Le monde au
temps
du Nouveau
Testament
Le Nouveau Testament, la vie et la pensée de
l'Église naissante, se sont
développés dans un contexte religieux où ils ont
naturellement puisé des images, des concepts, un
vocabulaire, des rites. Trois religions sont les
plus connues :
- Les Dieux de l'Olympe pouvaient
participer à la vie des hommes. On disait
notamment que Zeus s'était métamorphosé en
taureau blanc sur une plage de Syrie, pour
enlever la belle Europe et en cygne pour séduire
la jolie Léda. Et lorsque Paul et Barnabas
guérirent un infirme à Lystre,
Les foules élevèrent la voix
en langue lycaonienne : les Dieux sous
forme humaine sont descendus vers nous. Ils
appelaient Barnabas : Zeus et Paul :
Hermès, parce que c'était lui qui portait la
parole. Le prêtre de Zeus amena des taureaux
et des guirlandes et voulait offrir un
sacrifice. Actes 14.11
De même lorsque Paul fut mordu par une vipère à
Malte
Les gens s'attendaient à le
voir enfler ou tomber mort tout à coup ;
mais après avoir longtemps attendu, ils virent
qu'il ne lui arrivait rien d'anormal,
changèrent d'avis et dirent que c'était
« un Dieu ». Actes 28.6.
-
L'empereur était divinisé.
Il portait le titre de « fils de
Dieu » ou même de « Dieu » et un
culte lui était rendu. On s'adressait à lui
- depuis Auguste - en lui disant « mon Seigneur et mon
Dieu », appellation que,
justement, Thomas adresse à Jésus ressuscité
dans l'évangile de Jean. Et à la crucifixion, le
centurion romain de l'évangile de Marc,
s'exclame que Jésus « était le fils de
Dieu ».
Actes 12.21 A un jour fixé, Hérode, revêtu de
ses habits royaux, et assis sur son trône, les
harangua publiquement. Le peuple s'écria : « Voix d'un Dieu, et non
d'un homme ! »
- Les platoniciens comprenaient
Dieu comme la Source céleste de tout Bien et de
toute Vérité auquel on adressait des prières de
louanges et dont on s'efforçait de s'inspirer
pour apprendre de sa contemplation à
s'affranchir des ténèbres d'un monde prisonnier
de la matière.
- Les stoïciens
(Épictète, Sénèque) concevaient la divinité
comme une présence diffuse, un feu pénétrant et
donnant à tout le mouvement et la vie. Paul,
parlant aux Athéniens, utilisait leur langage
lorsqu'il leur disait :
Dieu donne à tous la vie, la
respiration, et toutes choses.
En lui nous avons la vie, le mouvement, et
l'être.
C'est ce qu'ont dit aussi quelques-uns de vos
poètes : « De lui nous sommes la
race ». Actes 17. 24
Les
cultes à mystères
Ils portent ce nom
car on en réservait la connaissance aux seuls
fidèles initiés. Malgré tous les travaux des
historiens ces cultes, courants à l'époque du
Nouveau Testament, demeurent encore très
largement méconnus de nos jours. Les divinités
mouraient et ressuscitaient d'elles-mêmes en
entraînant les fidèles dans leur renouveau.
Elles étaient bienveillantes et sensibles aux
détresses humaines, procuraient le réconfort et
l'assurance d'une prise sur le Destin, ce que
n'enseignaient pas le culte de Zeus, le
platonisme ni le stoïcisme.
Mitra
L'Église ancienne ne
fêtait pas Noël. La date du
25 décembre n'est pas celle de la naissance
de Jésus, que nous ignorons ; elle
correspond à une célébration plus ancienne,
celle du culte de Mira.
Mitra avait tué le taureau dont le « sang éternel »
faisait vivre les êtres ; dans le culte on
mangeait le taureau dont le sang donnait la vie
et en tout cas on communiait de manière
sacramentelle avec du
pain et du vin. C'était un Dieu sauveur qui donnait vie
et prospérité, victoire de la vie sur les forces
du mal. Mitra était monté sur le char du soleil
et l'on attendait qu'à la fin des temps il y
monte à nouveau et embrase le monde.
