Sept principes
pour un engagement interreligieux
Seven Principles of Interfaith Engagement
Jim Burklo
pasteur de l’Église Unie du Christ, Californie
doyen associé du Bureau de la vie religieuse
université de Californie du sud
traduction Gilles Castelnau
Voir aussi sur ce site :
John Hick : Le christianisme est-il la seule vraie religion ?
16 décembre 2016
Je propose ici quelques conseils fondamentaux montrant comment des gens de religions différentes peuvent établir de véritables relations. Je me fonde sur les 36 années de relations interreligieuses que j’ai vécues et qui culminent sur mon ministère actuel à l’Institut de la vie religieuse de l’Université de Californie du Sud.
Les religions du monde sont différentes les unes des autres
Cela devrait aller sans dire mais beaucoup de gens croient que chaque religion ne représente qu’un chemin différent montant sur la même montagne ou qu’il ne s’agit que de différentes manière d’exprimer la même chose.
On peut leur pardonner car il y a, en réalité des fils conducteurs et des thèmes qui traversent les diverses religions.
Mon collègue à Stanford, Robert Gregg,, qui était doyen de la Memorial Church a dit une fois que les différentes religions sont toutes des chemins montant sur des montagnes différentes d’où l’on admire le même paysage.
Dans le dialogue interreligieux il est plus sur et aussi beaucoup plus intéressant et productif de partir du principe que les religions des autres sont plutôt différentes de la sienne propre. Car alors, lorsqu’on découvre des ressemblances on en est heureusement surpris. Mais on a toujours intérêt à se souvenir qu’il y a souvent plus d’intérêt dans les différences que dans les ressemblances. On trouvera, par exemple, de très belles perles dans les prières rituelles hindoues, bouddhistes, chrétiennes, and musulmanes.
Les différences entre les religions sont elles-mêmes différentes
La différence entre l’hindouisme et l’islam n’est pas la même qu’entre le christianisme et le judaïsme. De plus ces religions ont des différences sensibles dans la conception qu’elles ont d’elles-mêmes.
Le judaïsme, par exemple, s’enracine dans une conception ethnique qui est étrangère au christianisme. Ne pas en tenir compte provoquerait de profondes incompréhensions dans les relations interreligieuses.
Un exemple frappant en est le titre même du site web interreligieux qui se nomme « Belief.net » (ce qui signifie : croyance.net) : ce sont les chrétiens évangéliques qui définissent la religion comme un ensemble de croyances, alors que les autres religions se définissent plus volontiers par leurs rituels et leurs pratiques que par leurs doctrines.
Les religions et les dissidences religieuses ont différentes manières de comprendre leurs différences
Mais cela n’empêche pas le dialogue interreligieux. Diana Eck, de Harvard, distingue trois types de dialogue interreligieux.
Voir de Diana Eck sur ce site :
De la diversité au pluralisme
Dieu est-il présent dans les autres religions ?
Le pluralisme. Les autres religions sont sans doute aussi bonnes pour leurs fidèles que la nôtre l’est pour nous.
L’inclusivisme. Les autres religions ont sans doute des vérités et des valeurs appréciables, mais ce qui est bien en elles n’est que le reflet du bien absolu et exemplaire de ma propre religion.
L’exclusivisme. Les autres religions sont au mieux des erreurs et au pire mauvaises. Ma religion est la seule vraie.
Certains disent que, pour avoir de bonnes relations interreligieuses, il faut être pluraliste. Pourtant j’ai constaté des relations de travail étroites et des amitiés sincères entre personnes exclusivistes. Il arrive que des conservateurs de différentes religions s’entendent mutuellement mieux qu’ils ne le font avec des fidèles libéraux, pluralistes de leur propre religion. C’est ainsi que les musulmans sunnites conservateurs du Moyen-Orient demeurant aux Etats-Unis, envoient fréquemment leurs enfants à l’Université Brigham Young de l’Utah qui est un établissement mormon.
Je suis convaincu que le pluralisme ouvre mieux que l’inclusivisme ou l’exclusivisme aux autres religions mais il est vrai que ces deux dernières approches permettent aussi des dialogues très riches.
