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Introduction à l'Ancien Testament

Introduction au Nouveau Testament

 

 

Le monde au temps

du Nouveau Testament

 

 


Le Nouveau Testament, la vie et la pensée de l'Église naissante
, se sont développés dans un contexte religieux où ils ont naturellement puisé des images, des concepts, un vocabulaire, des rites. Trois religions sont les plus connues :

- Les Dieux de l'Olympe pouvaient participer à la vie des hommes. On disait notamment que Zeus s'était métamorphosé en taureau blanc sur une plage de Syrie, pour enlever la belle Europe et en cygne pour séduire la jolie Léda. Et lorsque Paul et Barnabas guérirent un infirme à Lystre,

Les foules élevèrent la voix en langue lycaonienne : les Dieux sous forme humaine sont descendus vers nous. Ils appelaient Barnabas : Zeus et Paul : Hermès, parce que c'était lui qui portait la parole. Le prêtre de Zeus amena des taureaux et des guirlandes et voulait offrir un sacrifice. Actes 14.11

De même lorsque Paul fut mordu par une vipère à Malte

Les gens s'attendaient à le voir enfler ou tomber mort tout à coup ; mais après avoir longtemps attendu, ils virent qu'il ne lui arrivait rien d'anormal, changèrent d'avis et dirent que c'était « un Dieu ». Actes 28.6.

 

- L'empereur était divinisé. Il portait le titre de « fils de Dieu » ou même de « Dieu » et un culte lui était rendu. On s'adressait à lui - depuis Auguste - en lui disant « mon Seigneur et mon Dieu », appellation que, justement, Thomas adresse à Jésus ressuscité dans l'évangile de Jean. Et à la crucifixion, le centurion romain de l'évangile de Marc, s'exclame que Jésus « était le fils de Dieu ».

Actes 12.21 A un jour fixé, Hérode, revêtu de ses habits royaux, et assis sur son trône, les harangua publiquement. Le peuple s'écria : « Voix d'un Dieu, et non d'un homme ! »

 

- Les platoniciens comprenaient Dieu comme la Source céleste de tout Bien et de toute Vérité auquel on adressait des prières de louanges et dont on s'efforçait de s'inspirer pour apprendre de sa contemplation à s'affranchir des ténèbres d'un monde prisonnier de la matière.

 

- Les stoïciens (Épictète, Sénèque) concevaient la divinité comme une présence diffuse, un feu pénétrant et donnant à tout le mouvement et la vie. Paul, parlant aux Athéniens, utilisait leur langage lorsqu'il leur disait :

Dieu donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses.
En lui nous avons la vie, le mouvement, et l'être.
C'est ce qu'ont dit aussi quelques-uns de vos poètes : « De lui nous sommes la race ». Actes 17. 24

 

 

Les cultes à mystères

 

Ils portent ce nom car on en réservait la connaissance aux seuls fidèles initiés. Malgré tous les travaux des historiens ces cultes, courants à l'époque du Nouveau Testament, demeurent encore très largement méconnus de nos jours. Les divinités mouraient et ressuscitaient d'elles-mêmes en entraînant les fidèles dans leur renouveau. Elles étaient bienveillantes et sensibles aux détresses humaines, procuraient le réconfort et l'assurance d'une prise sur le Destin, ce que n'enseignaient pas le culte de Zeus, le platonisme ni le stoïcisme.

 

 Mitra

L'Église ancienne ne fêtait pas Noël. La date du 25 décembre n'est pas celle de la naissance de Jésus, que nous ignorons ; elle correspond à une célébration plus ancienne, celle du culte de Mira.
Mitra avait tué le taureau dont le « sang éternel » faisait vivre les êtres ; dans le culte on mangeait le taureau dont le sang donnait la vie et en tout cas on communiait de manière sacramentelle avec du pain et du vin. C'était un Dieu sauveur qui donnait vie et prospérité, victoire de la vie sur les forces du mal. Mitra était monté sur le char du soleil et l'on attendait qu'à la fin des temps il y monte à nouveau et embrase le monde.
Contrairement aux autres dieux, Mitra est seul, sans conjoint (parèdre). Il vit seul, il est chaste et saint. Il est le Dieu de l'effort individuel, de l'énergie humaine. Il est « invincible » et soutient les fidèles dans leur lutte contre les démons et contre le mal.