Contrairement aux autres dieux, Mitra est seul,
sans conjoint (parèdre). Il vit seul, il est
chaste et saint. Il est le Dieu de l'effort
individuel, de l'énergie humaine. Il est « invincible »
et soutient les fidèles dans leur lutte contre
les démons et contre le mal.
Il reviendra du ciel
sur la terre à la fin des temps,
il ressuscitera les hommes et donnera
l'immortalité aux bons et les méchants seront
anéantis avec le diable Ahriman, dans le feu qui
consumera l'univers.
Son culte présentait donc certaines analogies
avec le Christ et comme le 25 décembre
était précisément le jour où l'on célébrait le « Soleil invaincu »
et l'anniversaire de Mithra lui-même, c'est tout
naturellement que l'on a reporté ces festivités
sur le Christ.
Le culte de Mitra était très généralisé,
notamment dans l'armée. On trouve en France des
traces de ses « églises »
Les Saturnales
A partir du
17 décembre, pendant une
semaine, on célébrait dans l'Empire romain des
fêtes d'inversion sociale : les maîtres
servaient les esclaves et leur permettaient une
certaine liberté de parole. Le peuple se
répandait dans les rues avec des lumières et
l'on échangeait des cadeaux.
Cybèle
C'était une religion
du salut apporté par Cybèle, la
« Magna Mater »,
la Grande Mère, la Mère des dieux, protectrice
de Rome.
L'empereur Claude (empereur de 41 à 54)
organise ce culte en culte public dont la fête
est célébrée à l'arrivée du printemps du 15
au 27 mars.
Ce culte était très populaire. Les prêtres
étaient célibataires et devaient être
ascétiques, ce qui plaisait au peuple. Ils
avaient des costumes colorés. Il y avait de la
musique et des danses. Les fidèles laissaient
monter en eux le sentiment exaltant d'être
habités par la présence divine dans un
enthousiasme mystique. Ils se sentaient « sauvés ».
On revivait pourtant
un drame sanglant : le dieu
Attis que Cybèle
aimait d'un amour jaloux, lui sacrifiait
volontairement son sexe. Les fidèles se
flagellaient, jeûnaient pendant huit jours,
faisaient couler leur sang. Certains se
mutilaient le sexe à l'exemple d'Attis.
On pratiquait pendant tout un jour la veillée
funèbre d'Attis mort, puis sa résurrection à
l'aube du troisième jour, en une jubilation
accompagnée de banquets. On faisait une
procession solennelle dans les rues de Rome de
la statue d'argent de la déesse.
A partir du 3e siècle de notre
ère, on sacrifiait dans tout l'Empire un taureau
dont le sang jaillissait sur les fidèles pour
les purifier et les vivifier, en un sacrifice
rédempteur garantie de vie éternelle
bienheureuse : le fidèle était racheté de
ses fautes et lavé par le sang de la victime
offerte pour lui en sacrifice.
Dionysos - Bacchus
Fêté au printemps
lors de l'ouverture des outres de vin nouveau.
Il mourait, lui aussi, et ressuscitait. Les
bacchanales étaient des orgies pratiquées dans
des groupes où la communion avec le Dieu se
manifestait de manière exaltée et procurait
l'épanouissement souhaité à ceux, esclaves,
étrangers, femmes et malheureux qui en étaient
privés dans leur famille et dans la cité.
Les mystères d'Éleusis
Éleusis est une ville
grecque près d'Athènes où l'on
célébrait le culte de deux divinités
associées : Déméter
(que les Romains appelleront Cérès) et sa fille Coré.
L'histoire fondatrice était le mythe de
l'enlèvement de Coré par le Seigneur des morts,
de son mariage infernal et sa remontée vers
l'Olympe. Parallèle avec le renouveau annuel de
la végétation.
