L'évêque
J. Spong
Christianisme ou
bouddhisme ?
John Spong
Question
5 octobre 2006
Permettez-moi de dire en
commençant que si je me considère encore comme
chrétien, c'est grâce à vous et à vos
écrits. Je suis un ancien catholique et votre message du Dieu
d'amour contraste avec le Dieu du jugement qu'on transmis
pratiquement tous les papes à l'exception (miraculeuse ?)
de Jean XXIII.
Pourtant je me demande parfois pourquoi
ne pas être tout simplement bouddhiste ? Le Bouddha n'est
pas Dieu, il est simplement un être humain qui, comme
Jésus, indique aux hommes comment se libérer de la
souffrance et trouver la paix.
Des théologiens comme Marcus Borg ont étudié les ressemblances de
Jésus avec le Bouddha, ainsi que des hommes remarquablement
inspirants comme Thich
Nhat Hahn.
Jésus et le Bouddha soulignent
tous deux l'importance transformatrice de la force d'amour-compassion
qui existe en chacun de nous. Il me semble que leurs deux traditions
convergent sur un même mythe décrivant la
réalité qui nous dépasse : Jésus
assis à la droite de Dieu et le Bouddha devenant un en fusion
avec l'univers.
(De même d'ailleurs, j'ai
été frappé lors d'un récent voyage au
Vietnam du rôle que joue dans le bouddhisme le bodhisattva de
compassion Quan Am qui m'a semblé analogue à celui de
la vierge Marie dans le catholicisme).
Je me dis parfois que si des penseurs
comme vous ou Thich Nhat Hahn ne nous proposent JAMAIS de devenir
nous aussi bouddhistes, c'est parce que les racines de notre
ouverture interreligieuse sont chrétiennes.
Ce qui nous maintient dans le marigot
chrétien est, sans doute, pour les catholiques comme moi la
protection dont les prêtres pédophiles jouissent de la
part de leurs évêques, ou le coût exorbitant que
représente l'encyclique de Paul VI sur le contrôle
des naissances. Peut-être est-ce la résistance des
évêques à admettre les filles comme enfants de
choeur. Ou bien la hiérarchie a-t-elle utilisé toute
son énergie pour résister aux
télévangélistes évangéliques Pat
Robertson et Jerry Falwell qu'elle ne se rend plus compte que la
puissance de Dieu brille désormais à travers les
ministères de Martin Luther King, de William Sloane Coffin, de
John Dear, de Daniel Berrigan, de soeur Joan Chittester et de
vous-même ?
Y a-t-il du vrai dans tout ceci ?
Finalement, l'Église a tellement besoin de réforme, les
forces conservatrices sont si puissantes que je me dis que nous
ferions mieux de devenir bouddhistes. Et pourquoi
pas ?
.
Réponse
Vous soulevez une question passionnante.
J'aime beaucoup Thich Nhat Hahn et j'estime beaucoup le bouddhisme.
Un de mes amis anglais, qui est toujours prêtre anglican, se dt
chrétien bouddhiste athée. Je ne suis pas sûr de
comprendre ce que signifie cette associations de mots qui ne vont
ordinairement pas ensemble.
J'ai eu, en Chine, le privilège
d'une conversation d'un après-midi entier avec un moine
bouddhiste et j'ai passé un jour entier, en Inde, en compagnie
de trois théologiens hindous.
J'y ai pris conscience que les questions
auxquelles réfléchissent les grandes religions sont
toujours les mêmes ; ce sont évidemment les
questions les plus fondamentales de la vie humains. Les
réponses que les religions apportent sont différentes,
dans la mesure où elles dépendent de la culture, de
l'environnement, des circonstances et du lieu où elles sont
apportées. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Leur
langage n'est évidemment pas celui de Dieu mais celui de la
tribu, de la culture, de l'histoire des hommes qui
s'expriment.
Je n'attache guère d'importance
à la conversion que font certains d'une religion à
l'autre, à moins évidemment, qu'ils ne changent en
même temps de culture. Je ne crois pas qu'un occidental puisse
réellement pénétrer toute la profondeur d'une
religion orientale, bien que certains s'y efforcent pourtant. Je
trouve plus important que chacun approfondisse sa propre religion, en
corrige les déviations, évite tout fondamentalisme et
se garde des compromis politiques auxquels toutes les religions se
sont livrés au cours des siècles.
Je trouve l'essence du christianisme au
delà des Écritures qui ont été
rédigées longtemps après l'époque de
Jésus, au delà des credo des 3e et
4e siècles et même au delà des mots
de nos liturgies anglicanes qui sont nées au
13e siècle.
Il est indispensable que notre
quête de la vérité dépasse ces traditions
religieuses, si nous ne voulons pas en être réduits
à identifier « le sacré » avec les
formulations de ce qui n'est qu'un système religieux à
l'ancienneté relative.
Je ne crois pas que Dieu soit ni
chrétien ni bouddhiste et pourtant le christianisme et le
bouddhisme ont amené des centaines de millions d'hommes
à connaître le mystère de Dieu.
C'est avec joie et espérance que
je marche sur le chemin du Christ, j'ai l'impression que je commence
à peine à le découvrir et je ne suis pas
disposé à le quitter pour en suivre un
autre.
Traduction Gilles
Castelnau
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Spong"
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