Il reviendra du ciel sur la terre à la fin des temps, il ressuscitera les hommes et donnera l'immortalité aux bons et les méchants seront anéantis avec le diable Ahriman, dans le feu qui consumera l'univers.
Son culte présentait donc certaines analogies avec le Christ et comme le 25 décembre était précisément le jour où l'on célébrait le « Soleil invaincu » et l'anniversaire de Mithra lui-même, c'est tout naturellement que l'on a reporté ces festivités sur le Christ.
Le culte de Mitra était très généralisé, notamment dans l'armée. On trouve en France des traces de ses « églises »

 

 

Les Saturnales

A partir du 17 décembre, pendant une semaine, on célébrait dans l'Empire romain des fêtes d'inversion sociale : les maîtres servaient les esclaves et leur permettaient une certaine liberté de parole. Le peuple se répandait dans les rues avec des lumières et l'on échangeait des cadeaux.

 

 

Cybèle

C'était une religion du salut apporté par Cybèle, la « Magna Mater », la Grande Mère, la Mère des dieux, protectrice de Rome.
L'empereur Claude (empereur de 41 à 54) organise ce culte en culte public dont la fête est célébrée à l'arrivée du printemps du 15 au 27 mars.
Ce culte était très populaire. Les prêtres étaient célibataires et devaient être ascétiques, ce qui plaisait au peuple. Ils avaient des costumes colorés. Il y avait de la musique et des danses. Les fidèles laissaient monter en eux le sentiment exaltant d'être habités par la présence divine dans un enthousiasme mystique. Ils se sentaient « sauvés ».

On revivait pourtant un drame sanglant : le dieu Attis que Cybèle aimait d'un amour jaloux, lui sacrifiait volontairement son sexe. Les fidèles se flagellaient, jeûnaient pendant huit jours, faisaient couler leur sang. Certains se mutilaient le sexe à l'exemple d'Attis.
On pratiquait pendant tout un jour la veillée funèbre d'Attis mort, puis sa résurrection à l'aube du troisième jour, en une jubilation accompagnée de banquets. On faisait une procession solennelle dans les rues de Rome de la statue d'argent de la déesse.

A partir du 3e siècle de notre ère, on sacrifiait dans tout l'Empire un taureau dont le sang jaillissait sur les fidèles pour les purifier et les vivifier, en un sacrifice rédempteur garantie de vie éternelle bienheureuse : le fidèle était racheté de ses fautes et lavé par le sang de la victime offerte pour lui en sacrifice.

 

 

Dionysos - Bacchus

Fêté au printemps lors de l'ouverture des outres de vin nouveau. Il mourait, lui aussi, et ressuscitait. Les bacchanales étaient des orgies pratiquées dans des groupes où la communion avec le Dieu se manifestait de manière exaltée et procurait l'épanouissement souhaité à ceux, esclaves, étrangers, femmes et malheureux qui en étaient privés dans leur famille et dans la cité.

 

 

Les mystères d'Éleusis

Éleusis est une ville grecque près d'Athènes où l'on célébrait le culte de deux divinités associées : Déméter (que les Romains appelleront Cérès) et sa fille Coré.
L'histoire fondatrice était le mythe de l'enlèvement de Coré par le Seigneur des morts, de son mariage infernal et sa remontée vers l'Olympe. Parallèle avec le renouveau annuel de la végétation.

Les gens d'Éleusis prétendaient que c'était à Éleusis que la déesse Déméter était descendue du ciel sous l'apparence d'une vieille femme en deuil ; ils l'avaient si bien accueillie en cherchant à la consoler, qu'elle leur avait révélé sa gloire divine son pouvoir de vie éternelle. Puis elle était remontée au ciel.
Son culte célébrait une médiatrice entre les Dieux et les hommes, entre le Ciel et la Terre, entre la vie et la mort. Avec elle on vivait un bonheur présent, anticipation de la vie éternelle.

Son culte comportait des récitations de formules, des gestes et des objets sacrés que nous ne connaissons plus. Il se déroulait dans une contemplation et une prière ferventes de la déesse. De manière beaucoup plus calme que dans le culte de Dionysos. Ce culte était un des plus importants de la Grèce.

