Pour un christianisme de gauche
On voit fleurir, dans certains discours politiques, l’affirmation selon laquelle la France — ou l’Europe — devrait défendre ses « racines chrétiennes » contre l’étranger, l’islam ou la modernité. Certains courants d’extrême droite brandissent la croix comme un étendard identitaire, tout en piétinant le cœur du message de l’Évangile.
Soyons clairs : Jésus n’a jamais prêché la haine, la peur ou le rejet. Il n’a pas défendu une identité nationale ou religieuse, il a ouvert les frontières de la fraternité universelle. Là où d’autres voient des ennemis à repousser, Jésus voit des prochains à aimer.
Tout au long des Évangiles, il accueille l’étranger et l’inattendu :
- Il dialogue avec la Samaritaine, une femme doublement exclue, par sa condition et par sa religion (Jn 4).
- Il guérit le serviteur d’un centurion romain, officier de l’armée d’occupation, et s’émerveille de sa foi (Mt 8,5-13).
- Il fait du Samaritain, cet étranger méprisé, le héros de sa parabole (Lc 10,29-37).
- Il loue la foi et la persévérance d’une Cananéenne, issue d’un peuple païen (Mt 15, 21-28).
Dans chacun de ces récits, l’étranger n’est pas un danger, mais une figure de foi et de salut. Jésus renverse les frontières religieuses, sociales et politiques, et annonce que l’amour de Dieu ne connaît pas de murs ni de barbelés.
Aujourd’hui, alors que l’Europe ferme ses ports aux migrants, que des familles dorment dans les rues de nos villes et que des politiques se vantent de « réduire l’immigration » comme s’il s’agissait d’un fléau, les paroles de Jésus résonnent avec une force particulière :
« J’étais étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35),
et non : « J’étais migrant et vous m’avez refoulé ».
Quand l’extrême droite prétend défendre « la civilisation chrétienne », elle défend en réalité l’ordre établi, les privilèges et la peur de l’autre. Jésus, lui, a été condamné par les autorités religieuses et politiques parce qu’il dérangeait.
Il a dit : « Malheur à vous, riches » (Lc 6,24), et non : « Heureux êtes-vous, gardiens des privilèges ».
Il a vécu et prêché du côté des pauvres, des exclus, des étrangers et des opprimés — non pas du côté des puissants et des gardiens des frontières.
Un christianisme de gauche, c’est revenir à cette subversion originelle.
C’est :
- se tenir résolument aux côtés des pauvres, des exilés, des réfugiés et des oubliés ;
- reconnaître dans l’étranger un visage du Christ lui-même ;
- refuser toute collusion entre foi et nationalisme ;
- rappeler que l’Évangile n’est pas un drapeau mais un appel à transformer la société pour qu’elle soit plus juste et plus fraternelle.
Aujourd’hui, le vrai danger n’est pas la perte des « valeurs chrétiennes » : c’est leur trahison par ceux qui les utilisent pour exclure et dominer.
Face aux discours qui veulent dresser les peuples les uns contre les autres, il est urgent de proclamer haut et fort : suivre le Christ, c’est être du côté de la libération, non de l’oppression.
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