Réflexion sur le
credo
Je crois en Dieu
le
Père tout-puissant
créateur du ciel et de la terre
.
Jean Besset
Paris
Nous sommes dans un monde dont nul ne sait
l'origine et nos seuls repères sont ceux que les sciences
humaines peuvent nous apporter. Pourtant il semblerait
qu'indépendamment de leur culture, certains humains
découvrent au fond d'eux mêmes comme la conscience
d'une réalité extérieure au monde sensible qui
jouerait une fonction d'équilibre entre les différentes
réalités qui composent l'univers.
Si nous ne savons pas quel rôle cette
réalité a joué à l'origine des temps, il
semblerait convenable de penser qu'elle a eu une fonction
régulatrice.
Cet aspect des choses peut se retrouver dans
la Bible qui donne à cette réalité le nom
de Dieu. Il tenterait d'instiller de l'harmonie en
toute chose et en particulier entre les humains, de
telles sorte que les violences auraient tendance à s'amenuiser
au profit d'un équilibre harmonieux dans leurs relations. Ce
mouvement devrait aller en s'intensifiant à mesure que les
hommes seraient sensibles aux effets de cette réalité
qu'il est convenu d'appeler Dieu.
.
Gilles
Castelnau
Paris
Je crois en Dieu le Père
tout-puissant, créateur du ciel et de la terre
Parler de Dieu en mentionnant
immédiatement le ciel et la terre me plaît davantage que
de dire qu'il est un « pur esprit » ce qui fait
trop penser à un improbable fantôme ou de mentionner une
« Trinité » qui le rejette dans un
au-delà théologique incompréhensible.
C'est évidemment mieux
également que de le poser comme un inquiétant
maître de morale menaçant de punitions et exigeant
humiliation et repentance ou comme un tout-puissant faiseur de
miracles distribuant - trop exceptionnellement - ses
interventions surnaturelles. Et c'est naturellement moins aventureux
que de dire qu'il est la Providence qui dirige le cours de l'histoire
vers un avenir lumineux !
Néanmoins la formulation de
« Père tout-puissant » me semble à
rejeter. Elle a une connotation infantilisante, aliénante.
Elle fait penser qu'il conviendrait de le nommer
« Seigneur » comme on faisait dans le monde
féodal et dans l'Ancien régime, de le flatter, de le
louer quand tout va bien et de ne surtout rien dire dans le cas
contraire.
Cette définition induit l'idée
- que les théologiens nomment « théiste » - d'une personnalité
demeurant « au ciel » à côté
et en plus des autres êtres et regardant le monde de
l'extérieur même si elle s'intéresse à ce
qui s'y passe et y intervient parfois.
On la pense alors capable
d' « exaucements » comme nourrir le
tiers-monde, apaiser l'Irak, démocratiser la Corée,
guérir les cancers et le sida, détourner les cyclones,
protéger des tremblements de terre et des microbes.
Si Dieu est « bon » et
« tout-puissant » on ne s'explique pas
l'existence du « mal ».
S'il est
« tout-puissant » et admet le
« mal » on ne comprend pas qu'il soit
« bon ».
S'il est « bon » et se
montre désarmé devant le « mal »
c'est justement qu'il n'est pas
« tout-puissant ».
Il me semble plus conforme au message
biblique de définir Dieu comme le créateur de la Vie
intérieur à tout ce qui respire. Tout bouge, vit,
grandit, meurt pour renaître car la grande Énergie
vitale, heureuse et fraternelle, monte en nous.
Dieu est en nous, il n'est pas sans nous
mais il est plus que nous.
.
Pierre Fath
Paris
Enfant, j'ai découvert très
vite que j'étais fragile, que je posais sans cesse des
questions, parce que je ne savais rien de ce monde où je me
trouvais. J'avais peur dans le noir, j'avais besoin de
lumière. J'ai d'ailleurs toujours besoin de lumière et
de sécurité. J'étais rassuré quand mon
père me prenait la main pour me guider, afin d'éviter
l'obstacle et le contourner. J'avais confiance en lui parce que je
croyais qu'il savait tout et pouvait tout. Au seuil de l'adolescence,
j'ai rêvé comme tout le monde de liberté et
d'indépendance et pensé avec insolence qu'il ne savait
rien et que sa force était illusoire. Puis avec le temps et
l'expérience aidant, j'ai découvert que mon père
savait pas mal de choses et que de toute manière il en savait
plus que moi, alors pourquoi ne croirais-je pas en un dieu personnel
à l'image d'un dieu-père tout puissant, créateur
des choses visibles et invisibles ?
C'est d'ailleurs ainsi que Jésus
parle de Dieu qu'il considère comme son Père et nous
demande d'en faire autant (Jean 20/17).
