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Jésus

pour le XXIe siècle

 

Jesus for the Non-Religious

traduit de l’anglais par Raymond Rakower

 

John Shelby Spong

 

Ed. Karthala

336 pages - 19 €

 

Recension Gilles Castelnau

 

 

16 janvier 2014

Ce livre est le dernier publié par l’évêque John Spong et le premier traduit en français. On peut regretter ce choix car la pensée de John Spong est tellement répandue et connue aux États-Unis et dans tout le monde anglo saxon qu’il n’a évidemment pas jugé utile de la présenter à nouveau dans cet ouvrage, alors que les lecteurs francophones auraient certainement besoin d’en être informés.

Ce livre ne fait que prolonger et compléter ce que Spong a déjà abondamment dit et répété depuis les 40 années qu’a déjà duré son ministère à travers de très nombreux ouvrages, articles, lettres pastorales et conférences.

Disons que Spong, à la suite de théologiens comme John Robinson, Paul Tillich – qui était son professeur – et en relation avec Don Cupitt, Karen Armstrong, Marcus Borg, Mathew Fox, Lloyd Geering, Michael Goulder et d'autres, met en question les confessions de foi traditionnelles qui ont été rédigées en des temps et dans des circonstances qui ne sont plus les nôtres et les dogmes concernant Jésus-Christ, sa mort sacrificielle, sa résurrection, ses titres de Fils de Dieu, de deuxième personne de la Trinité etc. qu’il juge appartenant à la théologie d’un passé révolu.

En tant qu’évêque de l’Église épiscopalienne (anglicane) des Etats-Unis, il est sensible à la désaffection des membres de son diocèse qui, dit-il, jettent le bébé avec l'eau du bain et abandonnent toute foi en ne pouvant adhérer aux anciennes formules qui ont perdu leur crédibilité et dont les études bibliques modernes montrent d’ailleurs qu’elles n’appartiennent pas vraiment au monde de la Bible.

Spong récuse globalement la conception « théiste » d’un Dieu tout-puissant demeurant dans un au-delà surnaturel, l’idée d’un Christ né du Saint-Esprit, faiseur de miracles, mort pour apaiser la colère de Dieu et ressuscité corporellement, la vision d’une théologie ignorant Copernic, Darwin, Freud et la science moderne.

Jésus pour le XXIe siècle comprend trois parties dont voici quelques extraits.

 

 

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PREMIÈRE PARTIE

Séparer l’homme Jésus du mythe

 

Spong présente avec beaucoup de clarté et de vivacité les récentes découvertes des biblistes qui mettent en question la présentation traditionnelle de Jésus-Christ. Ces remarques sont très nombreuses, extrêmement intéressantes et toujours très justes. Elles passionneront et surprendront tous ceux qui sont habitués à lire la Bible à cause de l’éclairage nouveau qu’elles proposent.

 

page 20

Ouvrir la porte à une nouvelle quête

[...] Malgré l'énorme révolution de notre compréhension de l’immensité de l'espace, Dieu est encore toujours défini par ces gens comme un être surnaturel, extérieur à la vie du monde, un être qui vivrait quelque part au-delà des cieux et qui continuerait à intervenir périodiquement dans l'histoire humaine. La manière fondamentale par laquelle l'histoire de Jésus est encore enseignée fait de lui un exemple particulier d'une telle intervention divine dans l'histoire. La doctrine chrétienne traditionnelle continue à dépeindre Jésus comme un visiteur céleste venu d'un Dieu d'au-dessus des cieux par une naissance miraculeuse et qui, lorsque son œuvre fut accomplie, est retourné auprès de ce Dieu au moyen d'une ascension cosmique.
Cette œuvre en question, disent ces chrétiens orthodoxes, était d'apporter le salut à un monde déchu et cela fut accompli par la mort de Jésus sur la croix. chacune de ces assertions est devenue à mes yeux non seulement un non-sens littéral, mais aussi pas grand-chose de plus qu'un charabia théologique. Pourtant, ces racontars sont repris sous une forme ou une autre dans les liturgies de la plupart des Églises chrétiennes chaque dimanche à la messe. (Dans un texte protestant, le traducteur aurait dû préférer le terme de « culte » ! Note de GC. )

 

page 68

Les histoires de miracles dans les évangiles sont-elles nécessaires ?

