Que peut-on croire
aujourd'hui ?
Le Dieu aimant et sauveur
du
buisson ardent
Gilles
Castelnau
étude biblique à la radio Fréquence Protestante
11 février 2012
14 février 2012
Exode 3
Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian et il mena le troupeau derrière le désert. Il vint à la montagne de Dieu, à Horeb. L'ange de l'Eternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d'un buisson.
Moïse regarda et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point. Moïse dit :
-
Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point. L'Eternel vit qu'il se détournait pour voir et Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit :
-
Moïse ! Moïse !
Et il répondit :
-
Me voici !
Dieu dit :
-
N'approche pas d'ici, ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte.
Et il ajouta :
-
Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.
Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu. L'Eternel dit :
-
J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, et j'ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens, et pour le faire monter de ce pays dans un bon et vaste pays, dans un pays où coulent le lait et le miel, dans les lieux qu'habitent les Cananéens, les Héthiens, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens.
Voici, les cris d'Israël sont venus jusqu'à moi, et j'ai vu l'oppression que leur font souffrir les Egyptiens. Maintenant, va, je t'enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d'Egypte mon peuple, les enfants d'Israël.
Moïse dit à Dieu :
-
Qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d'Egypte les enfants d'Israël ?
Dieu dit :
-
Je serai avec toi; et ceci sera pour toi le signe que c'est moi qui t'envoie: quand tu auras fait sortir d'Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne.
Moïse dit à Dieu :
-
J'irai donc vers les enfants d'Israël, et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m'envoie vers vous. Mais, s'ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ?
Dieu dit à Moïse :
-
Je suis celui qui suis.
.
14 février 2012
Cette apparition - les théologiens disent une « théophanie » - est importante car ainsi placée au début du livre de l’Exode, le grand livre de la libération du peuple hébreu, elle présente et explique le nom de Dieu en relation précisément avec son rôle de libérateur compatissant de la souffrance du peuple.
La formule « Je suis celui qui suis » rend très mal l’expression hébraïque intraduisible.
Il n’y a pas, en effet, en hébreu, de conjugaison du passé, du présent et du futur comme en français. Il n’y a que deux temps : l’accompli et l’inaccompli.
L’accompli désigne, comme son nom l’indique, tout ce qui est accompli. Par exemple : « je suis arrivé à 10 heures ».
L’inaccompli dans lequel Dieu s’exprime dans ce texte, désigne tout ce qui n’est pas accompli : c’est le présent, le conditionnel, le futur, tout ce qui désigne une permanence. Par exemple : « j’arriverai demain à 10 heures, j’arrive toujours à 10 h, je pourrai arriver à 10 heures, etc ».
En français ceci est naturellement impossible et nos traductions rendent habituellement l’inaccompli par un futur.
Ici, Dieu s’exprime à l’inaccompli : « êhyêh acher êhyêh ». êhyêh est le verbe être à l’inaccompli, première personne. acher est le relatif.
Je suis ce que je suis, je serai ce que je suis toujours, je serai ce que je serai, je serai ce que je pourrai être, je pourrai être ce que je pourrai être.
Dieu exprime une manière d’être souple, inattendue, toujours nouvelle : « tu verras bien, c’est moi ».
Lorsque les traducteurs de la Septante (LXX), traduction en grec de l’Ancien Testament hébreu effectuée à Alexandrie vers la fin du 3e siècle av. JC, en sont arrivés à ce passage, ils se sont trouvés confrontés à la même difficulté que nous aujourd’hui, car la langue grecque distingue les temps des verbes comme le français. Ils ont choisi de traduire en grec : « je suis celui qui est », ce qui présente le grave inconvénient de donner une impression d’immobilité statique, magnifique peut-être mais lointaine.
Si Dieu dit qu’il « est celui qui est », on a envie de penser : grand bien lui fasse ! Alors que le texte hébreu exprime une présence toujours renouvelée, surgissant comme elle a toujours surgi, de façon nouvelle, toujours présente, saisissante.
Le Nom imprononçable
Les Dix Commandements commencent ainsi :
« Je suis Yahvé, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte... Tu ne prendras pas mon nom en vain. » Il ne faut pas appeler Dieu comme on appelle un copain, comme un magicien utilise un rite efficace pour obtenir l’intervention d’un esprit. Dieu n’est pas à notre disposition ; c’est au contraire sa présence qui monte dans nos cœurs, nous encourage, nous réoriente et nous interpelle.
Les Juifs ont décidé de ne plus prononcer du tout ce Nom dans leur volonté d’une observance des commandements très précise et très stricte, afin d’être sûrs de ne pas prendre ce nom en vain. Seul le grand prêtre, une fois par an le jour du Kippour, entrant dans le Lieu très saint, au centre du Temple de Jérusalem, lieu obscur entièrement vice, prononçait le Nom : « Yahvé ! » Les Juifs remplacent ce Nom par exemple par Hachem, ce qui signifie en hébreu « le Nom ». Ou disent Adonaï « le Seigneur ».
