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Le naufrage de Paul
Actes 27
Quel rôle Dieu a-t-il joué dans cet événement ?
pasteur Jean Besset
15 juin 2009
C’est parce que ce texte présente une difficulté d’interprétation qu’il est intéressant. Actes 27 nous relate un des naufrages célèbres de Paul. Selon 2 Corinthiens 11/25 il en aurait fait trois autres, ce qui lui donne une certaine compétence sur laquelle s’appuie l’auteur de ce chapitre. La plupart des exégètes autorisés font confiance à ce texte et ne mettent pas en doute le bien fondé de l’attitude de Paul. On peut cependant se poser la question de savoir si la vérité n’est pas différente. Dans ces quelques lignes nous allons tenter de faire une autre approche.
Paul a-t-il sauvé les passagers du bateau ainsi que l’équipage par sa clairvoyance, comme le dit le Livre des Actes au chapitre 27 ou au contraire précipite-t-il la perte du navire par son interventionnisme inopportun en poussant les soldats à couper les cordes qui retiennent la chaloupe à bord du navire ? La réponse que nous apporterons à cette à cette question aura des conséquences importantes sur la nature de ce texte. Pour trancher entre ces deux thèses il faudra vérifier, entre autres, si aux versets 32 et33 la perception de Paul est la bonne. Il faudra savoir si les marins sont en train de s’échapper du bateau avec la chaloupe ou s’ils se préparent à opérer une manœuvre particulière pour déplacer les ancres et permettre au bateau d’être en situation favorable pour accoster.
Il est clair que depuis le départ de Myra en Lycie les marins faisaient preuve de compétence. Les spécialistes l’attestent (1). La prudence des marins imposait au navire d’avancer lentement étant donné que la saison était avancée. Le jeûne était dépassé (il s’agissait du Kippur) et la tradition maritime voulait que l’on arrête de naviguer quelques jours après, à la fête des Tentes. Le pilote maintenait son navire loin des côtes pour que l’embarcation ne soit pas poussée vers les rochers par gros temps. Le centurion, responsable des prisonniers manifesta sa confiance au pilote et au capitaine, plutôt qu’à Paul (v.11).Ce qui est un élément en faveur de l’équipage. En fait le centurion était seulement responsable des prisonniers et n’avait pas à intervenir sur la marche du bateau. Au moment où les circonstances l’exigèrent les marins hissèrent la chaloupe à bord et ceinturèrent le navire avec des cordages comme il est logique de le faire en pareilles circonstances (v. 17). La chaloupe était précieuse car c’est elle qui permettait de manœuvrer les ancres pour accoster.
Les témoins de l’antiquité racontent aussi qu’il était normal, en cas de gros temps de jeter à la mer tous les objets qui étaient sur le pont et qui auraient pu nuire, par leur déplacement à l’équilibre du bateau et à la sécurité des passagers qui étaient au nombre de 276. (v.19) Là aussi l’équipage fit ce qu’il était normal de faire. Les marins, qui ont l’habitude de la mer, perçurent en pleine nuit la proximité d’une terre (v.27), c’est dire qu’ils étaient aguerris aux techniques de la navigation et qu’ils savaient percevoir à l’odeur ou au sens de la houle que la terre était proche.
Pourquoi, alors que l’équipage, le pilote et le capitaine sont perçus comme des gens compétents se produisit-il un retournement de situation sous l’impulsion de Paul qui prit autorité sur le centurions qui poussa ses soldats à couper les cordes de la chaloupe sans prendre l’avis de personne ?
Comment, cet équipage apparemment bien commandé n’était-il pas capable de voir que quelques individus étaient en train de s’emparer de la chaloupe, qui est habituellement bien gardée, pour abandonner le navire ? Si c’était le cas, le capitaine n’était-il pas capable de percevoir plus vite que Paul, qui n’est pas marin, une situation qui échappait à tout le monde ?
En fait, depuis le début de la nuit, la situation avait changé. Pour que l’on pressente en pleine nuit la présence d’une terre il fallait que la tempête se soit calmée et que le ciel laisse apparaître quelques étoiles pour que l’on puisse mettre la chaloupe à la mer et jeter la sonde. La situation était à l’optimisme et l’espoir renaissait.
Le jour n’allait pas tarder à poindre et il est logique de penser qu’on pouvait commencer à préparer la manœuvre qui consistait à déplacer les ancres à l’aide de la chaloupe pour orienter le navire afin qu’il soit dans la bonne position pour aborder. Une telle manœuvre délicate prend du temps, car les ancres sont lourdes, elles peuvent en effet peser une tonne, voire plus. Il était normal que l’on commence la manœuvre dès que possible. En se privant de la chaloupe, le naufrage était assuré.
Se pose alors la question de savoir qui est le personnage qui raconte. Il n’est jamais mentionné, pourtant ses connaissances en matière de navigation sont certaines. Ce texte fourmille de détails techniques pertinents et de termes propres à la navigation inconnus à la littérature du Nouveau Testament. Mais raconte-t-il la scène parce qu’il était présent sur le bateau ou la reconstitue-t-il sans l’avoir vécue ?
Tout plaide en faveur de la deuxième thèse car il semble que le texte soit raconté pour valoriser le personnage de Paul et lui donner raison contre tout le monde. Tout cela lui confère une haute stature qui aurait recueilli l’approbation de Dieu.
Mais que penser alors du fait que Paul appuie ses dires sur une vision de Dieu qui lui fait prophétiser le drame, alors que le drame aurait peut être été évité si on ne l’avait pas écouté ? Quelle peut bien être dans ces conditions l’autorité de la parole de Dieu, si elle est inventée pour justifier une situation ? Il ne m’appartient pas de répondre, mais de laisser au lecteur le soin de se faire une opinion personnelle.
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(1) Chantal Reynier : Paul de Tarse en Méditerranée, recherche autour de la navigation dans l’antiquité Actes 27 – 28, 16 Lectio Divina ed Cerf 2006.
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