22 mars 2021
Comment aimons-nous Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit et notre prochain comme nous-même ? l’amour de Dieu est une vie d’amour sous toutes ses formes et s’aimer soi-même est aussi essentiel que qu’aimer les autres.
S’aimer soi-même implique donc se connaître soi-même, en profondeur et non se laisser focaliser sur la fausse apparence de nous-même que l’on se plait parfois à montrer aux autres et qui nous trompe aussi nous-même. C’est au plus profond de nous-même que nous trouvons notre capacité d’aimer : si le fondement de notre être est amour c’est dans cet amour et nulle part ailleurs que nous nous trouvons nous-même ainsi que le monde, mes frères et le Christ. Ce n’est pas « lui ou moi » mais « nous deux ensemble ».
C’est en ce « fondement de notre âme ou de notre être, un ‘fondement’ éclairé et conscientisé dans la mesure où il est en contact direct avec Dieu » que nous trouvons ce que le bouddhiste D.T.Suzuki appelle le « véritable moi » ou l’ « esprit originel » et que je nomme la « bénédiction originelle ».
S’aimer soi-même vraiment est aussi aimer les autres – non seulement parce que nous sommes des êtres sociaux qui ont besoin de vivre en communauté pour servir, rire, critiquer et soutenir mais aussi parce que nous ne pouvons littéralement pas survivre sans les autres.
Les autres ne sont pas seulement les humains mais les plantes et les animaux, les oiseaux et les insectes, le soleil et la lune, les planètes et les supernovas qui rayonnent des éléments qui rendent notre existence possible. Qui est notre prochain ? Tout ce qui existe.
Par exemple l’air que nous respirons – qu’est-ce qui est plus proche de nous que l’air que nous respirons ? – L’air est donc notre prochain : l’aimons-nous ? ou considérons-nous sa présence comme évidente ? Le protégeons-nous pour notre propre santé et celle de nos voisins et de nos enfants présents et à venir ou le polluons-nous et laissons-nous faire les pollueurs ?
Nous n’aimons pas notre prochain ni nos descendants si nous demeurons, par exemple, dans le déni en ce qui concerne le réchauffement climatique (ce qui est aujourd’hui en Amérique le cas de la moitié de nos responsables politiques) et nous négligeons leur besoin d’une terre saine leur permettant une bonne santé du corps et de l’esprit.
L’amour dans la Bible n’est pas un sentiment, il n’est pas l’amour des revues sentimentales, il est en rapport avec la justice. C’est ce que disait déjà maître Eckhart au 14e siècle : « l’amour implique la justice ». Dans un langage africain le mot « maat » désigne quelque chose d’analogue. Un tel amour exige force, persévérance, coopération et solidarité dans la lutte contre l’injustice.
L’évêque Spong répète que les règles ne peuvent pas nous sauver et ne sont jamais le dernier mot de l’éthique. Il a raison.
Thomas d’Aquin, au 13e siècle, choisit délibérément de ne pas fonder son éthique sur des règles ou des commandements mais sur des « vertus » (comme l’avait fait Aristote son mentor). Des vertus comme le courage, la franchise ou la créativité.
La désobéissance civile non-violente est la vertu d’amour et de justice que Gandhi et Martin-Luther King ont mise en œuvre avec succès tout en en payant le prix fort (King a été mis en prison 39 fois et Gandhi aussi).
Il est d’ailleurs remarquable que ce soit un hindou qui ait cherché en fait à mettre concrètement en pratique l’enseignement d’amour de Jésus pour s’opposer à une nation dite « chrétienne » comme l’Empire britannique, au nom de l’amour et non de la guerre ou de la violence. Une génération plus tard, King suivit cet exemple pour réagir contre le racisme, la ségrégation et la haine des Etats-Unis qui se disaient eux aussi une « nation chrétienne ».
L’enseignement de Jésus en Matthieu 25 : « ce que vous faites à l’un de ces petits c’est à moi que vous le faites » est aussi une manière de prendre la compassion, la justice et l’amour comme normes de vie. Maître Eckhart aimait citer le Psaume 85 qui dit : « La justice et la paix s'embrassent. »
Voir la souffrance est voir le Christ. On le contemple crucifié à nouveau lorsqu’il y a des victimes de la violence policière, des femmes abusées sur leurs lieux de travail, des enfants qui grandissent dans l’indifférence générale sans nourriture suffisante ni soins de santé ou des sans domicile fixe. Il est aussi crucifié lors de la destruction de la forêt tropicale qui purifie l’air que nous respirons ainsi que tous les êtres vivants de la planète et qui a, de toutes façons, le droit de vivre comme toutes les autres créatures qui sont évidemment nos prochains.
