VIe
siècle avant Jésus-Christ
Exil à
Babylone
587-538
La puissante Babylone
a supplanté l'Assyrie d'Assurbanipal. Elle
envahit Israël, détruit la ville
de Jérusalem et son temple, détrône le roi et
déporte les milieux dirigeants de la population.
Toute vie politique et religieuse est anéantie,
la conscience même que le peuple avait de
lui-même est mise en question. En effet, jusque
alors, l'identité israélite était basée sur la
présence du roi et du temple.
Le roi, fils de David,
était garant de l'Alliance de Dieu. Son titre
d'« oint »,
traduction de l'hébreu « messie »
et du grec « christ »
en dit l'importance. Il semblait dès lors
abandonné de Dieu et le dieu de Babylone,
Mardouk, paraissait vainqueur de l'Éternel. La
Loi sainte n'était plus appliquée, remplacée par
la loi du roi Nabuchodonosor.
Le temple, signe de la
Présence divine, était détruit.
Le culte, avec ses sacrifices, était interrompu.
On ne savait pas si Dieu était présent sur la
terre étrangère de Babylone ni comment on
pouvait lui y rendre un culte. Les Israélites
demeurés en Palestine étaient également privés
de leurs cadres de vie et de pensée.
C'est dans ces
conditions dramatiques qu'apparut
une fantastique floraison de textes
nouveaux ; de nouvelles manières de
comprendre la foi en Dieu furent proposées par
de nouveaux théologiens issus d'écoles de
pensées différentes et contradictoires. C'est
alors que prit naissance ce que l'on peut
appeler désormais le « judaïsme »,
religion adaptée à toutes les circonstances et
que l'on peut pratiquer dans n'importe quelle
situation.
1
La
tradition deutéronomiste
Les « livres
historiques »
Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et
2 Rois
Les livres dits
« historiques » sont
nommés, avec davantage de raison, par la
tradition juive « premiers
prophètes ». Leurs auteurs
s'efforcent de présenter toute l'histoire
ancienne du peuple en montrant à chaque occasion
que les malheurs qui surviennent ne révèlent en
rien un éventuel manque de puissance de Dieu ou
une indifférence de sa part mais, bien au
contraire, le seul manque de fidélité du peuple
à l'Alliance.
Chaque épisode de la
vie du peuple suit le cycle deutéronomiste :
1. Le peuple infidèle se détourne de Dieu et
se confie en lui-même
2. Dieu laisse aller le peuple
3. Ses ennemis trop puissants terrorisent le
peuple
4. Celui-ci se repent et revient à Dieu
5. Dieu pardonne et envoie un sauveur.
Voici quelques textes
caractéristiques de l'histoire
deutéronomiste montrant à la fois la rigueur de
Dieu et le salut qu'il donne toujours finalement
au peuple.
Jéricho était fermée et
barricadée devant les enfants d'Israël. Personne
ne sortait, et personne n'entrait.
L'Éternel dit à Josué : Vois, je livre
entre tes mains Jéricho, son roi et ses
soldats. Faites le tour de la ville, vous tous
les hommes de guerre, faites une fois le tour
de la ville. Tu feras ainsi pendant six jours.
Sept prêtres porteront devant l'arche sept
chofars. Le septième jour, vous ferez sept
fois le tour de la ville et les prêtres
sonneront du chofar.
Quand vous entendrez le son du chofar, tout le
peuple poussera de grands cris. Alors la
muraille de la ville s'écroulera, et le peuple
montera, chacun devant soi...
Ils passèrent au fil de l'épée tout ce qui
était dans la ville, hommes, femmes, enfants,
vieillards, boeufs, moutons, ânes.
Josué 6
Les enfants d'Israël
firent ce qui déplaît à l'Éternel,
ils oublièrent l'Éternel, et ils servirent les
Baals et les idoles. La colère de l'Éternel
s'enflamma contre Israël, et il les vendit
entre les mains de Cuchan-Richataïm, roi de
Mésopotamie. Et les enfants d'Israël lui
furent asservis huit ans. Ils crièrent à
l'Éternel, et l'Éternel leur suscita un
libérateur qui les délivra, Othniel, fils de
Kenaz, frère cadet de Caleb.
