Michel Leconte
J’ai assisté récemment à une messe lors des obsèques d’un ami. Cette messe catholique m’est apparue très ennuyeuse et peu crédible dans les mots de sa liturgie — cela touche à la fois à l’expérience sensible du rite et à sa pertinence spirituelle ou intellectuelle. Sur plusieurs points, ce que j’écris peut aussi concerner le culte protestant. Voici quelques raisons souvent avancées par d’autres personnes, tant par des croyants que par des observateurs critiques :
- Une liturgie figée et peu incarnée
• Répétitivité : Les mêmes textes, les mêmes gestes, les mêmes chants chaque semaine peuvent donner un sentiment de routine ou d’automatisme.
• Langage désuet : Le langage liturgique, même en français, reste parfois archaïque, déconnecté de la vie réelle. Par exemple, la notion de sacrifice renouvelé.
• Déculturation par rapport au monde contemporain : La centralisation romaine limite l’adaptation aux cultures ou aux problématiques contemporaines.
- Un contenu dogmatique difficilement crédible aujourd’hui
• Des formulations d’un autre temps : Les dogmes (résurrection corporelle, transsubstantiation, virginité de Marie, etc.) peuvent apparaître mythologiques ou invraisemblables pour un esprit moderne.
• Une foi proclamée comme savoir : Le ton affirmatif des prières et des homélies ne laisse pas de place au doute ou à la quête.
- Une homélie souvent pauvre ou moralisante
• Manque de lien avec la vie actuelle : Les sermons manquent parfois d’ancrage dans les réalités sociales, psychologiques ou existentielles contemporaines.
• Un ton moralisateur : Plutôt que de nourrir la réflexion ou d’ouvrir des pistes, certaines homélies culpabilisent ou enfoncent des évidences.
- Un affaiblissement du symbolique
• Des gestes vidés de leur sens : Pour beaucoup, les rites (encens, génuflexions, calice…) ne sont plus porteurs de sens profond.
• Crise du sacré : Dans une société sécularisée, le sacré ne parle plus spontanément, et le rite peut paraître théâtral ou artificiel.
- Une Église en perte de crédibilité
• Les scandales : Les abus sexuels et leur gestion ont entamé la confiance.
• Positionnements conservateurs : Sur la place des femmes, l’homosexualité ou la fin de vie, l’Église romaine est perçue comme déconnectée de l’évolution des consciences.
- Une absence de participation active
• Le fidèle est passif : Il écoute, se lève, s’assoit, répond mécaniquement, mais n’est guère acteur.
• Peu de place pour la parole personnelle : Contrairement à certaines traditions protestantes, la messe ne favorise pas l’échange ou le partage d’expérience.
Conclusion
Ce que certains vivent comme une « sainte liturgie » est vécu par d’autres comme un théâtre figé, opaque ou infantilisant. Pour qu’une messe soit vivante et crédible, il faudrait qu’elle parle à l’intelligence, à la sensibilité et à l’expérience concrète du monde — ce qui suppose une réinvention profonde du langage, du rituel, et de la posture de l’institution elle-même.
Ce que pourrait être un office vivant
Un office vivant aujourd’hui : esquisse d’un rite renouvelé
- Un lieu ouvert et symbolique
• Non pas une église monumentale, mais un espace circulaire ou en demi-cercle, favorisant la proximité, le regard, l’écoute mutuelle.
• Présence de symboles simples : pain, lumière, eau, silence. Un espace sobre mais évocateur.
- Une parole habitée et dialoguée
• Lecture de l’Évangile suivie non pas d’une homélie descendante, mais d’un échange libre ou d’un partage d’expérience : « Que vous dit ce texte aujourd’hui ? »
• Le célébrant devient animateur d’écoute plus que prêcheur ; il nourrit sans imposer.
- Une liturgie du réel
• Avant toute prière, un temps pour accueillir ce que chacun vit : peines, joies, luttes, interrogations. Cela donne chair à la célébration.
• On prie à partir des douleurs du monde : guerres, pauvreté, exclusions, injustices… Pas pour se consoler mais pour s’impliquer.
- Une mémoire de la vie du Christ
• Le cœur de l’office reste le repas partagé : mémoire du Christ qui donne sa vie. Mais sans langage magique : on dit simplement que ce pain est signe de sa présence parmi nous.
• Chacun peut venir à la table, sans conditions : croyant, en doute, blessé, divorcé, homo, exclu… car le Christ a toujours fait place à tous.
- Une participation active
• Chants simples et beaux, porteurs de sens. Geste de paix réel, pas mécanique.
• Des moments de silence profonds. Une liturgie qui respire, qui ne remplit pas tout de paroles.
- Une ouverture à l’esprit critique
• On peut exprimer ses doutes, ses questions : rien n’est imposé. La foi est ici un chemin, pas un savoir prêt-à-porter.
• L’autorité ne vient pas de la fonction mais de l’écoute, du respect, de la profondeur humaine.
- Une conclusion tournée vers l’action
• On sort non pas « absous », mais renforcé dans sa responsabilité humaine.
• On emporte une parole, une question, une mission : aller vers l’autre, vivre plus juste, aimer vraiment.
Conclusion
Un office vivant aujourd’hui ne serait pas un rite sacralisé et figé, mais un espace de vérité, de parole, de solidarité, de souffle. Il parlerait aux blessés de la vie, aux chercheurs de sens, aux agnostiques en espérance. Il ne ferait pas fuir l’intelligence, mais la convoquerait.
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