Les gens d'Éleusis prétendaient
que c'était à Éleusis que la déesse Déméter
était descendue du ciel sous l'apparence d'une
vieille femme en deuil ; ils l'avaient si
bien accueillie en cherchant à la consoler,
qu'elle leur avait révélé sa gloire divine son
pouvoir de vie éternelle. Puis elle était
remontée au ciel.
Son culte célébrait une médiatrice entre les
Dieux et les hommes, entre le Ciel et la Terre,
entre la vie et la mort. Avec elle on vivait un
bonheur présent, anticipation de la vie
éternelle.
Son culte comportait
des récitations de formules, des
gestes et des objets sacrés que nous ne
connaissons plus. Il se déroulait dans une
contemplation et une prière ferventes de la
déesse. De manière beaucoup plus calme que dans
le culte de Dionysos. Ce culte était un des plus
importants de la Grèce.
Cicéron était fidèle
de Déméter, initié disait-on, aux
mystères d'Éleusis. Il a écrit (« Lois » II.14)
que ce culte était le meilleur bien fait
qu'Athènes ait apporté aux hommes, car il nous
fait passer d'une vie sauvage à une vie plus
humaine. Par ce culte nous apprenons à connaître
les principes mêmes de la vie et par là, le
moyen non seulement de vivre dans la joie mais
aussi de mourir avec une meilleure espérance.
Osiris
Les empereurs Caligula
et Domitien étaient initiés aux
mystères d'Osiris. Noyé dans le Nil et ramené à
la vie par Isis, comme la terre noyée par le Nil
se couvre de verdure. Chaque défunt devient un
nouvel Osiris en communion avec le Dieu, mourant
comme lui, il ressuscite uni à lui.
Adonis
Jeune amant
d'Aphrodite, tué par un sanglier,
transformé en anémone, il meurt au solstice
d'été et ressuscite en automne avec les
premières pluies. La joie de ses retrouvailles
avec Aphrodite fait celle des fidèles. Puis il
repart pour revenir. Il est identifié à Baal
qui, lui aussi, meurt pour ressusciter en
automne.
.
La ressemblance avec
Jésus saute aux yeux sur bien
des points. Les différences également.
- La mort et la résurrection
de Jésus ont eu lieu une fois
pour toutes, à la différence de celles de ces
divinités qui sont constamment renouvelées par
des cérémonies efficaces. Ces divinités sont
celles de l'éternel retour : elles meurent
et ressuscitent à nouveau régulièrement.
La résurrection de Jésus est, certes,
l'exemple, le prototype de tous les renouveaux,
de toutes les mini-résurrection que le saint
Esprit de Dieu a toujours faits depuis la
création du monde, fait et continue de faire
avec le même dynamisme créateur. Néanmoins elle
a un aspect unique ; elle est le point de
départ central donné une fois pour toutes d'une
histoire nouvelle dans la vie du monde. Même si
la célébration du Vendredi saint et de Pâques
revient chaque année au printemps, il ne s'agit
pourtant pas d'un éternel retour du cycle de la
nature.
- La résurrection du crucifié
doit être saisie par la foi, dans l'espérance.
Elle nécessite pour être comprise une conversion
du coeur et de l'esprit, ce qui n'est pas le cas
de la participation à l'éternel retour de la
renaissance de la nature célébré par les cultes
à mystères.
- Enfin, ce qui est nouveau
et caractéristique du christianisme est que ce
n'est pas un Dieu mais un homme qui ressuscite.
Un homme qui a vécu en un lieu et à une date que
les évangélistes s'empressent de préciser :
il est né à Bethléem, a vécu à Nazareth, est
mort à Jérusalem. Il s'est montré ressuscité à
Jérusalem, dit Luc, en Galilée, dit Matthieu, à
Béthanie dit Jean. Peu importent ici ces
différences : elles ont certainement une
signification théologiques, mais toutes fixent
la personne de Jésus dans l'espace. La mention
de César Auguste, du recensement de Quirinus, de
Ponce Pilate situent Jésus dans le temps et dans
la société. Ce qui est évidemment bien différent
des personnages bien réels dans l'esprit des
gens, mais mythiques qu'étaient Cybèle, Adonis,
Dionysos ou Osiris.
