les dangers d’une rupture anthropologique
Et remarques du pasteur Gilles Castelnau
voir aussi aide à mourir
La Conférence des responsables de culte en France (CRCF) – catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman et bouddhiste – alerte solennellement sur les graves dérives qu’implique la proposition de loi introduisant dans la législation française un « droit à l’aide à mourir ». Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort – par suicide assisté ou euthanasie – en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale.
Gilles Castelnau. Ces responsables religieux se drapent dans un langage solennel qui conviendrait plutôt à des représentants officiels du Dieu très-haut qui seraient bénéficiaires directs de sa volonté et de ses plans pour le monde et pour l’humanité.
Ils savent en effet, prétendent-ils, distinguer les idées humaines qui seraient de « graves dérives » (dérives de la ligne droite voulue par Dieu) et qui « bouleverseraient profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale. »
Ils croient donc que Dieu se pose en garant de tels « fondements » et lève les sorucils dès que des hommes pensent différemment !
.1. Un langage qui travestit la réalité
La terminologie choisie – « aide à mourir » – masque la nature véritable de l’acte : l’administration volontaire d’un produit létal. Ce vocabulaire euphémisant, que la Haute Autorité de Santé elle-même qualifie de source de confusion éthique, dénature les mots pour désamorcer la gravité morale de l’acte. Qualifier une mort administrée de « naturelle » est une contrevérité qui vise à anesthésier les consciences et affaiblir le débat public.
G.C. Il y a donc une « réalité » que ces responsables de culte connaissent et qui est par nature « indiscutable ». Ils se croient dépositaires de la volonté divine absolue.
.2. Une rupture avec l’essence du soin
L’intégration de l’aide à mourir dans le Code de la santé publique constitue un dévoiement de la médecine. Elle heurte frontalement le serment d’Hippocrate et le principe fondamental du soin, qui vise à soulager, sans jamais tuer. De nombreux soignants expriment leur désarroi : être chargés de provoquer la mort d’un patient constitue une transgression radicale de leur mission, et risque d’instaurer une culture de la mort là où la médecine s’est toujours construite comme un service de soin à la vie.
G.C. Le serment d’Hippocrate ne doit pas être « heurté frontalement ». Il est pourtant un texte émanant de la religion païenne gréco-romaine persécutrice et dont les Dieux n’avaient rien de commun avec la foi judéo-chrétienne.
Quant à la « mission » des soignants ainsi « transgressée », elle instaurerait une « culture de la mort ».
Il n’y a pas si longtemps, ce même argument était utilisé pour faire interdire l’I.V.G., le contrôle des naissances par cette « mission » qui convenait pourtant à la peine de mort aux États-Unis.
.3. Des garanties éthiques et procédurales gravement insuffisantes
Le texte actuel permet à un seul médecin d’autoriser un acte létal, sans procédure collégiale, ni évaluation psychiatrique. La Haute Autorité de Santé, dans ses avis successifs, insiste pourtant sur la nécessité absolue d’un discernement partagé, pluridisciplinaire, long et encadré. Le délai d’instruction de 15 jours suivi, le cas échéant, d’un délai de réflexion de seulement 48 heures – voire moins – va à l’encontre de toutes les standards internationaux. Cette précipitation est indigne d’une décision irréversible et de la gravité de l’enjeu.
G.C. Ils reviennent sur « la gravité de cet enjeu » sans dire un mot de la souffrance des agonisants dont l’« enjeu » ne leur semble pas aussi « grave » !
.4. Une menace directe pour les plus vulnérables
L’instauration de ce « droit » risque d’exercer une pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap. La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique – celle d’« être un fardeau ». Dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs. Ainsi la promesse d’un accompagnement digne tend à s’effacer derrière une option terminale présentée comme solution.
G.C. « Dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter », signe que les conceptions religieuses qui animent leurs peuples sont évidemment fort différentes de celles des responsables religieux français.
.5. Une atteinte à l’équilibre entre autonomie et solidarité
La loi proposée consacre l’autonomie individuelle au détriment des liens familiaux et sociaux. Elle érige l’autodétermination individuelle en absolu en écartant toute information ou consultation de proches, de l’équipe soignante, et tout accompagnement spirituel ou psychologique. Ce faisant, elle ne tient aucun compte de la dimension relationnelle et interdépendante de l’existence humaine. Ce choix solitaire risque fort d’occasionner des traumatismes et de blessures durables, notamment dans le cas d’une découverte a posteriori du décès d’un proche aidé au suicide ou euthanasié.
G.C. Cette proposition de loi « écarte toute information ou consultation de proches, de l’équipe soignante, et tout accompagnement spirituel ou psychologique. » La fausseté de cette affirmation est manifeste pour tous ceux qui ont été témoins, au contraire, de la tendresse qui se fait jour dans la famille et les soignants entourant les mourants.
Un appel à la responsabilité politique et humaine
Devant cette possible rupture anthropologique, la CRCF appelle les parlementaires à faire preuve de discernement. Légaliser la mort administrée ne sera pas un progrès, mais une régression éthique, sociale et médicale. Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie. Ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation.
G.C. La formule de « rupture anthropologique » révèle plutôt une véritable rupture entre la prétention de ces autorités religieuses de partager la sagesse d’un « tout-puissant » et la libre conscience de la spiritualité des fidèles.
Antony Boussemart, Co-président de l’Union bouddhiste de France
Mgr Dimitrios, Président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France
Chems-eddine Hafiz, Recteur de la Grande Mosquée de Paris
Haïm Korsia, Grand Rabbin de France
Pasteur Christian Krieger, Président de la Fédération protestante de France
Mgr Eric de Moulins-Beaufort, Président de la Conférence des évêques de France
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