Cicéron était fidèle de Déméter, initié disait-on, aux mystères d'Éleusis. Il a écrit (« Lois » II.14) que ce culte était le meilleur bien fait qu'Athènes ait apporté aux hommes, car il nous fait passer d'une vie sauvage à une vie plus humaine. Par ce culte nous apprenons à connaître les principes mêmes de la vie et par là, le moyen non seulement de vivre dans la joie mais aussi de mourir avec une meilleure espérance.

 

 

Osiris

Les empereurs Caligula et Domitien étaient initiés aux mystères d'Osiris. Noyé dans le Nil et ramené à la vie par Isis, comme la terre noyée par le Nil se couvre de verdure. Chaque défunt devient un nouvel Osiris en communion avec le Dieu, mourant comme lui, il ressuscite uni à lui.

 

 

Adonis

Jeune amant d'Aphrodite, tué par un sanglier, transformé en anémone, il meurt au solstice d'été et ressuscite en automne avec les premières pluies. La joie de ses retrouvailles avec Aphrodite fait celle des fidèles. Puis il repart pour revenir. Il est identifié à Baal qui, lui aussi, meurt pour ressusciter en automne.

 

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La ressemblance avec Jésus saute aux yeux sur bien des points. Les différences également.

- La mort et la résurrection de Jésus ont eu lieu une fois pour toutes, à la différence de celles de ces divinités qui sont constamment renouvelées par des cérémonies efficaces. Ces divinités sont celles de l'éternel retour : elles meurent et ressuscitent à nouveau régulièrement.

La résurrection de Jésus est, certes, l'exemple, le prototype de tous les renouveaux, de toutes les mini-résurrection que le saint Esprit de Dieu a toujours faits depuis la création du monde, fait et continue de faire avec le même dynamisme créateur. Néanmoins elle a un aspect unique ; elle est le point de départ central donné une fois pour toutes d'une histoire nouvelle dans la vie du monde. Même si la célébration du Vendredi saint et de Pâques revient chaque année au printemps, il ne s'agit pourtant pas d'un éternel retour du cycle de la nature.

- La résurrection du crucifié doit être saisie par la foi, dans l'espérance. Elle nécessite pour être comprise une conversion du coeur et de l'esprit, ce qui n'est pas le cas de la participation à l'éternel retour de la renaissance de la nature célébré par les cultes à mystères.

- Enfin, ce qui est nouveau et caractéristique du christianisme est que ce n'est pas un Dieu mais un homme qui ressuscite. Un homme qui a vécu en un lieu et à une date que les évangélistes s'empressent de préciser : il est né à Bethléem, a vécu à Nazareth, est mort à Jérusalem. Il s'est montré ressuscité à Jérusalem, dit Luc, en Galilée, dit Matthieu, à Béthanie dit Jean. Peu importent ici ces différences : elles ont certainement une signification théologiques, mais toutes fixent la personne de Jésus dans l'espace. La mention de César Auguste, du recensement de Quirinus, de Ponce Pilate situent Jésus dans le temps et dans la société. Ce qui est évidemment bien différent des personnages bien réels dans l'esprit des gens, mais mythiques qu'étaient Cybèle, Adonis, Dionysos ou Osiris.

- Enfin les récits d'apparition du Christ ressuscité sont paisibles et méditatifs. Ils donnent à penser. Et la célébration de Pâques ne se fait pas en rondes enthousiastes, en dérèglements d'orgies frénétiques comme si on pénétrait à un autre niveau d'existence en communion avec le Dieu. Même si le reproche qu'adresse Paul aux Corinthiens de s'enivrer pour la célébration de la sainte cène sans faire référence à la mort de Jésus, peut laisser penser que les Corinthiens célébraient la sainte cène à la manière d'un culte dionysiaque.

Lorsque vous vous réunissez, ce n'est pas pour manger le repas du Seigneur; car, quand on se met à table, chacun commence par prendre son propre repas, et l'un a faim, tandis que l'autre est ivre... J'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c'est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. 1 Corinthiens 11.20

 

 

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Miracles dans le monde antique

 

Ce serait une erreur de lire les récits des miracles de Jésus comme des événements historiques prodigieux démontrant une puissance dominant les lois de la nature marque incontestable de sa divinité. Une telle lecture fondamentaliste pourrait d’ailleurs prouver pareillement que puisque de telles choses sont évidemment impossibles, les évangiles sont des contes de fées qui n’ont aucune réalité ni aucun sens admissible et que de plus Jésus n’a probablement jamais existé !
Il est plus raisonnable de faire une lecture critique des évangiles en les replaçant dans leur contexte historique. Les hommes du 1er siècle vivaient dans un monde enchanté où le surnaturel n’avait pas l’aspect étonnant que la science a suscité par la suite.

