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Historicité des évangiles

 

 

25 mars 2004

On pose fréquemment la question de la vérité historique des récits bibliques et particulièrement des évangiles. Et plus généralement de la question de savoir si, pour être chrétien, il faut croire que les événements racontés se sont réellement passés comme ils sont racontés.

Il semble que certains soient troublés dans leur foi en découvrant qu'une lecture attentive de la Bible et une réflexion rigoureuse et scientifique démontre que les récits bibliques ne sont justement pas d'une vérité historique, comme s'ils avaient été notés précisément par des témoins faisant, en quelque sorte, office de journalistes, au moment même où ils se produisaient.

Mais, disons-le tout net, notre foi en Dieu ne dépend pas de la vérité historique de tel ou tel événement rapporté dans la Bible. Notre foi en Dieu dépend du témoignage intérieur du Saint-Esprit qui nous donne la conviction de la présence en nous du Dieu créateur et sauveur.

Un théologien a fait tomber un grand silence lors d'une de ses conférences en posant la question suivante : Supposez un instant que, contrairement à tout ce que nous savons, une découverte apportait une preuve absolue que Jésus n'avait jamais existé comme les évangiles nous le rapportent : que deviendrait votre foi ?
Et il répondait que pour lui-même sa foi en Dieu et sa fidélité au christianisme ne serait pas ébranlée, car elle reposait précisément sur le témoignage intérieur du Saint Esprit et non pas sur telle ou telle découverte scientifique.

Je prends un exemple.

 

Les auteurs des évangiles

 

Une recherche rigoureuse et scientifique des auteurs des évangiles donne, dans l'état de nos connaissances actuelles, les résultats suivants. Les noms de Matthieu, Marc, Luc et Jean attribués aux quatre évangiles ne figurent pas dans les textes originaux. Lorsqu'on recherche les documents les plus anciens qui les mentionnent, on trouve ceci :

 

- Matthieu

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La plus ancienne mention de ce nom est le fait de Papias (100-150), évêque d'Hiérapolis en Phrygie, dont le livre datant des environs de l'an 140 est cité dans l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe (IVe siècle) :

Matthieu a mis par écrit en langue hébraïque les discours du Seigneur et chacun les traduisait comme il pouvait.

Mais l'évangile de Matthieu ne comporte pas que des discours. On ignore à quel ouvrage Papias faisait allusion ; peut-être un recueil de parole du Seigneur (la fameuse Source Q).

 

- Marc

Ce nom est également mentionné pour la première fois par Papias :

Marc, devenu l'interprète de Pierre écrivit avec soin tout ce qui était resté dans son souvenir des paroles qu'avait dites et des actions qu'avait accomplies le Seigneur, sans toutefois les mettre en ordre. Il n'avait pas, en effet, entendu le Seigneur et ne l'avait pas suivi, mais plus tard, comme je l'ai dit, il accompagna Pierre.
Celui-ci donnait ses enseignements suivant les besoins du moment. Marc n'a donc commis aucune faute en écrivant d'après ses souvenirs quelques récits seulement.
Il n'a eu qu'un souci : ne rien omettre de ce qu'il avait entendu et n'en rien altérer.

Mais ce passage semble difficilement se rapporter à l'évangile de Marc dont on ne peut pas dire qu'il est rédigé « sans ordre ».

 

- Luc

Il n'est pas mentionné par Papias. Irénée, par contre le cite dans les années 180-190 :

Luc, le compagnon de Paul a consigné dans un livre l'Évangile que Paul prêchait.

A la même époque le canon de Muratori rapporte :

Quant au troisième évangile, selon Luc, c'est donc Luc, un médecin, que Paul a pris avec lui après l'ascension du Christ. Passionné de droit, Luc l'a rédigé sous son propre nom et selon sa conviction, car il n'a pas connu le Seigneur de son vivant et, selon toutes les informations qu'il a pu obtenir, il a commencé son récit à la naissance de Jean.

Le professeur François Bovon, de Genève écrit : « On tenait sans doute à attribuer cet évangile à un disciple de Paul ; les noms de Tite et Timothée étaient déjà pris, certes comme destinataires et non comme auteurs, pour les épîtres pastorales. Parmi les autres noms bien connus de l'entourage de Paul, celui de Luc s'imposa »

 

- Jean.

Irénée (130-202), disciple de Polycarpe évêque de Smyrne, lui-même disciple de Jean, écrit :

Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui a reposé sur sa poitrine, a lui-même publié un évangile lorsqu'il séjournait à Ephèse. Adv. Haer. III, 1,1

L'évêque Polycrate d'Ephèse, mentionne en 190, l'existence à Ephèse de la tombe de Jean :

C'est en Asie que reposent de grandes étoiles : Philippe, un des douze apôtres... et Jean, qui a reposé sur la poitrine du Seigneur, qui a été prêtre et a porté la lame d'or, martyr et didascale ; celui-ci repose à Ephèse. Cité par Eusèbe, Histoire ecclésiastique 5, 24, 2-3

Mais dans les années 110-117, bien plus anciennement, Ignace d'Antioche qui énumérait les titres de gloire de l'Église d'Éphèse ne mentionnait pas la présence de Jean et de sa tombe, ce qui la rend problématique.