Les miracles décrits dans les évangiles
[...] Les multiplications des pains.
Veuillez considérer que l'épisode de Jésus nourrissant la foule avec un petit nombre de miches de pain, suite à quoi de larges quantités de pain sont rassemblées dans de nombreux paniers, est décrit six fois dans les évangiles. Est-ce là un seul miracle, ou s'agit-il de six miracles différents ? Avant de répondre trop rapidement que la similitude de leur description suggère un seul et unique événement, il faut savoir que Marc et Matthieu dirent que cet épisode d'alimentation miraculeuse a eu lieu en réalité par deux fois, à deux endroits différents, et avec un nombre de gens différents. Le nombre de miches de pain aussi était différent (Mc 6, 30-44 ; 8, 1-10 ; Mt 14, 13-21 ; 15 32-39), ainsi que la quantité des surplus : « et on emporta ce qui restait des morceaux ; douze paniers pleins » (Mt 14,20).

Cela fait-il deux miracles ? Luc et Jean ne sont pas d'accord avec Marc et Matthieu : ils disent que l'alimentation miraculeuse de la multitude ne se produisit qu'une seule fois (Lc 9, 10-17 ; Jn 6, 1-14). Même là, il y a confusion, du fait que Jean place cet événement au début du déplacement de Jésus à Jérusalem et à la Pâque (Jn 6, 4). Jean, qui ne rend pas compte de la Cène, rattache à cet épisode tout l'enseignement eucharistique, décrit dans les évangiles comme annonçant la Cène. Par ailleurs, Marc, Matthieu et Luc situent tous ces épisodes d'alimentation en Galilée. L'étude des évangiles n'est jamais tout à fait aussi simple que les « vrais croyants » ou les critiques de la Bible voudraient nous le faire croire.

 

page 81

Les miracles de la nature, une manière symbolique de parler de Jésus

Le « Créationnisme » aux États-Unis
[...] Si, dans les narrations des évangiles, les miracles ne sont pas à prendre au sens littéral, ou si ces comptes-rendus d'une activité surnaturelle semblent suspects, les fondements de notre système de sécurité commencent à basculer. S'il n'y a pas de déité capable de nous protéger grâce à ses pouvoirs surnaturels, l'angoisse qui naquit à l'aube de la conscience de soi de l'humanité nous submergera à nouveau. Pourtant, malgré tout, je pense que le temps est venu pour nous de faire preuve d'une honnêteté rigoureuse. Quant à moi, je ne peux dorénavant plus prétendre que le Dieu surnaturel et théiste d'hier est réel, qu'il est en attente d'une occasion pour intervenir miraculeusement dans l'histoire de l'humanité. Par conséquent, je ne peux plus vivre comme si les histoires de miracles qui entourent Jésus dans les évangiles pouvaient être considérées comme s'étant réellement et historiquement passées. Je ne peux plus croire qu'il y ait eu des exceptions aux lois qui gouvernent l'Univers. Dans le monde dans lequel j'habite, les miracles ne se produisent pas ; des soi-disant invasions surnaturelles qui violent les lois de l'Univers ne sont que pures illusions. Les cieux ne s'écartent pas pour laisser s'écouler le Saint-Esprit du Dieu qui vit au-dessus du ciel. L'eau n'est pas changée en vin pour satisfaire la soif des hôtes à un mariage. L'épilepsie n'est pas guérie en chassant des démons. Les sourds-muets ne sont pas guéris en libérant la langue des malades de l'emprise des démons. Les morts ne sont pas ramenés à la vie au quatrième jour après l'enterrement (dans le cas de Lazare), ni même au troisième jour (dans le cas de Jésus). Et finalement, on ne quitte pas le monde d'ici-bas en s'élevant vers les cieux sans l'aide de la propulsion par fusées à réaction.