Les récits de miracles étaient courants aussi bien dans le monde juif que dans l’univers hellénistique. Ce n’est pas leur historicité qui suscite la réflexion mais le sens qu’en donne lui-même le rédacteur dans son texte. Le lecteur des récits qui suivent distinguera sans peine la différence frappante entre la personnalité et le message du Jésus des évangiles et celui d’Honi le Traceur de cercles et de rabbi Hanina ben Dosa dans le monde juif ou d’Apollonios de Tyane dans le monde hellénistique.

 

Dans le monde juif

Christian Grappe, professeur de Nouveau Testament 
à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg mentionne les récits de miracles que voici dans son Initiation au monde du Nouveau Testament. Les miracles et les exorcismes qui sont attribués à Jésus permettent d’effectuer des rapprochements avec des personnages contemporains, Ainsi, Honi, le Traceur de cercles.

Un jour, on dit à Honi le Traceur de cercles : 

- Prie pour que tombe la pluie.

Il leur dit : 

- Allez et rentrez les fours pascaux de peur qu'ils ne se dissolvent dans l'eau.

Il pria mais il ne plut pas. Que fit-il ? Il traça un cercle, se tint au milieu et dit devant Lui : 

- Seigneur du monde, tes enfants placent leur confiance en moi parce que je suis devant Toi comme un fils de la maison. Je jure par Ton grand Nom que je ne bougerai pas d'ici jusqu'â ce que tu aies miséricorde de tes enfants.
 Des gouttelettes de pluie se mirent à tomber. Il dit : 

- Je n'ai point demandé cela, mais de quoi remplir les citernes, les puits et les cavernes. 

La pluie se mit à tomber à torrent. Il dit : 

- Je n’ai point demandé cela, mais une pluie agréable, de bénédiction et de faveur.
 Il se mit à pleuvoir régulièrement jusqu'à ce que les Israélites soient obligés de sortir de Jérusalem pour (gagner) la montagne de la Maison devant la montée des eaux. On lui dit : 

- Tout comme tu as prié pour qu'elles viennent, prie maintenant pour qu'elles cessent. Il dit : 

- Allez voir si la Pierre des [objets] égarés est immergée.

Siméon ben Shétah lui adressa [ce message] : 

- Si tu n’étais pas Honi, je t’aurais placé sous anathème, mais que faire contre toi puisque tu pèches devant le Lieu [Dieu] et qu’Il fait cependant tes (quatre) volontés, comme un fils qui se conduit mal envers son père qui fait (cependant) ses (quatre) volontés. C'est pour toi qu'il est écrit : « Que se réjouissent ton père et ta mère et que soit joyeuse celle qui t'a enfanté » (Pr 23,25) » (Mishna Ta'anit 3,8).

Ainsi aussi Hanina ben Dosa célébré dès la Mishna pour les vertus de sa prière et le pouvoir de guérison qui était le sien :

On raconte que rabbi Hanina ben Dosa quand il priait pour des malades disait : « Celui-ci vivra ; celui-là mourra. » On lui dit : 

- D'où le sais-tu ? 

Il leur répondit : 

- Si je sens la prière couler sur mes lèvres, je sais qu'elle est reçue. Sinon, je sais qu'elle est repoussée (Mishna Berakhot 5.5).

Dans le Talmud de Babylone il lui est attribué un récit de guérison à distance qui n'est pas sans faire penser au récit de la guérison à distance du fils du centurion de Capernaüm (Mt 8.5-13 // Lc7,1-10 ; Jn 4,46-53)

Il arriva une fois que le fils de Rabban Gamaliel tomba malade. Celui-ci envoya deux disciples chez Rabbi Hanina ben Dosa pour qu'il implore la miséricorde divine sur son fils. Dès que Hanina les vit, il monta à la chambre haute [comparer I Rois 17.19] et implora la miséricorde pour lui. A sa descente, il leur dit : 

- Allez, la fièvre l’a quitté. 

