Le Parlement s’apprête à débattre d’une loi sur l’aide active à mourir. Derrière ce sujet sensible, il y a des visages : des femmes et des hommes confrontés à une souffrance extrême que la médecine ne parvient plus à soulager. Lorsqu’un patient, lucide et déterminé, dit : « Je ne supporte plus la douleur, aidez-moi à partir », peut-on lui répondre : « Non, ta vie ne t’appartient pas » ?
La position de l’Église : une vie toujours sacrée car donnée par Dieu
La doctrine catholique rappelle, avec d’autres religions, que la vie humaine est un don de Dieu, et qu’aucun homme ne peut en disposer. Toutefois, affirmer que Dieu est maître de la vie et que seul il peut en avoir la maîtrise et donc en être le seul à pouvoir la reprendre est contraire à l’Évangile. Le Dieu de Jésus est tel que son rapport aux êtres humains est un rapport de liberté à liberté selon l’Alliance. Affirmer que Dieu donne la vie puis la reprend me semble blasphématoire envers un Dieu qui est « pur donation », car c’est méconnaître la grandeur de l’amour de celui qui donne et la vérité du don qu’il fait. Dieu donne de façon parfaite, il est celui dont le don constitue l’être humain dans son autonomie et sa liberté de personne.
Le respect de la vie appliqué de manière absolue, peut conduire à prolonger la vie au prix d’une souffrance insupportable, comme si la simple continuité biologique suffisait à définir une existence humaine digne. Jésus n’aimait pas voir les gens souffrir, il guérissait les malades.
En refusant toute aide active à mourir, l’Église risque de sacraliser la douleur elle-même, au lieu de reconnaître le cri de ceux qui demandent une délivrance.
Une question de liberté dans une société pluraliste
Dans une République laïque, la loi civile ne doit pas imposer la vision d’une institution religieuse.
- Qu’un croyant choisisse de vivre sa fin de vie selon sa foi est pleinement légitime et doit être garanti.
- Mais empêcher ceux qui ne partagent pas cette conviction d’accéder à une aide encadrée revient à imposer une morale particulière à l’ensemble de la société.
La liberté religieuse, c’est aussi la liberté de ne pas suivre une religion.
Des contradictions difficiles à comprendre
L’Église catholique, elle-même, admet, déjà depuis Pie XII, certaines pratiques qui peuvent hâter la mort : arrêt des traitements, débranchement des machines, usage de morphine à fortes doses au nom du « double effet ».
Pourtant, elle interdit l’acte explicite d’aider à mourir. Cette frontière technique, incompréhensible pour de nombreuses familles, apparaît comme une distinction casuistique plutôt que comme une réponse au vécu des patients.
L’expérience des pays voisins
Dans les pays ayant légalisé l’aide à mourir – Belgique, Pays-Bas, Canada –, les dérives redoutées ne se sont pas produites. Les procédures sont strictes, collégiales et transparentes.
Paradoxalement, la légalisation a même renforcé les soins palliatifs, car elle a libéré la parole autour de la fin de vie et permis un accompagnement plus complet et plus humain.
Pour une éthique de la compassion
Au cœur de ce débat, il ne s’agit pas d’opposer la vie à la mort, mais la peur à la compassion.
Aider à mourir n’est pas abandonner : c’est rester auprès d’une personne jusqu’au bout, dans le respect de sa dignité et de sa volonté.
Si la vie est un don, elle ne peut devenir une contrainte. Ce qui est donné est donné : il appartient à celui qui le reçoit d’en disposer en conscience.
Conclusion : un appel au dialogue
L’Église a un rôle précieux à jouer : rappeler la valeur de la vie et accompagner ceux qui souhaitent vivre leur fin dans la foi.
Mais elle gagnerait en crédibilité si elle acceptait que d’autres citoyens fassent un choix différent, au nom de leur liberté de conscience.
Nul ne demande à l’Église de bénir l’aide à mourir. Mais elle ne devrait pas s’efforcer d’empêcher la société de permettre, dans un cadre légal, un ultime geste de compassion.
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