Voilà tout ce que l'on peut dire si l'on souhaite s'appuyer sur des preuves.

 

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Lorsqu'on ne s'intéresse pas particulièrement aux preuves historiques et qu'on est plutôt sensible aux traditions ecclésiastiques, on parle autrement :

- On dit alors que Matthieu est « certainement » (et je mets « certainement » entre guillemets, car ce n'est en rien une certitude mais une tradition qui ne repose que sur son aspect sympathique) le collecteur d'impôts que Jésus a appelé lorsqu'il était au bureau des péages. En effet, l'évangile dit « de Matthieu » est le seul à le nommer Matthieu, alors que les évangiles de Marc et de Luc nomment cet homme Lévy.

- On dit que Marc est le jeune homme qui s'est sauvé tout nu lors de l'arrestation de Jésus car les autres évangélistes ne mentionnent pas ce détail et pour le connaître, disent les tenants de cette tradition, il faut l'avoir vécu.

- On dit que Luc est le médecin mentionné par Irénée.

- On dit que Jean est le disciple anonyme que « Jésus aimait ».

 

Jean

Cet évangile ne mentionne jamais un disciple appelé Jean. Et le « disciple que Jésus aimait » n'est jamais appelé Jean.
Ce mystérieux disciple anonyme, qui apparaît curieusement toujours en compagnie étroite de Pierre, est mentionné six fois dans l'évangile :

- 13.21 : lors de la cène, appuyé sur la poitrine de Jésus.
- 18.15 : connu du grand-prêtre
- 19.26 : au Calvaire, seule absence de Pierre
- 20.2 : au tombeau auquel il arrive avant Pierre ; il « croit » immédiatement.
- 21. 7 : dans la barque ; il « croit » immédiatement.
- 21. 20 : Jésus parle du fait qu'il pourrait ne jamais mourir.

Le Bien-aimé connaît le grand-prêtre, il est sans doute d'un milieu social trop élevé pour être identifié à Jean, frère de Jacques, fils de Zébédée, simples pêcheurs du lac de Galilée. D'ailleurs il n'est mentionné qu'en Judée, jamais en Galilée.

Il y a bien un disciple dont on dit, dans l'évangile de Jean que « Jésus l'aimait », mais c'est Lazare au moment de sa mort.

Et justement ce disciple anonyme qui apparaît plusieurs fois, sous l'appellation « l'autre disciple », est nommé « le disciple que Jésus aimait » à partir du moment où on a précisé que Jésus aimait Lazare :
Lazare était malade. Ses soeurs, Marie et Marthe, envoyèrent dire à Jésus :

celui que tu aimes est malade  Jean 11.3.

Et lorsque Jésus pleure sur sa tombe, on dit :

voyez comme il l'aimait Jean 11.35.

Le bruit se répand ensuite que « le disciple que Jésus aimait ne mourrait jamais » Jean 21.20 : ce qui serait compréhensible si l'on disait qu'il avait déjà été ressuscité.

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Il est sans doute plus simple et plus vraisemblable de faire l'hypothèse que le Bien-aimé symbolise un groupe de l'Église primitive, un peu différent de l'Église centrale de Jérusalem. Le Bien-aimé en serait le chef comme Pierre était le chef de l'Église de Jérusalem. Ce groupe de chrétiens serait originaire de Samarie : voilà pourquoi l'évangile de Jean est le seul à introduire les Samaritains comme les premiers à accueillir Jésus, à la suite du récit de la Samaritaine au bord du puits. Les Juifs qui ne s'entendaient pas bien avec les Samaritains : Jean fait dire à la femme :

toi qui es Juif, tu me parles à moi qui suis Samaritaine : les Juifs n'ont en effet pas de contact avec les Samaritains. Jean 4.9

A l'accusation d'être possédé d'un démon et d'être Samaritain, Jésus répond qu'il n'est pas possédé d'un démon mais accepte le titre de « Samaritain » Jean 8.48.

Il y a une agressivité larvée dans tout l'Evangile de Jean contre les Juifs : ce n'est pas de l'antisémitisme, c'est la haine traditionnelle entre les voisins Samaritains et Juifs !
Le Bien-aimé représentant les chrétiens samaritains et Pierre représentant les chrétiens d'origine juive sont donc tout le temps ensemble et un peu rivaux. Le Bien-aimé est déférent à l'égard de Pierre mais le texte montre qu'il lui est toujours et en tout supérieur : il croit mieux et plus vite, il ne s'enfuit pas lors de la Passion, il connaît le grand-prêtre chez qui il entre librement... L'évangile de Jean provient d'un milieu samaritain à la fois enraciné dans le judaïsme et dans l'hellénisme.