Juges 3. 7
Le roi d'Assyrie emmena
Israël captif. Il les établit à
Chalach, et sur le Chabor, fleuve de Gozan, et
dans les villes des Mèdes, parce qu'ils
n'avaient pas écouté la voix de l'Éternel,
leur Dieu, et qu'ils avaient transgressé son
alliance, parce qu'ils n'avaient ni écouté ni
mis en pratique tout ce qu'avait ordonné
Moïse, serviteur de l'Éternel.
2 Rois 18. 11
2
Job
Le livre de Job,
dont la publication est peut-être un peu
plus tardive, s'insurge contre
la rigueur deutéronomiste représentée par les
trois visiteurs du malheureux Job et leurs
accusations. Ceux-ci affirment que les
souffrances de Job ne peuvent venir que de son
infidélité ayant entraîné le châtiment divin.
En s'élevant contre cette interprétation, en
proclamant son innocence, Job s'oppose en fait
à la pensée deutéronomiste. Cela implique que
la souffrance et notamment celle des
israélites exilés, ne doit pas être considérée
comme un châtiment divin.
3
Josué
Exemples
de parallèles
entre Josué 1-12
et les récits de propagande assyro-babyloniens
- Oracle de salut adressé à
Assarhaddon :
Ne crains pas !... Je suis Ishtar
d'Arbéla qui met tes ennemis à tes pieds.
Texte biblique, oracle adressé à Josué :
Ne crains pas ! Je te
les ai livrés, aucun d'eux ne tiendra devant
toi (Jos 10,8).
- Victoire de Sargon II,
décrite dans sa « lettre au Dieu » :
Le
reste du
peuple s'était
enfui pour
sauver leur
vie... Hadad
poussa un
grand cri
contre eux. A
l'aide d'une
pluie
torrentielle
et des pierres
du ciel, il
annihila ceux
qui restaient.
Texte biblique, victoire de Josué :
Or tandis qu'ils fuyaient
devant Israël, Yhwh lança des cieux contre eux
des grandes pierres et ils moururent. Plus
nombreux furent ceux qui moururent par les
pierres de grêle que ceux que les fils
d'Israël tuèrent par l'épée (Jos 10.11)
.
Le
problème de l'historicité
des récits de conquête en Josué
On a longtemps considéré que les récits de
conquête en Josué gardaient le souvenir
historique de l'installation d'lsraël en Canaan
(notamment dans l'école de W.F. Albright,
qui a largement influencé l'exégèse
anglo-saxonne). Les fouilles de Jéricho
effectuées dans les années 1950 par Mme
K. Kenyon ont toutefois démontré
l'impossibilité de lire Josué 6 comme un
récit historique. A la fin du Bronze récent et
au début de Fer I (1400-1200), époque où
l'on situe traditionnellement la conquête de
Canaan, la ville n'avait pas de fortifications,
comme ces fouilles l'ont révélé. Le même constat
vaut pour la ville d'Aï, qui signifie d'ailleurs
« monceau de
pierres » en hébreu (cf. les
résumés du dossier archéologique chez
Bieberstein et Curtis).
Plus récemment, I. Finkelstein et
d'autres archéologues ont démontré que
l'installation d'Israël en Canaan ne s'était pas
faite à la manière d'un Blitzkrieg.
Il n'y a aucun indice archéologique attestant
l'invasion d'une peuplade en Palestine aux
alentours des 13e-12e siècles avant J.-C.
Au plan archéologique, on observe au contraire
une continuité de la « culture
matérielle », alors que la
conquête de la région de Palestine par une
population étrangère aurait dû automatiquement
entraîner des changements importants sur le plan
de la fabrication et de la décoration des
ustensiles du quotidien (poterie).
.
Josué
et la guerre
En reprenant le langage et l'idéologie des
textes de propagande assyro-babyloniens dans une
perspective nationaliste, les auteurs de la
première édition de Josué, probablement des
fonctionnaires à la cour de Josias, tendaient
vers un but polémique: il s'agissait de montrer
que Yhwh était plus puissant que toutes les
divinités de l'Assyrie. Et lorsque le livre de
Josué insiste sur le fait que les autres peuples
n'ont aucun droit à l'occupation de Canaan, ce
constat s'applique sans doute en premier lieu
aux Assyriens qui occupaient alors le pays. Dans
cette optique, la mise en scène en Jos 1-12
de la victoire contre les Cananéens vise d'abord
les Assyriens. En affirmant la supériorité de
Yhwh sur l'Assyrie et ses dieux, les auteurs de
la version josianique de Jos 1-12
transforment du même coup Yhwh en un Dieu aussi
guerrier et militariste qu'Assur, le dieu
national d'Assyrie.
