Je suis rabbin. Affamer Gaza est immoral.
Une guerre juste doit être menée par des moyens justes.
Le 12 mai le Washington Post, un quotidien américain, a publié l’appel du rabbin Rick Jacobs, président de l’Union pour le judaïsme réformé, la plus grande confession juive d’Amérique du Nord. Ce rabbin écrit :
« L’une des terribles leçons du 7 octobre 2023 est qu’il est devenu parfaitement clair que le Hamas est prêt à sacrifier le peuple palestinien dans sa guerre visant à détruire Israël et le peuple juif. Israël ne doit pas aider le Hamas en sacrifiant sa propre morale. Le Hamas continue d’être le principal responsable des souffrances de son propre peuple, notamment en utilisant les Gazaouis comme boucliers humains […] Néanmoins, les actions du Hamas n’excusent pas la politique israélienne de coupure de l’aide humanitaire aux civils innocents de Gaza. Une guerre juste, comme celle menée par Israël pour empêcher le Hamas de l’attaquer à nouveau et restreindre son autorité à Gaza, doit être menée avec des moyens justes, conformes au droit international humanitaire et aux valeurs des règles juives de la guerre. Même à l’époque biblique, l’exhortation à ne pas utiliser les horreurs de la famine comme arme de guerre était claire.
Le Deutéronome (20:19) nous enseigne : « Lorsque vous assiégerez une ville pendant longtemps avant de pouvoir vous en emparer, vous ne couperez pas les arbres fruitiers. Vous pourrez en manger les fruits. Mais vous ne couperez pas les arbres. Un arbre dans la campagne n’est pas un homme contre lequel on part en guerre ! »
Or, écrit le rabbin américain, « depuis deux mois, Israël interdit l’entrée de nourriture et de fournitures à Gaza. Il s’agit du blocus total le plus long jamais imposé […] Affamer les civils gazaouis n’apportera pas à Israël la « victoire totale » qu’il recherche sur le Hamas, et ne peut être justifié par les valeurs juives ou le droit humanitaire. Cette politique [de victoire totale] permettra-t-elle de rapatrier les 59 otages restants, dont les 24 encore en vie ? C’est peu probable, et contraire aux souhaits de près de 70 % des Israéliens qui, lors d’un récent sondage, ont privilégié le retour des otages à cette insaisissable « victoire totale ». Tout aussi inquiétant, les politiciens israéliens d’extrême droite considèrent le blocus de l’aide humanitaire comme faisant partie d’un plan plus vaste visant à expulser définitivement la plupart des Gazaouis du nord de la bande de Gaza et à les remplacer par des colonies juives. En tant que fier sioniste et profondément solidaire du peuple israélien, y compris de ceux qui portent l’uniforme des Forces de défense israéliennes […] je ne peux me taire face aux immenses souffrances des civils à Gaza, dont des centaines de milliers d’enfants. […] Priver les Gazaouis de nourriture et d’eau ne renforcera pas la sécurité d’Israël ni n’accélérera le retour des otages. Chacun de nous qui aime Israël doit le lui dire et l’exhorter à changer de politique.
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Sud-Africains

Afrikaners arrivées aux USA
La presse a largement publié la photo d’une cinquantaine de Sud-Africains, petits drapeaux américains à la main, tout juste débarqués d’un avion à l’aéroport de Washington. Et comme le relève la presse, ils ont été accueillis en grandes pompes par deux personnalités, le numéro 2 du Département d’État, et son homologue du ministère de la Sécurité intérieure qui s’étaient spécialement déplacés. On a aussi appris que le président Donald Trump avait signé un décret spécial pour leur permettre d’émigrer aux Etats-Unis parce qu’il a estimé que ces Sud-Africains plus précisément des Afrikaners étaient victimes de discrimination, voire d’un « génocide », c’est le mot employé par Trump et qui lui a été probablement soufflé par son « fameux conseiller », Elon Musk, lui-même sud-africain et… blanc. Comme les soi-disant « réfugiés » afrikaners, bien sûr tous blancs et seuls autorisés à fouler le sol américain depuis l’élection de Trump. Raison de ce traitement de faveur : « Une fake news », relève le HuffPost, un site d’information sur le web. Mais une fake news époustouflante, où l’on est passé d’un régime d’apartheid discriminant les populations noires d’Afrique du Sud à l’intox d’un« génocide » [c’est le mot employé par Trump] « Un génocide en cours contre les fermiers blancs afrikaners qui seraient assassinés par des Noirs en raison de leur couleur de peau et pour leur prendre leurs terres. » Ce qu’un chargé de recherche de l’Université de Johannesbourg, Oscar van Heerdan, réfute fermement : « Les États-Unis et l’administration Trump essaient de noircir le nom de l’Afrique du Sud et du gouvernement sud-africain. Ainsi, l’un des missi dominici de Trump les accueillant à la descente d’avion a expliqué que ces Afrikaners sont ‘la cible d’une persécution flagrante en Afrique du Sud à cause de leur race’ ».