Ils lui demandèrent : 

- Es-tu un prophète ? 

Il répondit : 

- Je ne suis pas prophète et je ne suis pas fils de prophète ; mais je sais de tradition que si ma prière coule dans ma bouche, elle est acceptée ; si c’est le contraire, elle est rejetée. 

Ils s’assirent pour écrire et notèrent l’heure précise. Quand ils revinrent chez Rabban Gamaliel, il leur dit : 

- Par le culte du Temple ! Vous n’avez ni retranché ni ajouté, mais le fait s’est bien passé ainsi : à l’heure même (que vous avez notée) la fièvre l’a quitté et il nous a demandé à boire. (Talmud, Berakhot, 34b).

 

Dans le monde hellénistique

En l'an 2I7 ap. J.C. Philostrate écrit une Vie d’Apollonios de Tyane de plus de 300 pages qui contient une vingtaine de miracles. Apollonios, décédé en 98 ap. J.C. parcourait le monde comme prédicateur itinérant, de Rome à l'Inde en passant par l’Égypte.

Apollonios attendit le moment du banquet de noces et, se présentant aux hôtes qui venaient juste d'arriver : 
 - Où est le femme élégante qui vous a invités ? demanda-t-il. 

- Ici, répondit Ménippe, en se levant de son siège et en rougissant. 

- Et cet argent, cet or, et tout ce qui décore cette salle, auquel de vous deux tout cela appartient-il ? 

- A ma femme, dit l'autre, moi, je ne possède que cela, ajouta-t-il en montrant son manteau de philosophe. Alors Apollonios reprit : 

- Vous connaissez les jardins de Tantale, qui existent sans exister ? 

- Oui d'après Homère, car nous ne sommes pas descendus aux Enfers. 

- Eh bien, sachez que tous ces ornements sont pareils à eux ; ce n'est pas de la matière, mais l'apparence de la matière. Et pour que vous compreniez bien ce que je dis, apprenez que cette belle mariée est une vampire. Elles sont amoureuses et désirent les plaisirs de l'amour, mais surtout la chair des humains, et elles séduisent en leur procurant des jouissances amoureuses, ceux dont elles veulent se repaître.
Alors, la dame dit d'un air horrifié :

- Tais-toi, va-t-en !

Et elle se mit à railler les philosophes, assurant qu’ils ne disaient que des sottises. Mais lorsque les gobelets d’or et ce qui semblait être de l’argent se révélèrent n'être que du vent et s'envolèrent, disparaissant aux regards, que les échansons, les cuisiniers et toute la troupe des domestiques s'évanouirent devant les objurgations d'Apollonios, le fantôme fit semblant de pleurer et le pria de ne pas la torturer et de ne pas la contraindre à avouer qui elle était ; mais Apollonios insista et ne voulut pas la laisser aller ; alors elle avoua qu'elle était une vampire qu'elle gorgeait Ménippe de plaisirs dans l'intention de dévorer son corps, car elle avait coutume de se repaître de corps beaux et jeunes, parce que leur sang était pur et sans mélange.

J’ai raconté tout au long cette histoire qui est peut-être la mieux connue de toutes celles qui concernent Apollonios ; je l'ai fait par nécessité, car presque tout le monde la connait étant donné que l'incident se déroula en plein cœur de la Grèce, mais on n'en a qu’une idée générale, à savoir qu’il a, un jour, à Corinthe, vaincu une vampire, mais ce qu'elle faisait et les détails concernant Ménippe, cela, on l'ignore encore ; ce que j'en ai dit vient de Damis et du récit qu'il en fait.
[...]
Un jour qu'Apollonios discutait de la question des libations, il se trouva assister à l'entretien un jeune élégant qui avait une telle réputation de débauché qu'il était devenu le sujet de couplets grossiers… Voici que le jeune homme interrompit ce discours d'un rire épais et indécent ; Apollonios le regarda et dit : 

- Ce n'est pas toi qui m'insultes ainsi, mais le démon qui te pousse à ton insu. 