C'est d'ailleurs peut-être à l'époque de Josias
que l'on a conçu pour la première fois
l'installation d'Israël dans le pays comme le
résultat d'une conquête militaire. En effet, à
part les textes deutéronomistes et certains
Psaumes qui semblent connaître le livre de
Josué, les autres traditions de la Bible
hébraïque ne paraissent pas imaginer
l'installation d'Israël en Canaan comme
résultant d'une conquête militaire. Les
prophètes, par exemple, évoquent les origines du
peuple en se référant à l'Égypte ou au désert,
où Yhwh aurait « trouvé »
Israël. D'après ces traditions, I'entrée dans le
pays se fait sans allusion à l'extermination
d'autres peuples (cf. Os 9,10 ;
11,1-3 ; Jr 2,2).
Quoi qu'il en soit, Jos 1-12 doit de toute
manière être lu comme un texte idéologique, et
non pas comme un document ayant des prétentions
à l'historicité. Cela signifie, par exemple, que
la pratique du « hèrèm »,
ou « interdit »,
selon laquelle la totalité de la ville conquise
doit être exterminée (cf. surtout
Jos 6 et 7) n'a jamais été appliquée
de fait. Il s'agit au contraire d'une conception
théologique : puisque c'est la divinité qui
a donné la victoire, c'est à elle que revient la
totalité du butin. Il faut donc comprendre les
textes de Jos 1-12 sur 1'arrière-fond des
époques assyrienne et babylonienne. La pire des
aberrations serait de vouloir justifier ces
textes théologiquement en faisant abstraction de
ce contexte historique.
Thomas
Römer
Introduction à l'Ancien Testament
Labor et Fides, 2004
4
Le second
Ésaïe
Ésaïe,
chapitres 40 - 55
Ces textes écrits deux
siècles après le 1er Esaïe sont de la
même veine : leur dynamisme, leur
enthousiasme, leur conviction de la présence
agissante de Dieu apportant confiance et calme
et leur absence de légalisme et de dogmatisme
les ont fait placer à la suite des
39 chapitres du 1er Ésaïe. Faisant
contraste avec le 1er
Ésaïe de la période royale, souvent menaçant, et
différent du deutéronomiste qui cherchait des
responsabilités, le 2e Ésaïe annonce la
consolation aux exilés dans une ambiance de
joie, d'espérance et de courage de vivre.
Ne le sais-tu pas ? Ne
l'as-tu pas appris ?
C'est le Dieu d'éternité, l'Éternel, qui a
créé les extrémités de la terre.
Il ne se fatigue point, il ne se lasse point.
On ne peut sonder son intelligence.
Il donne la force à qui est fatigué, la
vigueur à celui qui tombe en défaillance.
Les adolescents se fatiguent et se lassent,
les jeunes hommes chancellent ;
mais ceux qui se confient en l'Éternel
renouvellent leur force.
Ils prennent le vol comme les aigles ;
ils courent, et ne se lassent point,
ils marchent, et ne se fatiguent point.
40. 28-31
Quand les montagnes
s'éloigneraient, quand les collines
chancelleraient,
mon amour ne s'éloignera point de toi, et mon
alliance de paix ne sera pas ébranlée,
dit l'Éternel, qui a compassion de toi.
54. 10
Vous tous qui avez soif,
venez aux eaux, même celui qui n'a pas
d'argent !
Venez, achetez et mangez, venez, achetez du
vin et du lait, sans argent, sans rien
payer !
Pourquoi comptez-vous de l'argent pour ce qui
ne nourrit pas ?
Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne
rassasie pas ?
Écoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est
bon,
votre âme se délectera de mets succulents.
55. 1
Mes pensées ne sont pas vos
pensées,
et vos voies ne sont pas mes voies, dit
l'Éternel.
Autant les cieux sont élevés au-dessus de la
terre,
autant mes voies sont élevées au-dessus de vos
voies, et mes pensées au-dessus de vos
pensées. 55. 8
L'espérance est à
venir, c'est le retour en terre promise :
Qu'ils sont beaux sur les
montagnes, les pieds de celui qui apporte de
bonnes nouvelles,
qui publie la paix ! de celui qui apporte
de bonnes nouvelles, qui publie le
salut !
De celui qui dit à Sion : Ton Dieu
règne !
