« Œil pour œil, dent pour dent. » (Lévitique 24, 20)
Cette loi antique, que la Bible hébraïque pose comme principe de justice proportionnée, a été largement dépassée par l’humanité moderne. Elle a été corrigée, en particulier par la tradition juive rabbinique elle-même, qui y voyait une métaphore pour une réparation équitable, et non un appel à la vengeance. Pourtant, depuis des mois, la politique militaire israélienne à Gaza semble ressusciter cette logique punitive — en bien pire. À l’œil qu’on lui a crevé, Israël répond par cent yeux ; à la dent arrachée, par un massacre.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : plus de 57 418 morts palestiniens à Gaza selon les autorités locales, dont une majorité de civils, des milliers d’enfants, des femmes, des vieillards. Des hôpitaux rasés, des écoles détruites, des quartiers entiers transformés en ruines. Et cela au nom de la légitime défense, après l’attaque barbare du 7 octobre 2023, qui a fait 1 200 morts en Israël, la plupart civils. La douleur des familles israéliennes est indiscutable, mais elle ne saurait justifier une guerre d’écrasement méthodique contre toute une population enfermée dans un territoire exigu, affamée, bombardée, déplacée sans refuge.
La doctrine militaire israélienne actuelle s’apparente à une guerre de représailles à visée dissuasive totale. Depuis la guerre du Liban en 2006, Israël applique la stratégie dite Dahiya : frapper fort, frapper les infrastructures civiles, frapper pour humilier. Derrière les justifications techniques (neutraliser les tunnels, détruire les bases du Hamas), il y a une logique de punition collective. Une logique interdite par le droit international humanitaire.
Israël affirme que le Hamas se cache derrière les civils, utilise les hôpitaux comme boucliers humains. Ce point, même s’il était prouvé, ne dédouane pas une armée de son obligation de distinction entre combattants et non-combattants. L’argument, souvent repris, finit par banaliser l’inacceptable : que des enfants, des familles entières, périssent chaque jour sous des bombes ultramodernes, souvent fournies par les alliés occidentaux.
Et que fait la communauté internationale ? Elle déplore, elle pleure, elle proteste… mais elle n’agit pas. Aucune sanction. Aucune pression réelle. L’Allemagne s’arc-boute sur sa culpabilité historique. La France condamne du bout des lèvres. Les États-Unis opposent leur veto à toute résolution contraignante. Gaza est devenu un cimetière à ciel ouvert, et les puissants regardent ailleurs.
Ce n’est pas faire insulte à la mémoire du peuple juif que de dénoncer la politique meurtrière d’un gouvernement israélien qui, loin de garantir sa sécurité, l’enferme dans une spirale sans fin de guerre, de haine et d’isolement. Il faut cesser de confondre critique du sionisme avec antisémitisme : c’est précisément au nom de la dignité humaine, pour tous, que l’on doit s’élever contre cette guerre-là.
Un jour viendra où la justice parlera plus fort que la vengeance, où le souvenir de l’oppression ne justifiera plus son retournement contre d’autres. Mais ce jour n’adviendra pas sans voix, sans courage, sans lucidité. Rendons-le possible, en dénonçant les massacres. En exigeant un cessez-le-feu immédiat. En appelant à la fin de l’impunité.
À Gaza, l’humanité se mesure à notre silence.
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