-
Enfin
les récits d'apparition du Christ ressuscité
sont paisibles et méditatifs. Ils donnent à
penser. Et la célébration de Pâques ne se fait
pas en rondes enthousiastes, en dérèglements
d'orgies frénétiques comme si on pénétrait à un
autre niveau d'existence en communion avec le
Dieu. Même si le reproche qu'adresse Paul aux
Corinthiens de s'enivrer pour la célébration de
la sainte cène sans faire référence à la mort de
Jésus, peut laisser penser que les Corinthiens
célébraient la sainte cène à la manière d'un
culte dionysiaque.
Lorsque vous vous réunissez,
ce n'est pas pour manger le repas du Seigneur;
car, quand on se met à table, chacun commence
par prendre son propre repas, et l'un a faim,
tandis que l'autre est
ivre... J'ai reçu du Seigneur ce que
je vous ai enseigné ; c'est que le
Seigneur Jésus, dans
la nuit où il fut livré, prit du
pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit,
et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ;
faites ceci en mémoire de moi. De même, après
avoir soupé, il prit la coupe, et dit :
Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ;
faites ceci en mémoire de moi toutes les fois
que vous en boirez. Car toutes les fois que
vous mangez ce pain et que vous buvez cette
coupe, vous annoncez
la mort du Seigneur, jusqu'à ce
qu'il vienne. 1 Corinthiens 11.20
.
Miracles
dans le monde antique
Ce serait une erreur de
lire les récits des miracles de Jésus
comme des événements historiques prodigieux
démontrant une puissance dominant les lois de la
nature marque incontestable de sa divinité. Une
telle lecture fondamentaliste pourrait
d’ailleurs prouver pareillement que puisque de
telles choses sont évidemment impossibles, les
évangiles sont des contes de fées qui n’ont
aucune réalité ni aucun sens admissible et que
de plus Jésus n’a probablement jamais existé
!
Il est plus raisonnable de faire une lecture
critique des évangiles en les replaçant dans
leur contexte historique. Les hommes du 1er
siècle vivaient dans un monde enchanté où le
surnaturel n’avait pas l’aspect étonnant que la
science a suscité par la suite.
Les récits de miracles étaient courants aussi
bien dans le monde juif que dans l’univers
hellénistique. Ce n’est pas leur historicité qui
suscite la réflexion mais le sens qu’en donne
lui-même le rédacteur dans son texte. Le lecteur
des récits qui suivent distinguera sans peine la
différence frappante entre la personnalité et le
message du Jésus des évangiles et celui d’Honi
le Traceur de cercles et de rabbi Hanina ben
Dosa dans le monde juif ou d’Apollonios de Tyane
dans le monde hellénistique.
Dans le
monde juif
Christian Grappe,
professeur de Nouveau Testament
à la
Faculté de théologie protestante de l’Université
de Strasbourg mentionne les récits de miracles
que voici dans son Initiation au monde du
Nouveau Testament. Les miracles
et les exorcismes qui sont attribués à Jésus
permettent d’effectuer des rapprochements avec
des personnages contemporains, Ainsi, Honi, le
Traceur de cercles.
Un jour, on dit à Honi le Traceur de cercles
:
- Prie pour que tombe la pluie.
Il leur dit :
- Allez et rentrez les fours pascaux de peur
qu'ils ne se dissolvent dans l'eau.
Il pria mais il ne plut pas. Que fit-il ? Il
traça un cercle, se tint au milieu et dit
devant Lui :
- Seigneur du monde, tes enfants placent leur
confiance en moi parce que je suis devant Toi
comme un fils de la maison. Je jure par Ton
grand Nom que je ne bougerai pas d'ici jusqu'â
ce que tu aies miséricorde de tes enfants.