Si, afin d'être un chrétien, je dois prétendre que ce cadre de référence pré-moderne est toujours valable, alors en ce qui me concerne, l'honnêteté écrasera finalement la foi. Je ne peux plus être un croyant, tout au moins dans le sens traditionnel du terme. Pourtant, après avoir dit tout cela, je reste un chrétien engagé. Je reste toujours convaincu de la vérité trouvée dans cette réalité ultime que j'appelle Dieu, et je vois toujours en Jésus la plénitude de Dieu et de l'humanité. Cela signifie que je suis arrivé à un stade de ma vie de chrétien auquel je n'ai plus besoin d’un Dieu faiseur de miracles pour m'amener au culte. En fait, une telle conception de Dieu me ferait plutôt abandonner ma foi. Ayant rédigé les bases de cette discussion au chapitre précédent, je vais à présent examiner en détail les revendications surnaturelles qui ont été faites pour le compte de Jésus dans les évangiles.

 

page 112

La narration de la Crucifixion, ou comment  la liturgie remplace l'histoire

La Crucifixion dans les lettres de Paul
[...] Ce que Paul dit de la Crucifixion ne comporte qu'une ligne : « Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures » (1 Co 15, 3). C'est tout ce qu'il semble que Paul ait su. Il n'y a pas de références à une trahison, pas de visite au jardin de Gethsémani, pas d'arrestation et pas de jugement devant les grands prêtres. Il n'y a aucun des détails familiers qui illustrent les histoires de la Passion dans les évangiles. Il n'est pas fait mention de Ponce Pilate, pas de rappel des accusations faites contre Jésus et pas de mention de la foule juive qui fait pression pour faire exécuter Jésus. Il n'y a pas d'histoire qu'il ait été molesté, pas de couronne d'épines, pas de narration où il aurait été obligé de porter sa croix, ni de mention d'une colline qui s'appelle le Calvaire. Il n'y a pas de mention des soldats qui lui enfoncent les clous, ou des bandits qui auraient été crucifiés à ses côtés. Il n'est pas fait mention de l'obscurité en plein jour ni de références aux mots que Jésus aurait prononcés à quiconque sur la Croix. Paul affirma que la mort de Jésus avait un motif salvateur : c'était, dit-il « pour nos péchés », ce à quoi il ajouta également la notion que c'était « selon les Ecritures ». Il n'y a pas non plus de description de l'agonie de Jésus. Il mourut. C'est tout ce que dit Paul.
[...]
Il nous serait plus facile de répondre à cette question si nous arrivions à savoir qui a transmis cette tradition à Paul. En examinant les écrits de Paul à la recherche d'indices, nous découvrons dans l'épître aux Galates, écrite au début des années 50 apr. J.C., que trois ans après sa conversion, il alla rendre visite à Céphas (Simon-Pierre) et resta avec lui pendant quinze jours (Ga 1, 18). N'est-ce pas raisonnable de penser que c'était lui sa source d'information ? Ensuite, nous devons nous demander si c’est là tout ce dont Paul se souvenait ou tout ce que Pierre lui avait dit, ou que c’était tout ce que Pierre savait, et donc tout ce qu’il avait transmis à Paul.

 

page 134

La Vie éternelle au sein des mythes de la Résurrection et de l'Ascension

Un grand nombre d'affirmations contradictoires dans les évangiles.
[...] Les évangiles nous disent ensuite qu'un groupe de femmes allèrent au tombeau le premier jour de la semaine. Paul ne mentionne pas cette tradition. Mais tous les évangiles le font ; néanmoins, ils ne sont pas d'accord sur l’ identité de ces femmes, ni combien elles étaient. Chez Marc, elles étaient trois, chez Matthieu deux, chez Luc cinq ou six et chez Jean une seule est mentionnée. Aucun auteur des évangiles n'est d'accord sur ce détail « mineur ». Ces femmes auraient-elles vu le Seigneur ressuscité ce premier jour de Pâques ? Marc dit non, Matthieu dit oui, Luc dit non, Jean dit oui. Les évangiles ne sont pas non plus d'accord sur le messager qui annonça la Résurrection.

- Marc dit : « Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et Salomé… Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d'une robe blanche » (Mc 16, 1-5).

- Matthieu dit : « L'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus. Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme neige. Dans leur crainte, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts » (Mt 28,2-4).

- Selon Luc : « Or, comme elles en étaient déconcertées, voici que deux hommes se présentèrent à elles en vêtements éblouissants » (Lc 24,4).

