi. J’ai subi une alerte à la bombe à l’Université catholique de Brisbane, Queensland, Australie. J’ai reçu seize menaces de mort émanant de « croyants véritable » qui citaient la Bible contre moi. Sans parler de tous les livres qui m’attaquent.
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Les premiers mots du Symbole des Apôtres, « Dieu le Père tout-puissant », m’agressent profondément. Le Dieu mystérieux qui est mon trésor se trouve bloqué par un langage culturellement inacceptable. Le terme de Père est tellement humain, tellement masculin, tellement marqué dans notre conscience actuelle qu’il ne peut qu’évoquer un vieil homme demeurant dans le ciel. Cette connotation patriarcale hurle que depuis des millénaires les femmes ont été opprimées notamment dans les institutions religieuses. J’en suis aujourd'hui absolument révulsé.
Le terme de « tout-puissant » et également trompeur. Il a impliqué dans la tradition de l’Église l’omnipotence de Dieu et son omniscience, comme s’il pouvait tout et savait tout ce qui est évidemment tout à fait faux. S’il était omnipotent, il aurait le pouvoir d’ éviter tous les maux et de prévenir toutes les catastrophes. Et pourtant, le mal et les catastrophes sont partie intégrante de la vie du monde. Dieu possédant la toute-puissance aurait donc choisi de ne pas l’utiliser ? Les théologiens ont manipulé ces questions depuis la nuit des temps. Ils ont parlé de la libre volonté que Dieu laisse aux hommes et de la vertu que produit la souffrance. Mais de tels raisonnements sont aujourd'hui bien peu convaincants.
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Le théologien de Birmingham (Angleterre) Michaël Goulder, faisait remarquer que l’on ne peut plus reconnaître à Dieu le rôle qui lui était jusqu’ici traditionnellement attribué. Nos contemporains ne pensent plus que Dieu fait la guerre et écrase les ennemis, qu’il s’occupe particulièrement d’un peuple élu, qu’il envoie les tempêtes, guérit les malades, sauve les mourants, et juge les pécheurs. Ni non plus qu’il récompense les bons et punit les méchants. C’est pourtant ce que pasteurs et prêtres disent encore dans les églises. Michaël Goulder a pensé qu’il ne pouvait plus et ne voulait plus être confondu avec eux et il l’a écrit de manière radicale.
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Les gens radicalisent ces doctrines traditionnelle jusqu’à en faire des idoles : ils identifient les images qu’ils se font de Dieu que l’on met en question. Mais les diverses conceptions de Dieu ne sont jamais que des constructions humaines qui révèlent nos désirs plus que la personne elle-même de Dieu.
Y a-t-il une dimension profonde de la vie qui est fondamentalement spirituelle ? Si oui, quelle est-elle ? Y a-t-il un noyau central qui serait le même pour notre vie et pour la vie du monde et qui nous unirait à une présence que nous dirions transcendante, au-delà de notre existence et qui pourtant ne serait pas extérieure à nous et au monde. Et s’il existe, quel est-il ? Y a-t-il une présence au cœur de notre vie qui ne serait pas à invoquer comme un être extérieur mais qui, néanmoins, serait divine et infinie ? Si oui, quelle est-elle ? Et si nous pouvions nous ouvrir à une telle réalité, devenir intensément conscient de sa présence et constater qu’elle élargit notre être et notre conscience, pourrions-nous la nommer Dieu ?
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Un mot hébreu ancien pour désigner Dieu était rouah, ce qui signifie littéralement « vent », réalité à la fois naturelle et impersonnelle. Le vent, la rouah, n’était pas un être mais une force vivante, sans frontière et dont on ne savait pas où il allait. Dans le monde hébreu, la rouah, vent de Dieu, était considérée comme ayant survolé le chaos dans le récit de la création et lui ayant apporté la vie. Cette rouah s’est trouvée progressivement personnalisée et fut nommée Esprit. Mais il est important de remarquer qu’à l’origine la rouah était une force créatrice impersonnelle : « quelque chose » et non « quelqu’un ». La rouah, le vent de Dieu n’était pas extérieur. Il a plutôt émergé de l’intérieur du monde comme son fondement, la source de sa vie.