La voix de tes sentinelles retentit. Elles
élèvent la voix, elles poussent ensemble des
cris d'allégresse.
Car de leurs propres yeux elles voient que
l'Éternel ramène Sion.
Éclatez ensemble en cris de joie, ruines de
Jérusalem !
Car l'Éternel console son peuple, il rachète
Jérusalem.
L'Éternel découvre le bras de sa sainteté aux
yeux de toutes les nations.
Toutes les extrémités de la terre verront le
salut de notre Dieu. 52. 7
Chants du serviteur
Quatre poèmes mentionnent un
mystérieux serviteur de Dieu :
Esaïe 42. 1 ; 49. 1 ;
50. 4 ; 52. 13.
On ne sait trop à qui ils peuvent faire
allusion : au prophète lui-même ou à un
autre fidèle, à un petit groupe particulièrement
militant ou même au peuple tout entier.
Sans doute dans la suite des siècles bien
d'autres serviteurs de l'Éternel se sont levés
et ont oeuvré à son dessein d'amour et de salut
à travers leur propre souffrance ; mais
c'est certainement Jésus-Christ qui a le mieux
accompli et réalisé le plus complètement ces
visions, sans, bien entendu qu'Esaïe ait parlé
pour d'autres que, d'abord, pour ses
contemporains.
Voici mon serviteur, que je
soutiendrai,
mon élu, en qui mon âme prend plaisir.
J'ai mis mon Esprit sur lui. Il annoncera la
justice aux nations.
Il ne criera point, il n'élèvera point la
voix,
et ne la fera point entendre dans les rues.
Il ne brisera point le roseau cassé, et il
n'éteindra point la mèche qui brûle encore.
Il annoncera la justice selon la vérité.
Il ne se découragera point et ne se relâchera
point, jusqu'à ce qu'il ait établi la justice
sur la terre,
et que les îles espèrent en sa loi.
Ainsi parle Dieu, l'Éternel, qui a créé les
cieux et qui les a déployés,
qui a étendu la terre et ses productions, qui
a donné la respiration à ceux qui la peuplent,
et le souffle à ceux qui y marchent.
Moi, l'Éternel, je t'ai appelé pour le salut,
et je te prendrai par la main,
je te garderai, et je t'établirai pour traiter
alliance avec le peuple, pour être la lumière
des nations,
pour ouvrir les yeux des aveugles, pour faire
sortir de prison le captif,
et de leur cachot ceux qui habitent dans les
ténèbres. 42. 1
Il s'est élevé devant lui comme une faible
plante,
comme un rejeton qui sort d'une terre
desséchée.
Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer
nos regards, son aspect n'avait rien pour nous
plaire.
Méprisé et abandonné des hommes, homme de
douleur, habitué à la souffrance,
semblable à celui dont on détourne le visage,
nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de
lui aucun cas.
Cependant, ce sont nos souffrances qu'il a
portées, c'est de nos douleurs qu'il s'est
chargé.
Et nous l'avons considéré comme puni, frappé
de Dieu, et humilié.
Mais il était blessé pour nos péchés, brisé
pour nos iniquités.
Le châtiment qui nous donne la paix est tombé
sur lui,
c'est par ses meurtrissures que nous sommes
guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis,
chacun suivait sa propre voie.
Et l'Éternel a fait retomber sur lui
l'iniquité de nous tous.
Il a été maltraité et opprimé, et il n'a point
ouvert la bouche,
semblable à un agneau qu'on mène à la
boucherie,
à une brebis muette devant ceux qui la
tondent, il n'a pas ouvert la bouche.
Il a été enlevé par l'angoisse et le
châtiment.
Et parmi ceux de sa génération, qui a cru
qu'il était retranché de la terre des vivants,
frappé pour les péchés de mon peuple ?
53. 2
Le Second Ésaïe est le
premier de l’Ancien Testament à mentionner explicitement le
monothéisme :
Ainsi parle l'Eternel, roi d'Israël et son
rédempteur, l'Eternel des armées :
Je suis le premier et je suis le dernier et
hors moi il n'y a point de Dieu. 44. 6
Le charpentier étend le cordeau, fait un
tracé au crayon, façonne le bois avec un
couteau,
marque ses dimensions avec le compas et
produit une figure d'homme,
une belle forme humaine, pour qu'elle habite
dans sa maison.
Il se coupe des cèdres, il prend des rouvres
et des chênes et fait un choix parmi les
arbres de la forêt ;
Il plante des pins et la pluie les fait
croître.