Des gouttelettes de pluie se mirent à tomber.
Il dit :
- Je n'ai point demandé cela, mais de quoi
remplir les citernes, les puits et les
cavernes.
La pluie se mit à tomber à torrent. Il dit :
- Je n’ai point demandé cela, mais une pluie
agréable, de bénédiction et de faveur.
Il se
mit à pleuvoir régulièrement jusqu'à ce que
les Israélites soient obligés de sortir de
Jérusalem pour (gagner) la montagne de la
Maison devant la montée des eaux. On lui dit :
- Tout comme tu as prié pour qu'elles
viennent, prie maintenant pour qu'elles
cessent. Il dit :
- Allez voir si la Pierre des [objets] égarés
est immergée.
Siméon ben Shétah lui adressa [ce message] :
- Si tu n’étais pas Honi, je t’aurais placé
sous anathème, mais que faire contre toi
puisque tu pèches devant le Lieu [Dieu] et
qu’Il fait cependant tes (quatre) volontés,
comme un fils qui se conduit mal envers son
père qui fait (cependant) ses (quatre)
volontés. C'est pour toi qu'il est écrit : «
Que se réjouissent ton père et ta mère et que
soit joyeuse celle qui t'a enfanté » (Pr
23,25) » (Mishna Ta'anit 3,8).
Ainsi aussi Hanina ben Dosa célébré dès la
Mishna pour les vertus de sa prière et le
pouvoir de guérison qui était le sien :
On raconte que rabbi Hanina ben Dosa quand il
priait pour des malades disait : « Celui-ci
vivra ; celui-là mourra. » On lui dit :
- D'où le sais-tu ?
Il leur répondit :
- Si je sens la prière couler sur mes lèvres,
je sais qu'elle est reçue. Sinon, je sais
qu'elle est repoussée (Mishna Berakhot 5.5).
Dans le Talmud de Babylone il lui est attribué
un récit de guérison à distance qui n'est pas
sans faire penser au récit de la guérison à
distance du fils du centurion de Capernaüm (Mt
8.5-13 // Lc7,1-10 ; Jn 4,46-53)
Il arriva une fois que le fils de Rabban
Gamaliel tomba malade. Celui-ci envoya deux
disciples chez Rabbi Hanina ben Dosa pour
qu'il implore la miséricorde divine sur son
fils. Dès que Hanina les vit, il monta à la
chambre haute [comparer I Rois 17.19] et
implora la miséricorde pour lui. A sa
descente, il leur dit :
- Allez, la fièvre l’a quitté.
Ils lui demandèrent :
- Es-tu un prophète ?
Il répondit :
- Je ne suis pas prophète et je ne suis pas
fils de prophète ; mais je sais de tradition
que si ma prière coule dans ma bouche, elle
est acceptée ; si c’est le contraire, elle est
rejetée.
Ils s’assirent pour écrire et notèrent l’heure
précise. Quand ils revinrent chez Rabban
Gamaliel, il leur dit :
- Par le culte du Temple ! Vous n’avez ni
retranché ni ajouté, mais le fait s’est bien
passé ainsi : à l’heure même (que vous avez
notée) la fièvre l’a quitté et il nous a
demandé à boire. (Talmud, Berakhot, 34b).
Dans le
monde hellénistique
En l'an 2I7 ap. J.C. Philostrate écrit une Vie
d’Apollonios de Tyane de plus de 300 pages qui
contient une vingtaine de miracles. Apollonios,
décédé en 98 ap. J.C. parcourait le monde comme
prédicateur itinérant, de Rome à l'Inde en
passant par l’Égypte.
Apollonios attendit le moment du banquet de
noces et, se présentant aux hôtes qui venaient
juste d'arriver :
- Où est le femme élégante
qui vous a invités ? demanda-t-il.
- Ici, répondit Ménippe, en se levant de son
siège et en rougissant.
