Eric Zemmour, prophète du rétrovirus

Par

Éric Zemmour n’est pas un penseur : c’est un récitant. Il récite un pays qui n’a jamais existé, un âge d’or fantasmé où la France aurait été blanche, virile, homogène, disciplinée, catholique de naissance et guerrière par vocation. Un pays qu’aucun historien ne reconnaît, qu’aucun Français n’a habité — mais qu’il brandit comme un chapelet d’épouvantails pour affoler les foules et exciter les rancœurs.

Zemmour, c’est la France comme décor de carton-pâte : Jeanne d’Arc en mascotte, Pétain en parrain discret, Napoléon en poster dans la chambre d’ado, et la République reléguée au grenier. Il instrumentalise tout : la Shoah, la langue française, la religion, l’école, les femmes, les immigrés, la laïcité. Tout devient munitions. Rien n’est sacré, sauf la guerre culturelle totale.

Son discours est une mécanique simple :

 1. Fabriquer la peur,

 2. Fournir une lecture paranoïaque de la société,

 3. Se poser en dernier rempart,

 4. Réduire la complexité au duel “nous / eux”.

C’est un marketing de fin du monde. Une apocalypse en kit.

Zemmour ne parle jamais du présent : il l’insulte. Il ne parle jamais de l’avenir : il le redoute. Il ne connaît que le passé, mais un passé truqué, raboté, repeint couleur sépia. Un passé où la domination masculine serait nature, l’autorité verticale vertu, l’étranger menace, et la France un bloc monolithique menacé d’effondrement au moindre souffle venu d’ailleurs.

Ce qu’il vend, ce n’est pas un projet politique : c’est un ressentiment. Une revanche sociale de ceux qui pensent qu’ils ont perdu quelque chose — alors qu’ils ont surtout perdu le sens du réel. La France qu’il promet est une forteresse étroite, où l’on se barricade contre ses propres enfants parce qu’ils ne sont pas nés “comme il faut”, ne prient pas “comme il faut”, n’aiment pas “comme il faut”.

Son drapeau n’est pas tricolore : c’est un miroir. Il ne montre pas la France ; il montre sa France, celle qui se regarde vieillir avec amertume et se persuade que la modernité est une trahison.

À la fin, Éric Zemmour n’a qu’une obsession : fermer.

Fermer les frontières, fermer les livres qui le contredisent, fermer la bouche des femmes, fermer la pluralité du monde, fermer l’histoire elle-même pour la figer dans son mythe préféré.

Pamphlétaire autoproclamé, il ne dénonce pas : il réduit. Il ne pense pas : il caricature. Il n’éclaire rien : il assombrit tout.

La France mérite mieux qu’un prophète du rétroviseur. Elle mérite des voix qui ouvrent, pas un tribun qui verrouille.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *