Sortir du mythe de Jésus-Dieu

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Pour un christianisme adulte : sortir du mythe de Jésus-Dieu
 

Voir aussi sur ce site le grand débat qui a suivi l’article de Michel Leconte : « Un christianisme pour le XXIe siècle »

Le christianisme traverse aujourd’hui une crise majeure. Ce n’est pas seulement une crise de vocations ou de pratique religieuse : c’est une crise de crédibilité. Beaucoup de femmes et d’hommes instruits, critiques, ne peuvent plus adhérer sans réserve à une doctrine figée depuis des siècles. Et ils ont raison : l’écart entre l’Évangile de Jésus et le système dogmatique qui s’est construit sur lui est devenu abyssal.

Un trou noir dans l’histoire

Entre la mort de Jésus (vers l’an 30) et les premières lettres de Paul (vers 50), c’est le silence : vingt années sans écrit, un véritable trou noir.

Que s’est-il passé pendant ce temps ?

  • Des disciples dispersés, désorientés, traumatisés.
  • Des récits transmis oralement, se transformant au fil de la mémoire et des attentes.
  • Une proclamation progressive : « Dieu a relevé Jésus », cri d’espérance, pas encore dogme.

Ce vide montre bien que la foi chrétienne n’est pas née d’un constat immédiat, mais d’un travail d’interprétation.

Paul : le génie… et l’ambiguïté

Puis surgit Paul, figure fascinante et déroutante.

  • Il n’a jamais rencontré Jésus de son vivant.
  • Sa conversion fulgurante lui inspire une lecture audacieuse : la mort de Jésus devient sacrifice universel, la croix, victoire cosmique sur le péché et la mort.

Son génie créatif est immense, mais il impose sa propre interprétation – qui n’est pas celle de Jésus, prophète du Royaume.

Ce sera la matrice du christianisme historique, au prix d’un décalage entre le message de Jésus et celui de l’Église.

Quand la théologie devient politique

Pendant trois siècles, les communautés chrétiennes vivent dans une grande diversité :

  • Jésus comme prophète, comme maître spirituel, comme messie céleste.
  • Débats vifs, textes variés, croyances mouvantes.

Puis, au IVᵉ siècle, l’Empire romain s’en mêle.

Constantin veut unifier son empire par la religion.

  • Le concile de Nicée (325) proclame que Jésus est « consubstantiel au Père ».
  • Le concile de Chalcédoine (451) précise : « vrai Dieu et vrai homme », deux natures en une personne.

Ces définitions s’appuient sur des concepts philosophiques grecs – « substance », « ousia, nature », « prosôpon, personne » – qui n’ont rien à voir avec l’univers biblique.

Elles répondent à des conflits internes et à des enjeux de pouvoir plus qu’à une fidélité à Jésus.

Une Église figée dans un autre âge

Depuis, l’Église n’a cessé de camper sur ces formulations, comme si elles étaient intouchables.

  • Toute critique est taxée d’hérésie.
  • La foi est réduite à l’adhésion à des concepts du IVᵉ siècle.
  • Le croyant est infantilisé : il doit répéter des formules qu’il ne comprend pas toujours.

Résultat : un fossé immense entre l’institution et les consciences modernes.

Beaucoup quittent l’Église non par indifférence, mais parce qu’ils refusent de croire contre leur intelligence.

Le risque du fanatisme

Quand on confond symbole et réalité, langage de foi et définition métaphysique, on tombe dans une religion infantile.

  • Jésus devient une idole à adorer plutôt qu’un frère à suivre.
  • Le dogme devient un drapeau identitaire, nourrissant l’exclusion et parfois la violence.
  • Les fanatiques, religieux ou laïcs, se rejoignent dans la même certitude absolue : « nous avons raison, les autres ont tort ».

Freud et Conrad Stein l’avaient pressenti : ces croyances figées fonctionnent comme des fantasmes collectifs, qui rassurent en niant la mort et la fragilité humaine.

Retrouver l’esprit de Jésus

Faut-il alors tout jeter ? Non.

Il est possible de retrouver l’esprit de Jésus, en le libérant de la gangue dogmatique.

Un noyau évangélique minimal demeure :

1.  La confiance radicale en un Dieu présent et aimant.

2.  La libération de la culpabilité : « Tes péchés sont pardonnés ».

3.  La primauté de l’amour sur la loi.

4.  L’inclusion des exclus, la fraternité universelle.

5.  Le courage face à la mort, la fidélité jusqu’au bout.

Dire aujourd’hui « Jésus est Dieu » n’a de sens que si l’on entend :

En lui, l’amour de Dieu s’est pleinement manifesté.

En le regardant, nous voyons ce que Dieu désire pour l’humanité.

C’est une affirmation existentielle, pas une équation métaphysique.

Une foi adulte, ou la fin du christianisme

Le christianisme survivra s’il ose cette mue. Sinon, il risque de disparaître, enfermé dans un langage qui n’est plus compris.

Le temps est venu d’une foi adulte, capable de dire Dieu sans mythes figés, d’oser la critique sans perdre la passion de l’Évangile.

La vraie fidélité à Jésus n’est pas de le diviniser, mais de continuer son combat pour la liberté, l’amour et la justice.

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