J'ai toujours besoin d'être
rassuré, d'avoir quelqu'un à mes côtés qui
m'écoute, j'ai besoin d'être aimé.
Or avec ce Dieu qui veille sur moi, qui
marche à mes côtés, je ne suis plus seul.
Grâce à cette présence invisible, je retrouve ma
joie de vivre et d'agir et j'entends vraiment une voix
intérieure me dire à moi aussi : « va
avec la force que je te donne » (Juges 6/14).
Chaque fois que je doute, comme Pierre je
perds pied et m'enfonce dans les eaux du lac et comme lui, j'appelle
Jésus au secours. Et celui-ci me saisit et me sauve (Matthieu
14/30,31). Et comme le père de l'enfant démoniaque, je
redis : « Je crois, viens au secours de mon
incrédulité » (Marc 9/24).
Et c'est vrai que « nul ne vient
au Père que par moi » dira Jésus (Jean 14/6)
car il le « le chemin, la vérité et la
vie » (Jean 14/6).
.
Laurent
Gagnebin
Paris
Dieu créateur ?
- Un livre essentiellement consacré à la
question de la création : John B. Cobb, Dieu et le monde,
Paris, Ed. Van Dieren, 2006. Tout le livre (142 p.) essaye de
proposer une nouvelle conception chrétienne du monde en tant
que création.
En passant, j'ai relevé cette belle
affirmation : « Dieu est [...] Celui qui nous attire
au-delà de tout ce que nous devenons vers ce que nous
pourrions être. » (p. 83-84)
- Je ne reviens pas sur les notions de « Dieu
tout-puissant » : je souscris à ce qui en a
été dit, d'une part, par Bernard Guiéry dans
« Évangile
et liberté »
(avril 2006, p. 5 : « Ces mot qu'on n'aime
pas : Tout-puissant ») et, d'autre part, par Florence
Taubmann dans « Évangile et
liberté » (août/septembre 2004,
« Cahier : Dieu, le Père
Tout-puissant ? ».
- Je ne crois pas que Dieu soit à l'origine de
ce monde, que l'on parle ou non d'une création ex nihilo. Il
me semble que cette question de l'origine du monde, qui s'inscrit
dans l'ordre de la causalité, relève principalement de
la science et non d'une solution ou d'une réponse
religieuse.
- Il me semble que la question religieuse est
principalement celle de la finalité. C'est la raison pour
laquelle quand je dis que Dieu est créateur, je veux dire, de
manière existentielle, qu'il est pour moi créateur de
sens. En Dieu, à travers notre foi, tout est
créé, parce que tout peut prendre un sens
différent.
- Cette création ainsi comprise ne situe pas
Dieu aux origines lointaines, dans un passé
dépassé qui ne nous concerne plus et fait de Dieu une
chiquenaude initiale auquel on ne croirait qu'en regardant
derrière nous et vers de millénaires en arrière.
Est-ce encore une foi ? Dans un tel cas, on croit que Dieu, il y
a des milliers d'années, a créé l'univers, mais
on ne croit pas en lui. C'est la raison pour laquelle, dans ma
confession de foi recueillie dans notre Un bouquet de confessions de
foi, j'écris : « Je crois en Dieu. Par lui
l'univers et notre existence sont créés toujours
à nouveau. » Donner en Dieu et à travers la
foi un sens toujours possible à notre à notre vie et
à notre monde ambigus, c'est cela croire en un Dieu
« toujours » créateur et qui, par
conséquent, nous permet de surmonter l'absurde, celui de notre
vie et de ce monde.
- Ce n'est pas parce que l'on expliquerait un jour
l'origine du monde, et cela sans Dieu, que je ne croirais plus en un
Dieu créateur.
Petit rappel : J'ai déjà
clairement dit tout cela (ce qui concerne le Dieu
créateur, un Dieu personnel, un Dieu absolu, un Dieu
Tout-puissant, etc.) dans mon petit livre : « Quel
Dieu ? », Lausanne, L'Age d'Homme, 1971,
collection « Alethina » n° 2.
.
Bernard
Guiery
Paris
Il est à la fois essentiel et
difficile de parler de Dieu. Sans aller jusqu'à dire avec
Grégoire de Nysse que « toute pensée au sujet
de Dieu est une idole », il me semble préjudiciable
d'accoler au mot de Dieu, l'expression
« tout-puissant » en prétendant que
c'est l'amour du Père qui est tout-puissant, si l'on s'en
tient au Symbole des apôtres. Utiliser, d'entrée de jeu,
l'expression « tout puissant » frôle le
contresens.