C’est ainsi que les traducteurs de la Septante ont remplacé Yahvé par le titre grec Kyrie « Seigneur ». Mais cela convient mal car le nom de Yahvé était en rapport avec la souffrance du peuple esclave en Égypte et l’empathie de Dieu qui comprend, vient et délivre. Alors que le « Seigneur » dans l’Empire romain de cette époque, désignait Zeus-Jupiter qui n’a aucune empathie, aucun amour pour les hommes. Il n’est d’ailleurs pas question d’aimer Zeus : on le craint car il brandit la foudre. Dans ses relations avec les humains, Zeus ne fait que se métamorphoser en taureau blanc pour enlever la belle Europe ou en cygne pour séduire la jolie Léda ; ce n’est jamais de l’amour réel et du salut. Le Kyrie, le Seigneur qui est Zeus dans tout l’Empire romain désigne le Dieu dominateur, sans amour, tout-puissant et lointain. Contrairement à Yahvé qui est le Dieu qui aime et dont la tendresse libère de l’esclavage d’Égypte.
Il semble que bien des problèmes de foi que nous avons aujourd'hui proviennent de cette traduction de la LXX.
Lorsqu’on considère l’existence du mal la question se pose :
Si Dieu est bon et Seigneur, comment peut-il supporter le mal ?
S’il y a le mal et qu’il est Seigneur c’est qu’il n’est pas bon.
Et s’il est le Seigneur et qu’il est bon, le mal ne peut pas exister.
Actuellement dans nos bibles hébraïques, le nom de « Yahvé » est naturellement écrit mais pour bien montrer au lecteur qu’il ne faut pas le prononcer on y a ajouter les voyelles du mot Adonaï, Seigneur en hébreu. Ce qui fait que le lecteur inattentif lisant le mot comme il semble écrit, prononcera les voyelles du mot Adonaï avec les consonnes de Yahvé et dira le barbarisme ridicule « Yahovah » ou « Jéhovah » !
Le pasteur hollandais Hendrikse a écrit « ». Il a voulu dire, me semble-t-il, qu’il ne croit pas au « Seigneur ». Il croit en ce Dieu qui, come Yahvé, s’exprime à l’inaccompli en disant : « je suis celui qui vient, je serai ce que j’ai toujours été ».
Yahvé le Dieu d’amour
Yahvé dit à Moïse : « J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, j'ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, je connais ses douleurs. »
Yahvé est celui qui voit la souffrance. Les Égyptiens ne l’avaient pas vue. Il est facile de passer à côté de ceux qui souffrent sans rien voir. La définition de Dieu dans l’Ancien Testament n’est pas, comme le disait Voltaire, celle d’un grand horloger faisant tourner les planètes. Il n’est pas, avant tout le Dieu de la Nature. Il ne se définit pas comme un tout-puissant dirigeant la vie du monde du haut de son ciel. Il est Yahvé, celui qui « entend et voit la souffrance, connaît la douleur. »
On dit : « un Dieu d’amour » ; on ajoute à juste titre qu’il faut aimer Dieu puisqu’il nous aime. Il faut entrer dans son attitude d’amour et, nous aussi, connaître, voir, rencontrer la souffrance des autres et prendre conscience que la nôtre est, elle aussi, connue.
Quelqu’un proposait de faire un moratoire du mot amour qui est dévalorisé aujourd’hui, sucré comme de la guimauve. Il proposait plutôt : « respect », « fraternité ». Les psychologues parlent d’« empathie ». L’empathie se distingue de la sympathie en ce qu’elle n’est pas sentimentale, émotionnelle. Elle fait ressentir ce que vit le paralysé, le collecteur d’impôts, notre prochain, même si nous ne le trouvons pas sympathique. L’empathie à niveau zéro nous rend psychopathes, psychorigides, narcissiques. Au niveau 6 elle nous ouvre à l’Esprit de Dieu que Jésus nous révélait.
Si nous comprenons notre prochain, si nous sommes sensibles à ce qu’il vit, que nous le trouvions « sympathique » ou non, peu importe, nous ferons ce qu’il faut pour l’aider à en sortir, nous le libérerons pour qu’il vive lui aussi. Et c’est cela qui, pour lui, importe.
Définir Dieu comme le créateur du cosmos l’éloigne précisément dans le cosmos, dans le ciel alors que Yahvé se révélait dans un Buisson Ardent enraciné sur la terre.
Certes Jésus nous a appris à dire « Notre Père qui es aux cieux ». Mais justement un Père est proche ; il n’est pas besoin de rites, de processions, de bonnes œuvres, de confessions de foi rigides pour l’amadouer.
Dieu est là, il est à côté de nous, il est en nous, il n’est pas sans nous mais il est plus que nous.