Il a même comparé leur venue à celle de son père, un juif autrichien ayant fui l’Europe et le nazisme dans les années 1930 pour rejoindre l’Amérique ! Et l’on a appris à cette occasion que Trump leur proposait la nationalité américaine « pour leur permettre d’échapper à la violence ».
« Traditionnellement, dit encore cet universitaire, au cours des 30 dernières années, nous avons accueilli en Afrique du Sud des réfugiés de toute l’Afrique australe. Des gens qui fuient les persécutions, les conflits, la guerre, que ce soit en RDC, au Soudan ou ailleurs. Et maintenant, à cause de ce coup monté par l’administration Trump, on essaye de dire au monde que nous sommes devenus nous-mêmes un pays où certains sont persécutés et vont se réfugier ailleurs. »
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Qui sont ces Afrikaners ? Ils constituent l’une des deux populations blanches d’Afrique du Sud, avec les anciens colons britanniques. Leur histoire remonte au 17e siècle. « Ils sont d’origine néerlandaise »,explique Gilles Teulié, professeur à l’Université Aix-Marseille. « À l’époque, la compagnie néerlandaise des Indes orientales faisait l’aller-retour entre Amsterdam et les colonies du côté de l’Indonésie. Les vaisseaux devaient passer par l’Afrique du Sud actuelle puisqu’il n’y avait pas de canal de Suez. En 1650, un bateau a eu une avarie et l’équipage a dû mouiller dans la baie du Cap. Et ils ont constaté que c’était un endroit où il était possible de s’installer. »
Deux ans plus tard, une centaine de pionniers néerlandais, des protestants calvinistes, débarquent près de la péninsule du cap de Bonne-Espérance et établissent un relais pour les navires en route vers les Indes orientales. Petit à petit, une colonie se crée. En 1688, plus de 200 huguenots chassés de France par la révocation de l’édit de Nantes les rejoignent d’où tant de noms français – parfois déformés – dans cette communauté afrikaner. Petit à petit, une colonie se crée. En 1688, plus de 200 huguenots chassés de France par la révocation de l’édit de Nantes rejoignent ces colons néerlandais.
Et dans cette communauté d’Afrikaners, la langue officielle est l’afrikaans, un néerlandais créolisé, pour se distinguer des anglophones, les grands ennemis. En 1806, les Britanniques, deviennent la nouvelle puissance coloniale. Les tensions naissent entre les deux communautés et entraînent les guerres des Boers à la fin du 19e siècle et au début du 20e. En 1806, les Néerlandais cèdent définitivement la place aux Britanniques, qui deviennent la nouvelle puissance coloniale. C’est de cette frange de la population que sont issus les dirigeants politiques qui ont institué l’apartheid, système de ségrégation raciale ayant privé la population noire – très majoritaire – de la plupart de ses droits, de 1948 jusqu’au début des années 1990. Et c’est finalement un Afrikaner, le président sud-africain Frederick de Klerk qui y mettra fin. Quant à la restitution des terres accaparées par les Blancs, elle n’a pas atteint les résultats escomptés. Alors qu’on devrait être aujourd’hui à 50 % de terres restituées, on n’en est qu’à 30 %. Et l’Afrique du Sud reste le pays le plus inégalitaire au monde selon un rapport de la Banque mondiale de 2022. Pour tenter d’infléchir ces chiffres, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a signé en janvier une loi autorisant la saisie de terres, parfois sans compensation, pour « promouvoir l’accès aux ressources naturelles ». Et voilà pourquoi Donald Trump s’est institué protecteur des suprémacistes blancs, cette minorité blanche qui représente 7 % de la population mais qui en 2017 possédait encore 72 % des terres agricoles. En réaction à l’accueil des 49 Afrikaners aux États-Unis, le chef de la diplomatie sud-africaine Ronald Lamola a ainsi balayé toute forme de persécution à l’encontre des membres de cette communauté. « Les rapports de police ne confirment pas l’allégation de persécution des Sud-Africains blancs sur la base de leur race », a-t-il insisté lors d’une conférence de presse. « La criminalité que nous connaissons en Afrique du Sud touche tout le monde. » Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est lui aussi inscrit en faux contre l’arrivée de ses compatriotes à Washington. « Un réfugié est quelqu’un qui doit quitter son pays par peur de persécution politique, religieuse ou économique. Ils ne correspondent pas à cette définition, a-t-il déclaré.C’est un groupe marginal qui est contre la transformation et le changement. Et qui préférerait voir l’Afrique du Sud revenir à des politiques d’apartheid », a-t-il accusé. Le système d’apartheid, de pur racisme, a aussi valu en 1982 l’excommunication hors de l’Alliance réformée mondiale, de l’Église réformée hollandaise (la Nederduitse Gereformeerde Kerk), à cause de son soutien à l’idéologie de l’apartheid. Elle ne sera réadmise qu’en 1999, après avoir dénoncé l’apartheid comme un système « injuste et honteux. »
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