On peut considérer l'acte divin de la
création non comme un acte de toute puissance, mais comme le
retrait et l'autolimitation de la puissance divine pour faire place
au déploiement de l'univers. En outre, ce mot traduit mal
certains termes bibliques dans les langues d'origine. Ainsi, par
exemple, le latin omnipotens (tout
puissant) ne semble pas traduire correctement le grec pantocrator ;
on aurait mieux fait de conserver l'antique traduction
(omnitenens), à savoir celui qui tient, qui maintient
tout, qui garde l'univers dans ses mains, desquelles rien
n'échappe.
Il est préférable de
libérer Dieu du masque de la toute-puissance. Nous
prêtons à Dieu ce que nous n'avons pas. Cessons donc de
projeter sur lui l'image de notre rêve insensé de
toute-puissance personnelle. La puissance en question, c'est une
puissance d'effacement, en sorte que le Seigneur du monde devient le
serviteur de tous. Ainsi depuis le sein de Marie jusqu'au bois de la
croix, le total dépouillement du Maître
révèle que si Dieu est immensément grand, sa
grandeur se déploie en amour jusqu'à l'effacement de
soi. Au plus profond de sa gloire, il est éternellement
serviteur.
Mais faut-il se complaire dans
l'affaiblissement ? Certainement pas ; l'idée de
puissance divine nous tend vers l'avenir. L'auteur de l'Apocalypse
déclare que celui qui est est aussi celui qui vient. Il tient
toutes choses entre ses mains, même en dépit des force
du mal, de la souffrance et de la mort. Ce dynamisme victorieux se
révélera à tous au bout de nos histoires et
à l'horizon des temps.
.
Vincens
Hubac
Paris
- Que savons-nous ? Comme Job nous sommes face au
mystère du sens et des infinis.
- Dire Dieu créateur.
Comme parole qui appelle, fait vivre, donne du sens.
L'acte créateur est un acte de sens qui pose l'être du
monde et des choses jusqu'à l'homme.
- Dieu est créateur. Comme parole qui accompagne
le monde et nous accmpagne.
Parole qui est promesse. Parole de liberté et de
partage.
- Dieu créateur n'est pas un Dieu de pouvoir,
une sorte de super-puissance qui sait tout, voit tout, organise
tout.
En donnant sens à un autre que lui-même, Dieu partage
l'absolu et l'unicité qui le caracrtérisent. Il se
dépouille de sa puissance.
- Dans la création et dans nos frères,
nous rencontrons la Parole de vie.
.
Claude
Peuron
Paris
Je ne peux parler de la puissance de Dieu
qu'en disant qu'il s'agit de Dieu le Père. C'est en tant que
Père que, d'une certaine manière, il peut être
considéré comme tout-puissant. D'une certaine
manière, c'est-à-dire de la même manière
que, pour le petit enfant, son père est tout-puissant. Mais
nous savons qu'il faut sortir de l'enfance et donc perdre ses
illusions sur son père pour le découvrir autrement et
nouer avec lui de nouvelles relations.
Faudrait-il dire « Père et
Mère » ? Il faut rappeler qu'il y a une
dimension maternelle dans l'amour de Dieu le Père... mais,
à mes yeux (ou plutôt à mes oreilles), le langage
dit « inclusif » présente
l'inconvénient d'alourdir les phrases et d'en détruire
la musique (= le rythme).
La toute-puissance ne me paraît pas
pouvoir être considérée en elle-même, comme
un attribut de Dieu (p. ex. dans l'article 1er de la
Confession de La Rochelle), mais seulement d'une manière
relationnelle. Dieu est puissant par rapport à nous. Cela ne
suffit pas à dire qu'il est tout-puissant, et surtout pas
qu'il est « Le Tout-Puissant » !
La puissance de Dieu ne peut être
séparée de sa faiblesse. C'est à la fois la
puissance (ou la force) de l'amour, et la faiblesse de l'amour, qui
renonce à imposer ou à s'imposer. Voir
1 Corinthiens 13/8 où, à la suite de
l'énumération : « l'amour excuse tout,
il croit tout, il espère tout, il endure tout »
(TOB), emporté par l'élan, je serais tenté
d'ajouter : « il peut tout » ! Je sais
que ce n'est pas vrai (ce n'est pas le texte lui-même et, dans
la vie, si l'amour peut beaucoup, il ne peut pas tout), mais il
s'agit d'une hyperbole, d'un langage poétique qui exprime
aussi une part de vérité, une espérance,
peut-être l'espérance de Dieu...
La puissance de Dieu est celle de l'amour,
puissance de transformation toujours à l'oeuvre.
Que peut-on dire sur le
Créateur ? Le problème est un peu le même.
