Connaissance de la Bible
Ancien
Testament
Quelles
vérités historiques ?
Les bouleversements de
la recherche actuelle
Jacques
Mouriquand
Ed. Labor et
Fides
22 avril 2008
Jacques Mouriquand sait faire connaître et vulgariser les
découvertes que les biblistes ont faites. Il sait ce qui surprend, déstabilise et
néanmoins permet une approche intelligente de la Bible.
Il a lu le remarquable
livre La
Bible dévoilée des archéologues biblistes
israéliens Israël
Finkelstein et Neil Asher Silberman et Le Temps de la
Bible des archéologues,
chercheurs français au CNRS Pierre Bordreuil et Françoise
Briquel-Chatonnet.
Il nous en présente les
résultats de manière très vivante et claire. Ce
livre peut servir d'introduction à la lecture des deux
précédents.
Pour inciter les internautes à
l'acheter, en voici quelques passages qui concernent la rédaction du
Deutéronome, que l'on pense rédigé à la
fin du 7e siècle av. JC, peu avant la
déportation et l'exil à Babylone (587-538 av.
JC).
p. 84
Le Deutéronome porte
trace d'une poussée nationaliste dans une population qui veut retrouver sa
fierté et l'écriture deutéronomiste
apparaît comme une écriture de propagande. L'exaltation
de la période de David, donc de la fondation de la monarchie
que l'on trouve en certains passages, suggère qu'il
apparaît comme un modèle et donc que la monarchie existe
encore. Elle disparaît avec l'exil en Babylone qui, pour
beaucoup d'auteurs, est le grand moment de rédaction du
Deutéronome et des livres de Josué à Rois.
Ainsi, l'écriture du Deutéronome commencerait sous le
roi Josias - qui se voit sans doute comme un nouveau
David - et continuerait de manière significative dans
l'exil. A cette période-là, il s'agit d'expliquer
pourquoi le peuple de Juda se retrouve en pénitence. En quoi
ses fautes le justifient.
« Pour le judaïsme, note
très judicieusement le professeur Thomas Römer, l'exil
demeura un sujet décisif durant les siècles suivants
et, en un sens au moins, jusqu'à aujourd'hui. L'exil fait
partie de la construction de l'identité
juive. »
Pourtant, aussi tragique qu'elle ait
été, 1a déportation en Babylonie ne toucha qu'un
tout petit effectif, probablement trois mille personnes environ,
certes une élite d'artisans et de fonctionnaires qui se
retrouvèrent à servir sans difficulté le pouvoir
babylonien. Les rédacteurs sont alors dans une terre qui leur
est étrangère et hostile. Ils cherchent là
à préserver leurs traditions, leur mémoire, des
rituels.
p. 86
En affirmant la
prééminence de l'inspiration
deutéronomique sur une part notable de l'Ancien Testament, à
savoir les livres de Josué à Rois, toute l'école
d'exégètes qui défend cette thèse insiste
sur la vision « nationaliste » de l'esprit des
rédacteurs, « sioniste », écrit,
sous forme de boutade, Thomas
Römer. Josias qui veut
reconstruire un royaume qu'il récupère exsangue,
mène une action de propagande. Dans cet esprit, l'autre est
celui dont on se distancie. On est là dans une vision
très différente de l'oecuménisme qui
prévaut lorsque l'Ancien Testament nous montre Ismaël,
aux côtés de son frère aux funérailles
d'Abraham (Genèse 25, 9). Les exilés en Babylonie
sont humiliés. Ils sont au milieu d'un peuple dont ils ne
partagent pas les modes de vie. Ils s'en moquent du reste (voir le
récit de la tour de Babel). Et, à l'instant où
ces textes sont écrits, leurs auteurs n'ont aucunement
J'idée qu'ils retrouveront le pays de Canaan. Donc, ils
rédigent dans l'esprit d'une défense absolue de leur
identité, dans un rejet sensible de ceux alentour, qui leurs
paraissent menaçants.
On voit ici clairement l'importance de
mieux cerner dans quels contextes vivent les rédacteurs. Ils
influencent nettement le texte final. Dans ces heures de l'exil, se
forme une idée de pureté, une opposition au compromis
avec ceux qui apparaissent comme des oppresseurs -les Babyloniens. Et
cette idée va se renforcer dans les siècles
ultérieurs où les envahisseurs ne manqueront point.
C'est comme si un pli de l'âme se dessinait dans ces moments si
difficiles. Non sans conséquence pour la suite.
p.120
... un fait
passablement embarrassant :
L'Égypte dans la période que nous
considérons (l'époque
présumée de l'Exode avec Moïse) est dirigée par Ramsès II, un de
ses monarques les plus puissants. Elle exerce un contrôle
d'airain sur la région. Les archéologues nous parlent
de garnisons multiples. Comme le notent joliment Israël
Finkelstein et Neil Asher Silberman : « On imagine mal
les garnisons égyptiennes, chargées de la
sécurité de Canaan, se tourner les pouces pendant
qu'une horde de réfugiés (échappés
d'Égypte...) répandait la terreur à travers
toute la province. Il est également inconcevable que les
surabondantes archives égyptiennes n'aient pas gardé la
moindre note de la destruction par des envahisseurs d'autant de
cités vassales, loyales à l'empire ». Il y a
là, en effet, une très lourde contradiction.
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