Quand on passe à Jean, ce sont toujours deux anges, mais l'un d'eux semble se transformer en Jésus (Jn 20 , 11- 18).

Les auteurs du Nouveau Testament ne sont pas d'accord entre eux sur celui qui a été le premier témoin de la Résurrection. C'était Céphas, dit Paul (1 Co 15, 5). Chez Marc, il n'y a pas de premier témoin, car il fait uniquement la promesse que les disciples verront Jésus quand ils retourneront en Galilée. Matthieu dit que les premières à voir Jésus ressuscité • sont les femmes dans le jardin (Mt 28, 9). Luc dit que c’était Cléopas et son compagnon de voyage (Lc 24,13-35). Jean dit que c’était Marie de Magdala (Jn 20,18). Les évangiles ne sont même pas d'accord sur le lieu où se trouvaient les disciples quand l’expérience de Pâques leur parvint. « Ce sera en Galilée », dit Marc (Mc 16, 7). « c'était en Galilée au sommet d'une montagne. » dit Matthieu (Mt 28, 16-20). Cela n'avait pas été en Galilée, dit Luc, c'était dans Jérusalem ou dans ses environs (Lc 24, 36-49). Jean dit qu'ils le virent d'abord à Jérusalem et bien plus tard en Galilée (Jn 20,1-29 ; 29,1).

[…]
Nous sommes tout à coup amenés à prendre conscience de la complexité pour comprendre ce moment révélateur au centre même du christianisme. Il faut s'efforcer d'assimiler cette réalité ! premièrement, ce sont des événements, des moments puissants, qui clament que quelque chose d'une très grande signification eut lieu après la Crucifixion de Jésus, quelque chose qui avait le pouvoir de transformer les disciples, auparavant de lâches fuyards, en personnes résolues, inébranlables, dotées d'une énorme volonté, modifiant leur façon de conceptualiser Dieu, et qui donna naissance à un tout nouveau jour sacré. Deuxièmement, il y a le fait indiscutable que presque tous les détails des explications des disciples sont en conflit et en désaccord entre eux. Enfin, c'est un fait on observe que les narrations les plus tardives furent aussi manifestement les plus surnaturelles et les plus miraculeuses. Voilà les thèmes sur lesquels nous devons nous concentrer pour pouvoir aborder la confusion qui entoure la naissance du christianisme.

 

 

 

DEUXIÈME PARTIE

Les portraits de Jésus

 

Spong est un grand connaisseur du monde juif, de la pensée rabbinique et de la spiritualité hébraïque. Il montre comment les traditions de la Pâque juive, du Yom Kippour, de la notion du Fils de l’Homme du prophète Daniel, de l’image du Serviteur souffrant d’Ésaïe ont fourni un langage et des images permettant aux premiers chrétiens de rendre compte de la personne de Jésus.

 

page 147

L'exploration du portrait original de Jésus

Il y a des gens tellement attachés aux formules religieuses traditionnelles que, lorsqu'ils découvrent que ces formules ne fonctionnent plus et qu'elles ne sont même plus crédibles, ils ne veulent plus avoir affaire avec ce qui, pour eux, est devenu un christianisme de désillusions. Je ne suis pas l'un de ceux-là. Je regarde le déclin et la mort des conceptions religieuses d'hier comme une opportunité de croître, de pénétrer dans un nouveau sentiment de conscience, d'explorer des voies nouvelles pour parler de l'expérience de Dieu. Je découvre une liberté vivifiante à reconnaître que la naissance virginale n'a rien à voir avec la biologie, que les miracles du Nouveau Testament ne sont pas à confondre avec une intervention surnaturelle, que la Résurrection n'a rien en commun avec une résurrection physique, et que la croyance en la divinité de Jésus ne peut pas être identifiée à l'invasion d'une déité externe dans le monde humain. Je suis ravi de découvrir que le théisme ne concerne pas plus la nature de Dieu qu'il n'est une négation de ce qu'est Dieu.