On a fait de cette expression une notion métaphysique,
réduisant l'idée de création à la
création « ex nihilo », ce qui est
contraire au texte même de Genèse 1 selon lequel
Dieu organise le monde : il trie, il sépare, il organise.
Le chaos alors cède la place à un monde qui devient
vivable.
Je me pose alors une question : dire
cela, n'est-ce pas se rapprocher de la théorie du
« dessein
intelligent » ? Mais
le « dessein intelligent » est-il
nécessairement une remise en selle (un nouvel avatar) du
créationnisme (la création « ex
nihilo »), s'opposant à l'évolution ? Ne
pourrait-il être compris comme une affirmation que Dieu rend le
monde intelligible (en partie) en lui donnant un sens, du
sens ?
.
André
Pierredon
Paris
La Toute Puissance du Père
créateur du ciel et de la terre qu'il n'a reçue de
personne est liée à mes yeux à celle qu'il a
donnée au Fils : « Tout pouvoir m'a
été donné dans le ciel et sur la
terre ». Lié à mes yeux à celui que
donne au disciples l'Esprit et qui lui fait dire :
« Je puis tout par le Christ qui me
fortifie ».
Ces trois pouvoirs ont en commun
d'être limités, délimités,
conditionnés, déterminés par l'AMOUR.
Mais qui dira le pouvoir de l'Amour quand il
transforme comme nous le dit F. Quéré,
l'énigme du mal en projet et quand il prend les
quatre dimensions de la Croix, dont on ne peut mesurer ni la
longueur, la largeur, la profondeur et la hauteur, quand il triomphe
de la mort et met en évidence la vie et
l'immortalité.
Cette mise en évidence va-t-elle
frapper de nullité nos mises en doute ou en question et nos
professions de foi ?
.
Pierre-Jean
Ruff
Paris
Le Père tout-puissant
Cette expression est agréée
couramment dans le langage ecclésiastique et les confessions
de foi.
Pour ma part, le terme de
« Père » ne me gène nullement alors
que j'ai des réticences à dire Dieu
« tout-puissant ».
. 1 . Dieu Père
Si le vocable et l'image qu'il
véhicule ne me gênent nullement, je sais qu'il n'en est
pas de même pour nombre de théologiens.
L'anthroporéférence jouent un rôle important,
tous ceux qui ont une mauvaise image de leur père terrestre
ont de la peine à se représenter Dieu bon. Par
ailleurs, les psychologues ont insisté sur le
côté négatif de l'image du
« père ». D'une part, le père,
patriarche détient un pouvoir discrétionnaire dont il
abuse souvent. D'autre part, cette image est résolument
sexiste, ne véhiculant pas en simultanéité nos
représentations paternelles et maternelles.
Pour moi, l'image de père importe
à double titre. D'abord, c'est celle que Jésus a
usitée à de nombreuses reprises. Ensuite, au niveau de
la symbolique, c'est l'une des plus belles pour évoquer
l'amour. La parabole dite de l' « enfant
prodigue » et que d'aucuns appellent à juste titre
parabole du « père admirable »
(Luc 15) en est l'une des meilleures illustrations.
. 2 . Dieu tout-puissant.
La toute-puissance, c'est une aptitude
créatrice totale, aux origines. C'est aussi les pleins
pouvoirs pour aujourd'hui.
Les théologiens de
référence ont établi leur théologie, leur
cosmologie et leur anthropologie à partir des récits de
Genèse 2 et 3 : la création ex nihilo,
le péché, la chute et la rédemption. Que
n'ont-ils choisi plutôt la théologie, la cosmologie et
l'anthropologie de Genèse 1 ! Dieu n'y est pas
forcément le créateur universel.
Le premier verset peut être traduit
comme suit : « Lorsque Dieu commença la
création du ciel et de la terre, la terre était informe
et vide ». L'écho de cette non toute-puissance de
Dieu se trouve dans la traduction que les cathares donnaient du
verset 3 du Prologue de l'Évangile de Jean :
« Toutes choses ont été faites par elle (la
Parole, le Verbe, sans lien absolu avec la personne de Jésus)
et le rien (ou le néant, ou le mal) a été fait
sans elle ».
Dans Genèse 1, Dieu intervient
dans un donné préexistant. Il est celui qui,
« en se séparant », donne sens à la
vie. Et cela : donner sens, appeler la
créativité, cela est
« bon ».
Pour le reste, sur les origines des
origines, la sagesse comme l'honnêteté intellectuelle
invitent à être agnostiques. La seule affirmation
importante, si nous croyons en un Dieu amour, c'est de dire haut et
fort qu'il ne peut pas être partie prenant de tout ce qui
ternit l'existence. Il ne peut y avoir de toute-puissance qu'une
toute-puissance de persuasion et d'amour.
.