Mentionner l’amour et la justice fait tout de suite penser à l’obscurité de l’immoralité et du mal. En particulier nous, les Américains, nous enveloppons si frileusement dans nos couvertures de survie morale tissées de grands discours justificatifs, militaristes, matérialistes, consuméristes, illustrés naturellement d'hymnes nationaux, que nous nous croyons protégés du mal.
Le genre de guerres qui ont été déclenchées au Moyen-Orient à partir de l’invasion américaine de l’Iraq doit être médité pour en tirer les leçons.
Mais la première leçon est que la mentalité dite du cerveau reptilien qui raisonne selon la loi « œil pour œil et dent pour dent » ne résout rien et, comme l’a bien dit Gandhi, risque de nous laisser « aveugles et édentés ». Il faut faire mieux et autrement, comme Jésus l’a enseigné.
Le pardon et le sourire sont importants et fonctionnent. Une histoire que l’on rappelle à Los Angeles est vraie et forte : La mère d’un garçon de 17 ans assassiné dans une bagarre de rue vint à la prison visiter son meurtrier. C’était un jeune de 19 ans qui n’avait pas eu de mère. Elle revint le visiter régulièrement et elle s’attacha à lui. L’amour est possible. Le pardon est possible. La rédemption est possible.
Thomas d’Aquin dit encore que lorsqu’un problème éthique surgit, on n’en trouve pas la solution dans un livre ou dans une liste de recettes morales mais il faut en parler à une personne de bon conseil puis interroger sa conscience et la laisser décider.
Nous vivons un temps où la conscience humaine doit être réveillée, écoutée et obéie. Ou bien nous traiterons les immigrés comme « l’un de ces petits de nos frères » et donc comme « des christs »
Soyons donc d’accord pour parler des immigrés comme « de ces petits parmi nos frères », c’est-à-dire comme « des christs » et de même des océans, des forêts tropicales, des animaux, dont beaucoup d’espèces disparaissent, des femmes, des homosexuels, des gens d'une race ou d’une religion différentes de la nôtre. Regardons-les tous comme « des christs ».
Levons-nous et luttons. Puisons en nous cette force d'indignation morale (qui se trouve dans le troisième chakra) et utilisons-la pour faire venir amour et justice.
C’est ce qu’ont fait les prophètes. Ils ont puisé en eux la force d'indignation morale qui les a rendus capables de parler et d’agir. Ils ont fait ce que font tous les prophètes, comme l’a dit le grand-rabbin Heschel (1907-1972) : ils sont intervenus. Car le véritable amour intervient toujours.
Et qui sont les prophètes d’aujourd’hui ? C’est vous et moi, c’est nous tous. Heschel a dit : « un prophète sommeille au cœur de tout homme. » Nous devons puiser cette énergie au fond de nous-même, au fond de notre être véritable. Nous y trouverons les 4 chemins que décrit (sur ce site) la « Spiritualité de la création » :
Le chemin 1 de la « Via positiva » : contemplation, bonheur, gratitude, joie.
Le chemin 2 de la « Via negativa » : incertitude, obscurité, souffrance, acceptation
Le chemin 3 de la « Via creativa » : naissance, créativité, passion
Le chemin 4 de la « Via transformativa » : justice, guérison, célébration, renouveau, résurrection.
C’est là qu’est - en nous - l’esprit mystique de la prophétie.
Nous avons donc à être à la fois des hommes d’amour (des mystiques) et des lutteurs (des prophètes combattant l’injustice).
Le philosophe de Harvard, William Hocking (1873-1966) a dit que « le prophète est un mystique en action ». Nous devons donc tous puiser dans nos profondeurs mystiques, l’être d’amour qui est notre personnalité mystique véritable (chemins 1 et 2) d’où provient notre être prophétique (chemins 3 et 4).
Le théologien du Nouveau Testament qu’est Dominic Crossan, observe que pour Paul, un chrétien est forcément un peu mystique.
C’est à ce chemin d’amour que Jésus nous appelle. Amour du mystique et du prophète, amour émanant de notre personnalité la plus profonde qui nous amène à aimer toutes les autres créatures dont nous partageons la vie et avec lesquelles nous partageons l’amour de la vie.
N’est-ce pas le cas de tout le monde et de toutes les créatures ? Toutes n’aiment-elles pas la vie, chacune à sa manière ? Et donc... Dieu !