En fait le jeune homme était bien, sans le savoir, possédé par le démon. Car il riait à ce qui ne faisait rire personne et brusquement fondait en larmes sans aucune raison et il se parlait à lui-même et chantait tout seul. Les gens croyaient que c’était l'ardeur de la jeunesse qui l'entrainait à faire tout cela mais en réalité il n'était que l'interprète du démon, et l'on s'imaginait que son extravagance présente était le résultat de l'ivresse. 
Donc, lorsqu'Apollonios le regarda, le démon poussa des cris de terreur et de colère comme ceux des suppliciés que l'on brûle ou que l’on fouette, et jura qu'il abandonnerait le jeune homme et ne possèderait plus aucun être humain. Mais Apollonios, lui parlant comme un maître à un esclave rusé, vicieux et sans vergogne, d'une voix irritée, lui ordonna de montrer par un signe visible qu'il était bien parti ; et le démon répondit : 

- Je vais renverser cette statue là-bas désignant l'une de celles du Portique Royal devant lequel avait lieu cette scène ;
lorsque la statue commença de remuer, puis tomba à terre, qui pourrait décrire le tumulte qui se produisit alors et les applaudissements émerveillés de la foule ? 
Quant au jeune homme, il se frotta les yeux comme s'il venait de s'éveiller et regarda la lumière du soleil ; et il gagna la considération de tous ceux qui tournaient maintenant les yeux vers lui, car il n'avait plus l'air débauché son regard n’était plus égaré somme avant, mais il était revenu à lui-même, comme s'il avait été traité avec une drogue ; il renonça à ses manteaux légers, à ses tuniques fines et à toute sa vie de jouisseur, il se prit de passion pour l'austérité et le costume des philosophes et adopta, désormais, la façon de vivre d'Apollonios.
[…]
Voici un miracle d'Apollonios : une jeune fille passa pour morte au moment de son mariage, et le fiancé suivait le brancard, se lamentant de ces noces inachevées, et Rome entière gémissait avec lui car cette jeune fille appartenait à une famille consulaire. Apollonios témoin de ce deuil, approcha et dit : 
- Posez le brancard, je vais arrêter les larmes que vous versez sur cette jeune fille. 
Il demanda comment elle s'appelait. Les assistants pensèrent qu'il allait leur adresser un discours, comme ceux qui sont de tradition et qui provoquent des lamentations, mais il ne fit rien d'autre que toucher la jeune fille et prononcer sur elle quelques paroles mystérieuses. Et il éveilla la jeune fille de ce qui semblait être la mort. Elle prit la parole et revint dans la maison de son père, comme Alceste ressuscitée par Héraclès. Et lorsque ses parents lui offrirent un présent de 150 000 sesterces, Apollonios répondit qu’il les donnait à la jeune fille comme dot. Découvrit-il en elle quelque étincelle de vie qui avait échappée à ceux qui lui rendaient les derniers devoirs - on rapporte en effet qu'il tombait une pluie fine et qu'une vapeur s'élevait de son visage -, ralluma-t-il et restaura-t-il la vie qui était éteinte il est impossible d'en décider, et cela demeure mystérieux non seulement pour moi, mais aussi pour les personnes présentes.


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Le stoïcisme       

 

                                                            Sénèque   Cordoue, 2 av. J-C. - Rome 65 ap. J-C

Qu'est-ce que Dieu ?
Lorsque tu dis : « C'est la Nature qui m'assure tous les dons que j'ai reçus » ne comprends-tu pas que tu ne fais que donner à Dieu un autre nom ? La Nature n'est pas autre chose que Dieu. Tu peux donner d'autres noms à l'Auteur de tous nos biens : Souverain Bien, Souverainement Grand, Dieu Tonnant, Destin...

 

                                                                  Épictète Grêce 50 - 130 ap. J-C

Le grand concert universel
- Ne penses-tu pas, dit Épictète, que l'univers forme une unité ?
- Oui.
- Eh bien ! les phénomènes terrestres sont en harmonie avec ceux du ciel, ne le penses-tu pas ?
- Oui.
- Sans quoi, d'où viendrait que dans un si bel ordre, comme à un commandement, quand Dieu dit aux plantes de fleurir, elles fleurissent ; de germer, elles germent ; de mûrir, elles mûrissent [...].
Mais si les plantes et nos propres corps sont tellement liés à I'univers et en sympathie avec lui, nos âmes ne le sont-elles pas bien plus encore ? Si nos âmes sont tellement liées à Dieu, tellement unies à lui, parce qu'elles sont des parties de lui, des parcelles qu'il s'est arrachées, Dieu ne ressent-il pas tout mouvement comme si c'était le sien ? [...]
Dieu ne serait-il pas capable de tout surveiller, d'être partout présent ? Et si tu ne peux comprendre une telle universalité, c'est que ta pensée n'est pas égale à celle de Zeus !