Certains groupes religieux ont des positions différentes sur des sujets sociaux
La compréhension des différences entre religions est importante pour ceux qui veulent rechercher s’il est possible ou non de trouver un terrain d’entente sur les sujets sociaux, comme par exemple la liberté religieuse.
En Amérique aujourd’hui, les branches progressistes du christianisme, du judaïsme et de quelques autres religions ne ressentent aucune atteinte à leur liberté. Par contre, notamment dans le christianisme, certains groupes conservateurs se sentent atteints par des changements dans la vie de la société et dans les lois. Ils appellent « liberté religieuse » leur droit de s’opposer à ceux qui ne respectent pas leurs règles intérieures. Ils ne demandent pas seulement la liberté d’exercer leur religion mais aussi la liberté de s’opposer au nom de la loi aux coutumes différentes des autres.
Il y a aussi des groupes qui estiment que les dirigeants d’une entreprise qui seraient opposés au planning familial devraient avoir la liberté de priver de toute protection sociale leurs employés qui pratiqueraient la contraception. Ils pensent aussi que, puisque la loi exempte les Églises de certains impôts, celles-ci ne devraient pas avoir la liberté de prendre position lors des élections.
Le fait de comprendre clairement les raisons historiques et théologiques qui induisent de telles attitudes aide grandement au dialogue interreligieux.
Il est bon de connaître quelque chose des autres religions. Au moins d’en connaître assez pour se rendre compte qu’on n’en sait vraiment pas beaucoup
La plupart des grandes religions possèdent des trésors de rituels et de traditions. J’ai personnellement passé toute ma vie à étudier ma propre tradition qui est celle du christianisme. Et plus j’approfondis plus je prends conscience de tout ce qui me reste à découvrir. Je suppose qu’il doit en être de même dans les autres religions. En tous cas, celles que j’ai étudiées un peu profondément m’ont fait prendre conscience de mon ignorance à leur égard. Les relations interreligieuses exigent de la curiosité et de l’humilité. Il faut poser sans cesse des questions, puis poser encore des questions sur les réponses qu’on vient de recevoir.
En Amérique aujourd'hui, dialogue interreligieux et libre spiritualité
La tendance aux États-Unis est à l’hétérodoxie. Les catholiques font du yoga. Les évangéliques s’intéressent au tarot. Les juifs pratiquent depuis des décennies la méditation zen. Même des gens qui professent un forte identité religieuse s’engagent dans des pratiques d’autres religions ou d’autres cultures. Si quelqu’un vous dit qu’il est Zoroastrien et que vous savez des choses sur cette spiritualité, cela ne suffit pas pour que vous compreniez ce qu’il vit et croit réellement. L’énorme quantité de renseignements que l’on trouve sur le net amène à ne plus tellement compter sur les pasteurs et les prêtres pour les questions spirituelles et conduit à se faire sa propre idée.
Dans les dialogues interreligieux on rencontre certaines personnes qui n’ont pas d’appartenance précise en matière de religion et vivent de leur propre « spiritualité ». Elles déstabilisent les relations œcuménique s et interreligieuses traditionnelles, mais leur nombre augmente rapidement et on est obligé désormais de tenir compte de leur présence. Il faut aussi tenir compte de la présence des athées. On peut le faire en posant ce genre de questions :
- Comment votre spiritualité vous permet-elle de soutenir et d’aider les gens qui en ont besoin ?
- Comment vivez-vous votre spiritualité et quelles pratiques vous y aident-elles ?
On peut approfondir sa propre tradition religieuse en rencontrant les fidèles d’autres traditions
Une raison de pratiquer le dialogue interreligieux est d’apprendre à critiquer sa propre spiritualité, à la prendre plus au sérieux et en devenir davantage curieux.
C’est, personnellement ce que j’ai expérimenté. J’ai appris et pratiqué la méditation bouddhiste et cela m’a fait découvrir la méditation et la contemplation pratiquée dans le christianisme. J’ai ainsi découvert les ressemblances et les différences de ces deux traditions. Le risque de changer peut-être de religion est largement dépassé par le grand bénéfice qu’apporte l’approfondissement de la connaissance de sa propre tradition.
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