- Et cet argent, cet or, et tout ce qui décore
cette salle, auquel de vous deux tout cela
appartient-il ?
- A ma femme, dit l'autre, moi, je ne possède
que cela, ajouta-t-il en montrant son manteau
de philosophe. Alors Apollonios reprit :
- Vous connaissez les jardins de Tantale, qui
existent sans exister ?
- Oui d'après Homère, car nous ne sommes pas
descendus aux Enfers.
- Eh bien, sachez que tous ces ornements sont
pareils à eux ; ce n'est pas de la matière,
mais l'apparence de la matière. Et pour que
vous compreniez bien ce que je dis, apprenez
que cette belle mariée est une vampire. Elles
sont amoureuses et désirent les plaisirs de
l'amour, mais surtout la chair des humains, et
elles séduisent en leur procurant des
jouissances amoureuses, ceux dont elles
veulent se repaître.
Alors, la dame dit d'un air horrifié :
- Tais-toi, va-t-en !
Et elle se mit à railler les philosophes,
assurant qu’ils ne disaient que des sottises.
Mais lorsque les gobelets d’or et ce qui
semblait être de l’argent se révélèrent n'être
que du vent et s'envolèrent, disparaissant aux
regards, que les échansons, les cuisiniers et
toute la troupe des domestiques s'évanouirent
devant les objurgations d'Apollonios, le
fantôme fit semblant de pleurer et le pria de
ne pas la torturer et de ne pas la contraindre
à avouer qui elle était ; mais Apollonios
insista et ne voulut pas la laisser aller ;
alors elle avoua qu'elle était une vampire
qu'elle gorgeait Ménippe de plaisirs dans
l'intention de dévorer son corps, car elle
avait coutume de se repaître de corps beaux et
jeunes, parce que leur sang était pur et sans
mélange.
J’ai raconté tout au long cette histoire qui
est peut-être la mieux connue de toutes celles
qui concernent Apollonios ; je l'ai fait par
nécessité, car presque tout le monde la
connait étant donné que l'incident se déroula
en plein cœur de la Grèce, mais on n'en a
qu’une idée générale, à savoir qu’il a, un
jour, à Corinthe, vaincu une vampire, mais ce
qu'elle faisait et les détails concernant
Ménippe, cela, on l'ignore encore ; ce que
j'en ai dit vient de Damis et du récit qu'il
en fait.
[...]
Un jour qu'Apollonios discutait de la question
des libations, il se trouva assister à
l'entretien un jeune élégant qui avait une
telle réputation de débauché qu'il était
devenu le sujet de couplets grossiers… Voici
que le jeune homme interrompit ce discours
d'un rire épais et indécent ; Apollonios le
regarda et dit :
- Ce n'est pas toi qui m'insultes ainsi, mais
le démon qui te pousse à ton insu.
En fait le jeune homme était bien, sans le
savoir, possédé par le démon. Car il riait à
ce qui ne faisait rire personne et brusquement
fondait en larmes sans aucune raison et il se
parlait à lui-même et chantait tout seul. Les
gens croyaient que c’était l'ardeur de la
jeunesse qui l'entrainait à faire tout cela
mais en réalité il n'était que l'interprète du
démon, et l'on s'imaginait que son
extravagance présente était le résultat de
l'ivresse.
Donc, lorsqu'Apollonios le
regarda, le démon poussa des cris de terreur
et de colère comme ceux des suppliciés que
l'on brûle ou que l’on fouette, et jura qu'il
abandonnerait le jeune homme et ne possèderait
plus aucun être humain. Mais Apollonios, lui
parlant comme un maître à un esclave rusé,
vicieux et sans vergogne, d'une voix irritée,
lui ordonna de montrer par un signe visible
qu'il était bien parti ; et le démon répondit
:
- Je vais renverser cette statue là-bas
désignant l'une de celles du Portique Royal
devant lequel avait lieu cette scène ;
lorsque la statue commença de remuer, puis
tomba à terre, qui pourrait décrire le tumulte
qui se produisit alors et les applaudissements
émerveillés de la foule ?
