Les responsables d’Églises et la divinité de Jésus

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Pourquoi la divinité de Jésus est-elle toujours affirmée par les responsables d’Églises 

Pourquoi les responsables d’Églises restent-ils si attachés aux formulations métaphysiques du 4siècle sur la divinité de Jésus ?

Parce qu’ils ne savent pas comment en sortir.

Les responsables d’Églises héritent d’un édifice dogmatique construit au IVᵉ siècle — Nicée (325), Constantinople (381) — où l’on a fixé des catégories philosophiques grecques (ousia, hypostasis, homoousios) pour dire le mystère de Jésus. Ce cadre n’est pas biblique : ni Jésus, ni Paul, ni Jean ne parlent en termes d’essence divine ou de « consubstantialité ». Mais ce cadre est devenu le socle d’identité de toutes les institutions chrétiennes, leur ADN.

Les responsables ecclésiaux savent pertinemment que l’exégèse moderne a déconstruit l’idée que Jésus se soit défini comme Dieu. Ils savent que les formulations conciliaires sont des tentatives datées, un bricolage philosophique crée dans un contexte de controverses internes et d’alliance politico-religieuse avec l’Empire.

Mais ils ne veulent pas toucher à ce noyau, parce que toucher au IVᵉ siècle, c’est tirer tout le fil : hiérarchie, sacrements, pouvoir thaumaturgique du prêtre, sacralité de l’Église.

Bref : ils gardent le dogme parce que c’est la clef de voûte de l’édifice. S’ils la retirent, tout s’écroule — du moins, ils le croient.

Par ailleurs, un dogme n’est jamais seulement une idée : c’est un objet d’investissement affectif.

Les responsables ecclésiaux sont les garants d’un imaginaire où Jésus n’est pas seulement un homme inspiré, mais un être surhumain, protecteur, parfait, garant de sens et de salut. Cet imaginaire répond à des besoins psychiques archaïques — le besoin d’un Père idéal, d’un Sauveur qui « prend tout en charge ».

Renoncer aux formulations métaphysiques du IVᵉ siècle, ce serait :

– perdre la figure idéalisée du Père tout-puissant ;

– reconnaître la finitude humaine de Jésus ;

– admettre que la foi ne repose pas sur un miracle ontologique, mais sur une vie humaine à imiter, ce qui est infiniment plus exigeant.

Pour les institutions, ces dogmes jouent aussi une fonction de sur-moi collectif : ils assurent la cohésion, définissent les frontières, légitiment le sacré, les rites, le clergé.

Retirer ces catégories, c’est déconstruire l’ensemble.

Autrement dit : les dogmes du IVᵉ siècle fonctionnent comme des fétiches stabilisateurs. On ne les touche pas, sous peine de provoquer une angoisse de castration institutionnelle.

Mais ce sont des enfants, parce qu’ils ont peur du vide.

Les responsables d’Églises savent que les dogmes du IVᵉ siècle sont des constructions philosophiques qui ne parlent plus à personne, mais ils continuent à y tenir comme à une relique radioactive.

Pourquoi ? Parce que si on admet que Jésus n’est pas un « Dieu fait chair » mais un homme libre, critique, rebelle, alors tout le système qui s’est construit sur sa divinisation — clergé, sacré, pouvoir — devient un château de cartes.

Alors ils répètent obstinément Nicée comme on récite une formule magique.

C’est simple : sans la divinité métaphysique de Jésus, l’Église doit redevenir une communauté fraternelle au lieu d’être une institution sacrale.

Et ça, manifestement, c’est trop demander.

En outre, beaucoup de chrétiens tiennent à ce que Jésus soit Dieu parce qu’ils ne tiennent pas au Dieu véritable : ils tiennent avant tout à un Père tout-puissant qui les rassure contre l’angoisse du monde et la certitude de mourir. Jésus-Dieu, c’est le Père en version accessible, portable, émotionnellement réconfortante. Ni théologie, ni histoire : pure défense psychique.

Faire de Jésus un homme, c’est lui rendre son pouvoir libérateur. Faire de Dieu un horizon, c’est libérer la foi de la magie.

La théologie libérale ne perd rien : elle gagne l’essentiel — une foi adulte, ouverte, confiante, fidèle à l’esprit de l’Évangile.

Jésus n’est pas Dieu. J’aime la formule du philosophe Stanislas Breton : « Jésus est l’un d’entre nous avec une intensité d’exception ». C’est pourquoi, je peux voir en lui le visage humain de Dieu.

Il est plus proche encore : un frère qui révèle en nous la part de Lumière que nous pensions perdue. Dieu n’est pas un être à croire, mais un horizon à accueillir. Et la foi n’est pas la soumission à un dogme, mais l’art de respirer dans la profondeur du réel et de notre humanité.

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