 

page 151

Je ne peux pas me taire plus longtemps
[...] Je suis à la recherche d'un Jésus au-delà des Saintes Écritures, au-delà des Credo, au-delà des doctrines, au-delà des dogmes et au-delà de la religion elle-même. Ce n'est qu'en arrivant à ce stade que notre regard pourra se tourner vers le mystère de Dieu, le mystère de la vie, le mystère de l'amour et le mystère d'être. Au cours de cette recherche, nous nous tournerons inévitablement vers le mystère de notre propre humanité, le mystère de la conscience de soi et celui de la transcendance.

 

page 173

Jésus compris au travers des symboles de Yom Kippour

Les détails de la Crucifixion ne sont pas historiques.
Il n'y avait pas de moment où les jambes de Jésus ont été brisées,
ni de foule qui a réclamé la mort de Jésus,
ni d'épisode de Barabbas qui aurait été libéré.

Fidèles au culte de la synagogue, les disciples de Jésus vécurent leur expérience de Jésus dans une interprétation au cours des offices des synagogues. Cette expérience était éclairée par les versets de l'Ancien Testament qui s'y référaient. c'est ainsi que nous avons vu Jésus au travers de l'éclairage de la Pâque. c'est la première pierre de fondation à notre tentative de joindre l'homme Jésus derrière son mythe. Mais ce n'en sera pas la dernière. Grâce à notre attention sensibilisée par ces références, nous poursuivons notre effort pour nous apercevoir à nouveau qu'avant la rédaction des évangiles, le souvenir de Jésus a été fondamentalement modelé par un autre jour spécial du calendrier cultuel juif, connu sous le nom de Yom Kippour, le Jour du Grand Pardon ou de I'Expiation (atonement en anglais).
[…]
Dès que Jésus fut identifié à l’agneau de la Pâque, il devint inévitable qu’il soit rapidement identifié à un autre agneau sacrificiel, utilisé lors • d'un autre jour saint du calendrier juif. Yom Kippour offrait cette opportunité. Ces deux connexions étaient explicites. L'agneau de la Pâque et celui de Yom Kippour étaient tous deux sacrifiés. Les deux étaient considérés comme offrant une forme de « salut » par l'effusion de leur sang. Le sang de l'agneau pascal concernait l'angoisse humaine de la mort. Le sang de l'agneau sacrificiel de Yom Kippour concernait le désir ardent d'être à nouveau unifié à Dieu, après que cette union ait été compromise par le péché originel. Ces deux fêtes religieuses devinrent les moyens par lesquels le peuple juif voyait dans la mort cultuelle d'un animal un passage qu'il pourrait symboliquement emprunter au cours de son voyage vers une réunification avec Dieu, afin d'atteindre la p1énitude de la vie. Nous allons fixer notre attention sur Yom Kippour afin do chercher à appréhender les raisons pour lesquelles les premiers disciples de Jésus assimilaient la signification de ce qu'ils avaient découvert en Jésus avec la célébration de Yom Kippour.
[…]

Il me semble que la connexion entre Jésus et Yom Kippour apparaît pour la première fois chez Paul. Écrivant aux Corinthiens vers le milieu des années cinquante, Paul rédigea la première phrase écrite que nous ayons sur l’interprétation de la crucifixion. Il y proclame qu'il a transmis en premier lieu ce qu'il avait reçu lui-même concernant Jésus (1 Co 15, 1-11). Il y rattache consciemment la Crucifixion de Jésus à Yom Kippour, quand il écrit que Jésus était mort « pour nos péchés », exprimant par là l'idée que la mort de Jésus jouait un rôle bien spécifique pour toute l'humanité dans le scénario du salut. C'était là la revendication que la mort de Jésus n'était pas un événement accidentel, ni dépourvu d'une signification ultime. C'est pourquoi nous allons examiner ce que Paul voulait précisément dire quand il proclama que la mort de Jésus était rattachée à nos péchés, ce qui est justement l'essence de I'enseignement associé à l'agneau sacrificiel dans le culte de Yom Kippour.

 

 

 

TROISIÈME PARTIE

La vie de Jésus revisitée

 

Spong dénonce avec véhémence et… réalisme les mille et une vilénies dont l’Église s’est rendue coupable, comme par exemple l’esclavage ancien et le racisme récent des Noirs aux États Unis. Il est certainement très sain de purifier notre mémoire collective de tout le passé inacceptable et injustifiable. Mais dans sa rage bien légitime, il pourrait évoquer aussi les nombreux appels évangéliques - tels ceux de Martin Luther King – qui ont sauvé l’honneur de l’Eglise.

