Le statut des credo
et des confessions de foi
aujourd'hui
The Status of Creeds and Confessions Today
Lloyd Geering
théologien néo-zélandais
membre de Sea of Faith
et du Jesus Seminar
29 novembre 2011
Les credo et les confessions de foi des Églises ont joué un grand rôle dans le passé pour aider à définir la tradition chrétienne dans son évolution. On les avait rédigés à une époque où l’on croyait pouvoir exprimer la vérité par des formules immuables et que les vérités possédées par les chrétiens étaient absolues puisqu’elles avaient été reçues par révélation divine.
Depuis deux siècles, en fait depuis le temps de Schleiermacher, les théologiens ont abandonné le concept de la révélation divine. Ce changement a radicalement modifié, si non rendu obsolète le rôle autrefois joué par les confessions de foi et les credo. Les déclarations de foi actuelles peuvent être utiles pour promouvoir la compréhension mutuelle et clarifier les questions mais elles doivent toujours être considérées comme provisoires et limitées dans leur champ d’action et leur rôle. Elles ne doivent jamais être prises comme modèles définitifs.
Une autre raison pour laquelle les credo et les confessions de foi ont changé si radicalement est que les théologiens ont appris, depuis deux siècles, à faire une claire distinction entre foi et croyances. Lorsque Jésus disait : « ta foi t’a sauvé » il ne faisait pas allusion à des croyances auxquelles cette personne aurait adhéré mais à son attitude de confiance.
Nos croyances évoluent et s’approfondissent tout au long de notre vie de même qu'elles ont évolué depuis le 1er ou le 16e siècles. C’est pourquoi la confession de Westminster (Texte d’inspiration calviniste rédigé en 1646 par l’Assemblée dite de Westminster et adoptée par l’Église anglicane) est tellement datée et démodée. Elle a représenté un embarras pour l’Église depuis la fin du 19e siècle (oserait-on dire aujourd'hui que les autres églises sont des « synagogues de Satan » et que le pape est l'« antichrist, homme de péché et fils de perdition» ?)
Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que les prêtres ont récupéré leur liberté de conscience avec le Declaratory Act. Lorsque je fus personnellement accusé d’erreur doctrinale en 1967, mes adversaires n’ont jamais fait appel à la confession de Westminster. Si cela avait été le cas ils auraient provoqué un énorme éclat de rire pour avoir sorti de la poussière un texte datant de 1648 !
C’est pourquoi la tentative actuelle à laquelle se livre l’Église de revoir ses textes est à la fois recommandable et commencée trop tard. La proposition d’une nouvelle confession de foi (la Kupu Whakapono) destinée à remplacer ou à s’ajouter à la confession de Westminster me paraît insatisfaisante. A part les quelques références à la Nouvelle Zélande actuelle, ce texte aurait pu être écrit n’importe quand entre 1600 et 1800. Elle n’exprime pas la foi en termes du 21e siècle (qui parmi nous attend encore le Retour du Christ et l’arrivée de nouveaux ciels et d’une nouvelle terre dans le contexte spatio-temporel qui est le nôtre aujourd'hui ?). Ce nouveau texte ignore totalement les développement de la pensée théologique des deux derniers siècles.
Ce texte est biblique et c’est une partie de son problème : il ignore complètement le changement radical de notre compréhension de la Bible qu'on apporté nos biblistes depuis deux siècles. On ne peut plus penser aujourd’hui que la Bible est la « Parole éternelle de Dieu sous forme écrite » et qu’elle est donc absolue et infaillible dans chacune de ses déclarations. Elle conserve certes sa haute valeur pour tout ce qu’elle représente : un ensemble irremplaçable de documents nous permettant de comprendre les actions et les croyances de nos ancêtres spirituels. Mais elle ne peut plus être conçue comme la norme absolue de la foi qui doit être la nôtre au 21e siècle. La considérer ainsi serait en faire une idole.
La Bible est un ensemble d’anciens documents écrits par des hommes faillibles dans un contexte culturel très différent du nôtre. Ils doivent être interprétés si l’on veut qu’ils aient un sens pour notre temps et c’est précisément ce que nos théologiens et nos biblistes s’efforcent de faire. Mais la confession de foi de Kupu Whakapono ne reflète en rien le résultat de leur travail.
Ce dont on ne s’est pas assez rendu compte est que les credo et confessions de foi du passé qui entendaient unir les fidèles dans une même foi, étaient en réalité des occasions de division. A la longue elles sont devenues sectaires, opposant les croyants les uns aux autres. Le credo de Nicée a coupé les nestoriens et les Coptes de l’Église catholique universelle. L’addition du filioque au credo de Nicée a rendu permanente la séparation grandissante entre l’Église latine occidentale, devenue l’Église catholique et l’Église grecque orientale, devenue l’Église orthodoxe (note de GC : en 1054 l’addition du « filioque » - le Saint Esprit émanant du Père et du Fils - mettait la présence du Saint-Esprit en rapport obligatoire avec la personne de Jésus-Christ et notamment de ses sacrements donnés uniquement par les prêtres en relation avec la hiérarchie et le pape. L’Église institutionnelle resserrait ainsi son emprise sur la liberté spirituelle des croyants).
La confession de Westminster est devenue elle aussi sectaire alors que son but primitif était au contraire d’unir les Églises d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles.
L’adoption de la confession de foi de Kupu Whakapono me semble donc un pas en arrière. Elle est sectaire, anti-œcuménique et s’oppose complètement à l’esprit d’avancée qui était, durand les trois premiers quarts du 20e siècle, celui de l’Église réformée de Nouvelle Zélande
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Kupu Whakapono
Voici la confession de foi Kupu Whakapono (rédigée en octobre 2010) dont parle Lloyd Geering
et qu’il trouve – à juste titre – inadaptée au monde d'aujourd'hui
Depuis le pays d’Aotearoa (nom traditionnel de la Nouvelle Zélande), nous confessons notre foi au Dieu unique, véritable et vivant qui est Père, Fils et Saint Esprit, amour dépassant tout amour.
Nous croyons en Dieu le Père, souverain et saint, créateur et nourricier de tout, Père de Jésus-Christ, origine du Saint-Esprit et juge de toute la terre.
Nous croyons en Jésus-Christ notre Seigneur et notre Sauveur, véritablement humain et véritablement divin, qui a habité parmi nous plein de grâce et de vérité. Pour notre salut il a été crucifié et par la puissance de Dieu ressuscité des morts. Il nous pardonne, nous libère et fait surgir la nouvelle création de Dieu. Monté au ciel, il nous appelle à la repentance et à la foi et nous réconcilie avec Dieu et les uns avec les autres.
Nous croyons en Dieu le Saint Esprit qui donne la vie, œuvre dans toute la création, a inspiré les Écritures, fait connaître le Christ, transforme nos cœurs et nos esprits, nous rassemble dans la communauté du Christ et fait que l’Église adore et accomplisse sa mission.
Nous appartenons au Dieu trois fois saint, femmes et hommes, jeunes et vieux, de toutes les nations, he iwi kotahi tatou en Christ (langue Maori : un peuple uni), témoins en paroles et en actes de l’amour de Dieu, ouvriers de réconciliation et gérants de la création. Peuple de Dieu, nous attendons dans l’espérance et la joie le retour du Christ, la venue d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre d’où le mal et la mort auront disparu, où la justice et la paix fleuriront et où nous vivrons pour toujours dans le bonheur de la gloire de Dieu.
Traduction Gilles
Castelnau
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