Quant au jeune
homme, il se frotta les yeux comme s'il venait
de s'éveiller et regarda la lumière du soleil
; et il gagna la considération de tous ceux
qui tournaient maintenant les yeux vers lui,
car il n'avait plus l'air débauché son regard
n’était plus égaré somme avant, mais il était
revenu à lui-même, comme s'il avait été traité
avec une drogue ; il renonça à ses manteaux
légers, à ses tuniques fines et à toute sa vie
de jouisseur, il se prit de passion pour
l'austérité et le costume des philosophes et
adopta, désormais, la façon de vivre
d'Apollonios.
[…]
Voici un miracle d'Apollonios : une jeune
fille passa pour morte au moment de son
mariage, et le fiancé suivait le brancard, se
lamentant de ces noces inachevées, et Rome
entière gémissait avec lui car cette jeune
fille appartenait à une famille consulaire.
Apollonios témoin de ce deuil, approcha et dit
:
- Posez le brancard, je vais arrêter les
larmes que vous versez sur cette jeune fille.
Il demanda comment elle s'appelait. Les
assistants pensèrent qu'il allait leur
adresser un discours, comme ceux qui sont de
tradition et qui provoquent des lamentations,
mais il ne fit rien d'autre que toucher la
jeune fille et prononcer sur elle quelques
paroles mystérieuses. Et il éveilla la jeune
fille de ce qui semblait être la mort. Elle
prit la parole et revint dans la maison de son
père, comme Alceste ressuscitée par Héraclès.
Et lorsque ses parents lui offrirent un
présent de 150 000 sesterces, Apollonios
répondit qu’il les donnait à la jeune fille
comme dot. Découvrit-il en elle quelque
étincelle de vie qui avait échappée à ceux qui
lui rendaient les derniers devoirs - on
rapporte en effet qu'il tombait une pluie fine
et qu'une vapeur s'élevait de son visage -,
ralluma-t-il et restaura-t-il la vie qui était
éteinte il est impossible d'en décider, et
cela demeure mystérieux non seulement pour
moi, mais aussi pour les personnes présentes.
.
Le
stoïcisme
Sénèque
Cordoue, 2 av. J-C. - Rome 65 ap. J-C
Qu'est-ce que
Dieu ?
Lorsque tu dis : « C'est la
Nature qui m'assure tous les dons que j'ai
reçus » ne comprends-tu pas que tu
ne fais que donner à Dieu un autre nom ? La
Nature n'est pas autre chose que Dieu. Tu peux
donner d'autres noms à l'Auteur de tous nos
biens : Souverain Bien, Souverainement
Grand, Dieu Tonnant, Destin...
Épictète Grêce 50 - 130 ap. J-C
Le grand
concert universel
- Ne penses-tu pas, dit Épictète, que l'univers
forme une unité ?
- Oui.
- Eh bien ! les phénomènes terrestres sont en
harmonie avec ceux du ciel, ne le penses-tu pas
?
- Oui.
- Sans quoi, d'où viendrait que dans un si bel
ordre, comme à un commandement, quand Dieu dit
aux plantes de fleurir, elles fleurissent ; de
germer, elles germent ; de mûrir, elles
mûrissent [...].
Mais si les plantes et nos propres corps sont
tellement liés à I'univers et en sympathie avec
lui, nos âmes ne le sont-elles pas bien plus
encore ? Si nos âmes sont tellement liées à
Dieu, tellement unies à lui, parce qu'elles sont
des parties de lui, des parcelles qu'il s'est
arrachées, Dieu ne ressent-il pas tout mouvement
comme si c'était le sien ? [...]
Dieu ne serait-il pas capable de tout
surveiller, d'être partout présent ? Et si tu ne
peux comprendre une telle universalité, c'est
que ta pensée n'est pas égale à celle de Zeus !
Témoignage
devant Dieu au moment de la morL O
Dieu, ai-je transgressé tes commandements ?