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Les mystiques de toutes les religions parlent d’un chemin intérieur et non d’une recherche à l’extérieur à soi. Cette conception est celle d’une humanité transfigurée. Le mystique s’évade à l’extérieur des limites humaines sans pour autant détruire la réalité de l’humanité. En même temps, cette merveilleuse communion mystique avec Dieu ne réduit pas l’homme à l’état d’enfants impuissants, dépendant, soumis à la volonté extérieure d’une divinité autoritaire. Bien au contraire, elle incite la vie humaine à dépasser ses limites jusqu’à ce devenir elle-même révélation du Dieu qui surgit des profondeurs de l’âme. La pensée mystique suggère qu’en fait, toute vie révèle la Divinité fondement de l’être.
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La théologie du Process
Alfred Whitehead, qui fut tout d’abord un mathématicien, ne concevait pas simplement Dieu comme un être extérieur, mais comme un processus divin existant dans le mouvement de la vie du monde. Il ne pensait pas que Dieu aurait précédé la réalité mais comme existant dans la vie de la réalité, comme grandissant avec elle, l’absorbant et la transformant. Dieu était, pour lui, la source de toute nouvelle possibilité. C’est là l’origine de la théologie du Process. (présentée en français sur ce site)
Paul Tillich. Il était mon maître. Il dit qu’il fallait abandonner l’image du Dieu théiste – http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-libres-opinions/gl63.htm - demeurant selon la tradition dans les hauteur du ciel pour la remplacer par l’image d’une divinité demeurant dans les profondeurs, qui n’est pas sans nous mais qui est le cœur et le fondement de tout ce qui existe. […] Il est le centre infini de la vie. Il n’est pas une personne mais plutôt, selon l’intuition des mystiques, la présence permettant l’épanouissement de toute notre personnalité. Il n’est pas un être mais plutôt l’élan vital qui développe la vie de toute créature. Il n’est pas une force personnelle extérieure à nous que nous puissions invoquer, mais plutôt une réalité intérieure qui, lorsque nous en prenons conscience, nous ouvre à la compréhension de la vie.
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On a toujours dit que Dieu donne la vie. On a parfois interprété cette vérité dans les cultes de fertilité et les divinités agricoles. C’était fréquemment le soleil qui était l’objet de cette adoration dans la mesure où sans la chaleur de ses rayons aucune vie ne serait possible. Parfois aussi c’était le ciel, la pluie, la terre ou même la puissance du feu qui étaient pris comme symboles de la vie qui vient de Dieu. Parfois encore c’était le créateur, lointain et puissant, « le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ».
Derrière toutes ces images de Dieu, c’était le Dieu qui donne la vie, source de la vitalité elle-même.
Tillich incitait donc ses lecteurs à discerner dans l’existence l’appel profond à la vie, et à y reconnaître la manifestation de la divinité et même la source divine elle-même.
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On prend donc conscience de l’appel divin émanant de la profondeur de notre être. C’est fondamentalement un appel à vivre. Ce n’est pas un appel religieux. La tâche de l’Église n’est pas tant d’endoctriner les gens, de chercher à les mettre en relation avec une puissance divine extérieure, mais plutôt de leur faire prendre conscience du centre infini de la vie qui est en eux et de les aider à épanouir ainsi toutes leurs possibilités. Ils pourront alors comprendre que le Dieu saint qui est en eux, qui est le Fondement de leur Être, est bien différent du Dieu théiste dont on leur avait parlé.
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Les gens qui ne peuvent pas imaginer un Dieu différent du théisme surnaturel traditionnel se demandent si un Dieu considéré comme le Fondement de tout Être ne serait pas trop impersonnel : un « cela » au lieu de « Toi ». Il ont l’impression que cela dévalorise le sacré. Il est vrai que le Dieu théiste a quelque chose de réconfortant que n’a pas le Dieu intérieur. Il est difficile de diriger les prières habituelles vers le « Fondement de tout Être ».
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Pourrait-on adorer le Fondement de l’Être autrement qu’en osant être tout ce qu’on peut être ?
Pourrait-on adorer la Source de la Vie autrement qu’en osant vivre pleinement ?
Pourrait-on adorer la Source de l’Amour autrement qu’en osant aimer abondamment et sans espoir de retour ?
Traduction Gilles
Castelnau
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Voir aussi en français sur ce site
Pour une Église ouverte Jenny Donnelly
Recension critique par un théologie conservateur Frank Mobbs
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