 

page 293

Au cours de chaque génération, les adeptes de Jésus n'ont jamais fini de lutter

D'autres barrières, d'autres préjugés motivés par la peur ont été érigés tout au long de l'histoire par certains adeptes de Jésus et sont de même destinés à être démolis, Au cours de chaque génération, les adeptes de Jésus ont dû lutter contre leur propre mentalité de survie. on peut en effet considérer l'histoire du christianisme comme ayant été et étant toujours l'arène d'une bataille entre les règles religieuses d'hier et la liberté qui semble sourdre sans cesse de Jésus de Nazareth. À travers l'histoire, même si les victimes ont changé de nature, les barrières qui les empêchaient de célébrer leur pleine humanité ont été surmontées. Nous pourrions parler de l'évolution des mentalités vis-à-vis des malades mentaux, des Afro-Américains, des Juifs, des gauchers, des homosexuels et des lesbiennes, tous ceux auxquels on a fait ressentir de plein fouet les coups cinglants de leur rejet par la religion chrétienne. Avec le temps toutefois, chacune de ces barrières d'exclusion est finalement tombée sous les coups du même pouvoir que les contemporains avaient ressenti en Jésus. Dieu n'est pas un juge céleste ! Dieu est une force vitale qui s'épanouit dans la nature humaine, jusqu'à ce que l'humanité soit libérée de ses barrières, de ses préjugés. c'est ce Dieu-là qui a été révélé dans la plénitude de l'humanité de Jésus. cette nouvelle définition a déplacé notre ancienne vision d'une force externe à la vie en quelque chose qui se trouve en son centre. La réalité de ce Dieu nous appelle à être ; la vie de ce Dieu nous appelle à vivre ; l'amour de ce Dieu nous appelle à aimer. Jésus a vécu la vie de Dieu. C'est pourquoi nous proclamons que c'est dans la vie de Jésus qu'on peut voir la source de la vie. Que dans son amour on peut voir la source d'amour. Que dans son courage, qui l'a rendu capable d'être pleinement humain, on peut voir le fondement de chaque existence. C'est pour exprimer cette expérience-là que le mot « réincarnation » a été créé, pour nous la communiquer. La réincarnation n'est pas une doctrine à laquelle il faut croire, c'est en réalité la conception d'une présence à ressentir, dont il faut faire l’expérience.

Dietrich Bonhoeffer, le premier, a inventé l'expression « un christianisme athée ». Bonhoeffer disait que, quand l'humanité sera mûre, un jour nouveau émergera dans la conscience humaine. Autrement dit : « Quand les êtres humains auront appris à écarter de leur chemin le dieu surnaturel, externe, parental, de leur vieille religion théiste ». Pendant beaucoup trop longtemps, ce dieu théiste nous a caché le Dieu de la vie et de l'amour, un Dieu qui émerge au cœur des êtres humains, un Dieu qui est la véritable profondeur, le sens véritable de « l'expérience de Jésus ».

C'est ainsi que l'appel du Christ que j'avais ressenti est devenu un appel à voyager au-delà de toutes les barrières qui entravent et qui limitent notre humanité ; un voyage qui permet à chacun d'exprimer son plein potentiel. Jésus ne fut pas un être divin, un être humain dans lequel un dieu externe aurait pénétré, ce que la christologie a toujours prétendu. Jésus était et est divin parce que son humanité et son degré de conscience étaient tellement développés que la signification de Dieu pouvait librement s'écouler de lui vers son entourage. Il était donc à même d'ouvrir l'esprit des gens à cette dimension transcendante de la vie, de l'amour et de l'existence que nous appelons « Dieu ».

C'est là la base de la christologie de l'avenir. Être chrétien, selon les paroles de Bonhoeffer, ce n'est pas être une personne croyante, mais une personne épanouie. Jésus est le portrait de cette plénitude ; c'est pour cela qu'il est pour moi, grâce à son humanité totale, l'expression ultime de Dieu.

 

 


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