Ai-je employé à d'autres buts qu'il ne fallait,
les qualités que tu m'as données ? T'ai-je
jamais pris à partie ? Ai-je blâmé ton
gouvernement ? J'ai été malade quand tu as voulu
; les autres gens aussi, mais moi de bon cœur.
J'ai été pauvre puisque tu I'as voulu, mais avec
plaisir. Je n'ai pas eu de fonction publique,
parce que tu ne l'as pas voulu ; je n'ai jamais
désiré en avoir. M'en as-tu vu triste ? Ne
suis-je pas toujours venu à toi le visage
rayonnant, prêt à répondre à ton ordre, à ton
signe ? T'u veux que maintenant je quitte la
fête de la vie ? Je la quitte ; je te suis plein
de reconnaissance, parce que tu m'as jugé digne
d'être de la fête avec toi, de voir tes œuvres
et d'avoir la compréhension de ton gouvernement.
Des figues et
des noix. Quand j'entends quelqu'un se
dire heureux parce qull reçoit de César une
marque d'honneur, je dis : Qu'est que c'est
qui lui échoit ? En même temps que le
gouvernement d'une province, en a- t-il reçu la
sagesse nécessaire ?
Lorsqu'on jette à la volée des figues et des
noix sèches aux enfants, ceux-ci se précipitent
et se chamaillent pour s'en saisir ; les adultes
ne s'y intéressent pas : c'est un jeu d'enfants.
Et l'argent ? C'est également un jeu d'enfants.
Les armées, les consulats ? ce sont des figues
et des noix pour les enfants !
Mais si par pure chance il t'en tombe une dans
la poche, prends-la. Mais se baisser jusqu'au
sol pour la ramasser, bousculer quelqu'un pour
s'en saisir avant lui, une figue ne le vaut pas
!
Marc Aurèle
Rome, 121-180
- Tout
ce qui arrive est aussi banal et familier que la
rose qui fleurit au printemps et les fruits qui
mûrissent en été : ainsi en est-il de la
maladie, de la mort, de la calomnie, de la
traîtrise et de tout ce qui réjouit les insensés
ou les afïlige.
- Qu'il
te soit indifférent, quand tu accomplis ton
devoir, d'avoir froid ou chaud, de somnoler ou
d'avoir assez dormi, d'entendre dire du mal ou
du bien de toi, de mourir ou de faire quelque
autre chose.
- Je
n'ai qu'un souci, c'est d'éviter ce que la
nature humaine interdit.
-
Il faut aimer même ceux qui nous offensent ;
pour cela il faut se dire qu'ils sont nos
parents, qu'ils pèchent par ignorance et
involontairement ; que de toute façon dans peu
de temps nous serons tous morts ; et surtout
qu'on n'a pas pu nous nuire car notre esprit est
resté ce qu'il était.
- Ne
te laisse pas troubler : tout arrive
conformément à la Nature universelle ; et avant
peu, tu ne seras plus personne, non plus
qu'Hadrien ou Auguste. Ensuite, sois attentif à
ton devoir ; sois un honnête homme, conduis-toi,
sans hésiter, selon la nature humaine de la
manière la plus conforme à la justice. Sois de
bonne humeur, modeste et sincère.
- Cet
homme prie ainsi : « Que j'obtienne les
faveurs de cette femme ! »
Dis plutôt : « Que je puisse
m'abstenir de la convoiter ! »
Un autre : « Que je sois débarrassé de
tel ennui ».
Toi : « Que je n'aie même pas besoin
d'en être débarrassé ».
Un autre : « Que je ne perde pas mon
enfant ».
Toi : « que je ne tremble pas à
l'idée de le perdre ».
Tourne ainsi tes prières et
observe le résultat.
-
Impassibilité à l'égard des événements qui
résultent de cause extérieure ; justice dans les
œuvres qui dépendent de toi. Règle-toi sur le
bien social, parce que cela est pour toi
conforme à la Nature.
.
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