Ces arbres servent à l'homme pour brûler, il
en prend et il se chauffe,
il y met aussi le feu pour cuire du pain ;
et il en fait également un Dieu, qu'il adore
il en fait une idole, devant laquelle il se
prosterne.
Il brûle au feu la moitié de son bois, avec
cette moitié il cuit de la viande, il apprête
un rôti, et se rassasie ;
Il se chauffe aussi, et dit : Ha ! Ha ! Je me
chauffe, je vois la flamme !
Et avec le reste il fait un Dieu, son idole,
Il se prosterne devant elle, il l'adore,
il l'invoque et s'écrie : Sauve-moi car tu es
mon Dieu !
Ils n'ont ni intelligence, ni entendement, 17.
13
Il attribue à Cyrus, le roi de
Perse libérateur d’Israël, le titre de Christ,
de Messie.
Je dis de Cyrus : Il est mon
berger, il accomplira toute ma volonté,
il dira de Jérusalem : Qu'elle soit rebâtie !
Et du temple : Qu'il soit fondé !
Ainsi parle l'Eternel à son messie, Cyrus
qu'il tient par la main… 44.28-45.1
Date
et lieu du second Ésaïe
Jusqu'à une date assez
récente, on considérait les
ch. 40-55 dans leur presque totalité comme
un décalque de la prédication d'un prophète
anonyme qui aurait exercé son activité à
Babylone entre 550 et 539.
Selon l'opinion commune, le
« Deuxième Ésaïe » a cherché
à convaincre les déportés de l'imminence du
salut, c'est-à-dire de leur retour prochain à
Jérusalem. Au ser-vice de ce message, ce
prophète met en oeuvre les thèmes de la
création, du nouvel Exode et de l'élection
d'Israël.
Le salut d'Israël doit manifester au monde que
la Gloire toute-puissante n'appartient pas aux
idoles païennes, mais à Yhwh seul. En
conséquence, le Deutéro-Ésaïe souligne aussi
l'unicité de Yhwh comme seul Dieu véritable
(43,10 ; 48,6-8).
Enfin le prophète veut répondre à une
objection : n'est-ce pas Cyrus, un païen,
qui s'avance vers Babylone ? Dans une série
de discours (41,1-5.21-29 ; 42,5-9 ;
44,24-28 ; 45,1-13 ; 46,9-11 ;
48,12-15), il s'adresse donc aux juifs pour les
convaincre que Cyrus est bien l'instrument dont
Yhwh se sert pour sauver Israël : Yhwh
l'appelle « mon
berger » (44,28) et le tient pour
son « oint »
(45,1).
Depuis quelques années, cette présentation
classique fait l'objet de plusieurs
contestations. Pour A.S. Kapelrud,
H.M. Barstad et d'autres, le « dogme » de
la prédication du Deutéro-Ésaie à Babylone s'est
imposé à cause de l'idée selon laquelle tout le
peuple judéen a été déporté en 587.
En fait, il est certain qu'une population
importante est restée dans le pays. Lu sans a
priori, Es 40-55 doit plutôt être situé à
Jérusalem.
D'autre part, il faut se demander si le
prophète prêche avant ou après l'entrée de Cyrus
à Babylone. En faveur de l'opinion classique, on
allègue un argument en apparence décisif :
le Deutéro-Ésaïe annonce la prise violente de
Babylone, alors qu'en réalité la ville s'est
ralliée spontanément à Cyrus et n'a subi aucun
dommage ; c'est donc que le prophète prêche
avant l'événement. L'argument vaut si le
Deutéro-Ésaïe se trouve à Babylone, mais non
s'il exerce son ministère à Jérusalem.
En outre, les « chants
de Cyrus » insistent d'une manière
polémique sur la légitimité du roi perse :
cette insistance s'explique au mieux si l'auteur
s'adresse à des Israélites qui refusent de se
rallier au nouveau régime. Il est donc possible
de formuler une nouvelle hypothèse : le
Deuxième Ésaïe prêcherait plutôt à Jérusalem
après la prise de Babylone par Cyrus (538) mais
avant la mort de ce dernier (530).
Thomas
Römer
Introduction à l'Ancien Testament
Labor et Fides, 2004
Suite
du 6e siècle
Retour
Retour
vers
"Spiritualité"
Vos commentaires et réactions
haut de
la page