Il n’est pas sans nous car lorsqu’il annonce qu’il fera sortir le peuple d’Égypte, il a bien fallu que les Hébreux marchent à travers la mer Rouge, affrontent leur peur des Égyptiens : ce n’est pas Dieu qui a marché, c’est eux !
Quelle image de Dieu avons-nous dans le cœur et proposons-nous à nos enfants et à notre entourage ? Est-ce celle d’une horloger, d’un Zeus tout-puissant, d’un Allah ayant déjà tout organisé et tout écrit : inch’Allah, tout est mekhtoub, écrit ?
Le centre, le cœur de la théologie de l’Ancien Testament est cette parabole du Buisson Ardent et sa révélation du nom de Yahvé.
Le Nouveau Testament proposera un autre symbole, tout à fait semblable à celui de la libération d’Égypte, c’est celui du Tombeau vide du Christ ressuscité. Il ne s’agit pas de s’attacher à la lettre des descriptions évangéliques selon lesquelles un cadavre aurait repris vie tout seul dans l’obscurité de la tombe et en serait sorti en traversant la pierre. Les évangiles ne décrivent pas la sortie du Tombeau. Le symbole de la libération est un tombeau vide, la lumière du matin de Pâques.
Les théophanies
C’est ainsi que les théologiens désignent les manifestations de Dieu. L’apparition de Dieu dans un buisson qui brûle sans se consumer est une belle image pour présenter Dieu. Chaleur, lumière d’un feu qui ne se consume pas pour montrer que Dieu est éternellement actif.
Il y a dans l’Ancien Testament, d’autres images de Dieu toutes prises dans des phénomènes de la nature vivante. La présence de Dieu n’est jamais présentée dans la Bible comme une personne. Lorsque Zeus se métamorphose c’est sous la forme d’un taureau blanc ou d’un cygne, donc d’un être particulier. Ce n’est jamais le cas de Dieu qui n’est jamais imaginé comme un être à côté et en plus des autres êtres du monde. Il est toujours un peu dépersonnalisé. Lorsque Michel-Ange a peint Dieu au plafond de la chapelle Sixtine du Vatican, il le représente comme un noble vieillard à la grande chevelure, il nous trompe. Dieu n’est pas comme un vieillard.
Voici d’autres image présentes dans l’Ancien Testament :
I Rois 19 : « Un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : l'Eternel n'était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre : l'Eternel n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu : l'Eternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. »
Exode 19.16 : « (sur le mont Sinaï) le troisième jour au matin, il y eut des tonnerres, des éclairs, et une épaisse nuée sur la montagne ; le son de la trompette retentit fortement et tout le peuple qui était dans le camp fut saisi d'épouvante. La montagne de Sinaï était toute en fumée, parce que l'Eternel y était descendu au milieu du feu ; cette fumée s'élevait comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. Le son de la trompette retentissait de plus en plus fortement. »
Esaïe 6 « L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui ; ils avaient chacun six ailes ; deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler.
Ils criaient l'un à l'autre, et disaient : Saint, saint, saint est l'Eternel des armées ! toute la terre est pleine de sa gloire !
Les portes furent ébranlées dans leurs fondements par la voix qui retentissait, et la maison se remplit de fumée.
Alors je dis : Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j'habite au milieu d'un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l'Eternel des armées. »
Ex 33.18-23 : « Moïse dit : Fais-moi voir ta gloire ! L'Eternel répondit: Je ferai passer devant toi toute ma bonté, et je proclamerai devant toi le nom de l'Eternel ; je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde. L'Eternel dit : Tu ne pourras pas voir ma face, car l'homme ne peut me voir et vivre. L'Eternel dit : Voici un lieu près de moi; tu te tiendras sur le rocher. Quand ma gloire passera, je te mettrai dans un creux du rocher, et je te couvrirai de ma main jusqu'à ce que j'aie passé. Et lorsque je retournerai ma main, tu me verras par derrière, mais ma face ne pourra pas être vue. »
Dans le Nouveau Testament. Actes 2 Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d'eux.
Il est clair que l’image centrale du Nouveau Testament est celle de la personne de Jésus dont les paroles et les actes symboliques manifestent la présence de Dieu.
C’est ainsi, par exemple, qu’en Luc 5 et dans les récits parallèles des autres évangiles, Jésus annonce au paralysé le pardon de ses péchés et lui rend ses jambes. Et l’évangéliste remarque : « Tous étaient dans l'étonnement, et glorifiaient Dieu, remplis de crainte, ils disaient : Nous avons vu aujourd'hui des choses étranges. »
C’est la présence du Dieu aimant et libérateur d’autrefois que la foule reconnaît, manifestée dans les actes et les paroles de Jésus.
Retour vers "Croire
aujourd'hui"
Retour
Vos
commentaires et réactions
haut de la page