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Donc on n'a aucune preuve que l'auteur du 4e évangile se soit nommé Jean.
Mais si l'on ne souhaite pas s'appuyer sur des preuves. Si l'on renonce (ce qui est naturellement tout à fait permis), à toute preuve historique on dira : « moi j'aime à croire que l'auteur du 4e évangile se nommait Jean, le même que Jean le frère de Jacques dont parlent les trois autres évangiles ».
Et pourquoi pas ?
Mais c'est une tradition ecclésiastique et non une affirmation de vérité historique...

 

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Marie-Madeleine

On identifie une Marie de Magdala dont Jésus a chassé sept démons Luc 8.2 et à qui il apparaîtra dans le jardin de la Résurrection Jean 20, avec la pécheresse anonyme qui répandait du parfum sur les pieds de Jésus dans la maison de Simon le Pharisien Luc 7 et à la sœur de Marthe et de Lazare, qui a mis du parfum sur sa tête dans leur maison de Béthanie Jean 12 .
En réunissant les caractéristiques de ces différentes femmes, on a construit le personnage unique de Marie-Madeleine, qui n'a pas d'existence en tant que telle dans la Bible.

La légende dorée traditionnelle en fait grand cas  et imagine la suite ! Marie-Madeleine, raconte-t-on, a été mise par ses persécuteurs dans une barque sans voile ni rames en compagnie de Marie Jacobé, soeur de la Vierge, de Marie Salomé mère des apôtres Jacques et Jean (les trois Marie qui ont donné son nom à la ville des Saintes-Maries-de-la-Mer), de sa soeur Marthe, de son frère Lazare, de Maximin et de Sidoine l'aveugle guéri et de Sara la servante noire. Ils abordent tous aux Saintes-Maries de la Mer. Sara est l'actuelle patronne des Gitans catholiques. Marthe va à Tarascon où elle capture la Tarasque qui dévorait les adolescents, la tient en laissze avec la ceinture de sa robe et l'amène aux habitants de la ville afi qu'ils la tuent. Lazare sera évêque de Marseille (ou d'Arles) et Madeleine va faire pénitence dans la grotte de la Sainte-Baume au-dessus de Saint-Maximin : chaque soir les anges venaient la chercher et la faisaient monter au ciel où elle écoutait un concert. C'est cet événement qui est, encore aujourd'hui, présenté à la vénération des fidèles dans l'église de La Madeleine à Paris par un énorme et magnifique groupe de marbre au-dessus du maître autel.

Rien de toute cela n'a évidemment de réalité historique mais la tradition a du poids et les pèlerinages se sont multipliés en une ferveur grandissante. Il n'aurait pas fallu leur dire que les preuves de ces jolies légendes manquaient ! De nombreux rois de France, certains papes, ceux d'Avignon notamment, des milliers de grands seigneurs, des millions de fidèles feront le pèlerinage de la Sainte-Baume.
Concrètement, ce personnage de Marie-Madeleine est donc composite, a constitué à partir de plusieurs femmes des évangiles qui n'ont aucun rapports entre elles, mais on en a fait une sainte, fort populaire, que les peintres et les sculpteurs représentent traditionnellement presque nue, vêtue surtout de ses longs cheveux (puisqu'elle essuyait les pieds de Jésus avec ses cheveux) et qui a traditionnellement près d'elle le flacon de parfum contenant le fameux parfum et qui a fait de nombreux miracles, dont celui de faire venir la pluie lorsque la Provence est trop desséchée par le soleil d'été.

 

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On peut penser et aimer croire ce à quoi notre cœur nous pousse. Mais il faut savoir sur quel plan on se place :

Si l'on est sur le terrain de la vérité historique, de la science, il ne faut pas que les convictions religieuses viennent faire pression sur notre appréciation des preuves, sur la valeur des documents que l'on compare.

Si l'on est sur le terrain de la piété, comme les prières que l'on adresse à la Sainte-Baume à Marie-Madeleine, on n'a évidemment pas besoin de preuves scientifiques.

Si l'on est sur le terrain de la théologie, on ne prétend pas se baser sur des événements historiques, même rapportés dans les évangiles.

Le professeur Paul Tillich a écrit :

Il est désastreux pour la théologie de préférer, pour des raisons théologiques, une vue scientifique aux autres. Et ce fut une humiliation pour la théologie, quand, pour des raisons religieuses, des théologiens s'effrayèrent devant de nouvelles théories, cherchant à leur résister le plus longtemps possible et les acceptant finalement quand toute résistance fut devenue impossible. Cette résistance mal placée des théologiens depuis le temps de Galilée à celui de Darwin fut une des causes de la coupure entre la religion et la culture séculière dans les derniers siècles.

La même situation prévaut en ce qui concerne la recherche historique. Les théologiens ne doivent craindre aucune conjecture historique, car la vérité révélée se trouve dans une dimension où elle ne peut être ni confirmée ni infirmée par la science historique. En conséquence, les théologiens ne devraient pas préférer certains résultats de la recherche historique à d'autres pour des raisons théologiques, et ils ne devraient pas résister à des résultats qui doivent finalement être acceptés si on ne veut pas détruire l'honnêteté scientifique, même si ces résultats semblent miner la connaissance de la révélation. Les investigations historiques ne devraient jamais réconforter ni inquiéter les théologiens. (T.S.1)

 

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