Témoignage devant Dieu au moment de la morL O Dieu, ai-je transgressé tes commandements ? Ai-je employé à d'autres buts qu'il ne fallait, les qualités que tu m'as données ? T'ai-je jamais pris à partie ? Ai-je blâmé ton gouvernement ? J'ai été malade quand tu as voulu ; les autres gens aussi, mais moi de bon cœur. J'ai été pauvre puisque tu I'as voulu, mais avec plaisir. Je n'ai pas eu de fonction publique, parce que tu ne l'as pas voulu ; je n'ai jamais désiré en avoir. M'en as-tu vu triste ? Ne suis-je pas toujours venu à toi le visage rayonnant, prêt à répondre à ton ordre, à ton signe ? T'u veux que maintenant je quitte la fête de la vie ? Je la quitte ; je te suis plein de reconnaissance, parce que tu m'as jugé digne d'être de la fête avec toi, de voir tes œuvres et d'avoir la compréhension de ton gouvernement.

Des figues et des noix. Quand j'entends quelqu'un se dire heureux parce qull reçoit de César une marque d'honneur, je dis : Qu'est que c'est qui lui échoit ? En même temps que le gouvernement d'une province, en a- t-il reçu la sagesse nécessaire ?
Lorsqu'on jette à la volée des figues et des noix sèches aux enfants, ceux-ci se précipitent et se chamaillent pour s'en saisir ; les adultes ne s'y intéressent pas : c'est un jeu d'enfants. Et l'argent ? C'est également un jeu d'enfants. Les armées, les consulats ? ce sont des figues et des noix pour les enfants !
Mais si par pure chance il t'en tombe une dans la poche, prends-la. Mais se baisser jusqu'au sol pour la ramasser, bousculer quelqu'un pour s'en saisir avant lui, une figue ne le vaut pas !

 

                                                                            

                 Marc Aurèle  Rome, 121-180

- Tout ce qui arrive est aussi banal et familier que la rose qui fleurit au printemps et les fruits qui mûrissent en été : ainsi en est-il de la maladie, de la mort, de la calomnie, de la traîtrise et de tout ce qui réjouit les insensés ou les afïlige.

- Qu'il te soit indifférent, quand tu accomplis ton devoir, d'avoir froid ou chaud, de somnoler ou d'avoir assez dormi, d'entendre dire du mal ou du bien de toi, de mourir ou de faire quelque autre chose.

- Je n'ai qu'un souci, c'est d'éviter ce que la nature humaine interdit.

-  Il faut aimer même ceux qui nous offensent ; pour cela il faut se dire qu'ils sont nos parents, qu'ils pèchent par ignorance et involontairement ; que de toute façon dans peu de temps nous serons tous morts ; et surtout qu'on n'a pas pu nous nuire car notre esprit est resté ce qu'il était.

- Ne te laisse pas troubler : tout arrive conformément à la Nature universelle ; et avant peu, tu ne seras plus personne, non plus qu'Hadrien ou Auguste. Ensuite, sois attentif à ton devoir ; sois un honnête homme, conduis-toi, sans hésiter, selon la nature humaine de la manière la plus conforme à la justice. Sois de bonne humeur, modeste et sincère.

- Cet homme prie ainsi : « Que j'obtienne les faveurs de cette femme ! »
Dis plutôt : « Que je puisse m'abstenir de la convoiter ! »
Un autre : « Que je sois débarrassé de tel ennui ».
Toi : « Que je n'aie même pas besoin d'en être débarrassé ».
Un autre : « Que je ne perde pas mon enfant ».
Toi : « que je ne tremble pas à l'idée de le perdre ».

Tourne ainsi tes prières et observe le résultat.

-  Impassibilité à l'égard des événements qui résultent de cause extérieure ; justice dans les œuvres qui dépendent de toi. Règle-toi sur le bien social, parce que cela est pour toi conforme à la Nature.

 

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