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Lévitique

17-27

Alfred Marx

 

Labor et Fides

232 pages, 30 €

 

Recension Gilles Castelnau


27 avril 2011

Alfred Marx est professeur émérite d'Ancien Testament à la Faculté de théologie protestante de l'Université de Strasbourg.

Voici comment l’éditeur présente cet ouvrage : Longtemps perçu comme un livre ardu et considéré comme l'antithèse du Nouveau Testament, le livre du Lévitique fait aujourd'hui l'objet d'une redécouverte, grâce aux progrès de la recherche exégétique qui place cet ouvrage dans les perspectives universalistes du rédacteur sacerdotal « P » dont on a bien identifié désormais la vocation universaliste et humaniste. Alors que l'on tenait les prescriptions rituelles de ce livre pour un catalogue renforçant la phobie de l'impureté ou le respect tyrannique et littéral des commandements, sa vocation est bien plus révolutionnaire, comme le montre ce commentaire scientifique des chapitres 17 à 27.

Alfred Marx analyse le Code de Sainteté du Lévitique verset après verset, sans porter de jugement ni chercher la signification spirituelle de la religion d’Israël que révèle ce texte pourtant si mal aimé des lecteurs chrétiens.
Il aime à citer l’hébreu, sans pourtant jamais gêner ceux qui ignorent cette langue.

Voici quelques passages qui permettront au lecteur de se faire une idée de la recherche biblique contemporaine.

 

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page 22

Un projet de société tendu vers le Royaume
Le type de société que promeut Lv 17-27 est une société où les plus vulnérables sont respectés, où nul n'est spolié ni volé, où la justice est exercée de manière équitable, sans considération de personne, où les droits des ouvriers sont scrupuleusement respectés et où la charité s'exerce en faveur des plus pauvres. En cela le Lévitique s'inscrit dans la droite ligne de ce qu'ont réclamé tout au long les prophètes, depuis Amos (voir Am 2,6-8 ; 5,24) et Michée (voir Mi 6,8)jusqu'à Esaïe (voir Es 1,16-17), depuis Jérémie (voir Jr 7,5-6) jusqu'à Zacharie (voir Za 7,9-10), et qui, tous, ont fait du non-respect de ces exigences la cause ultime des catastrophes qui se sont abattues sur Israël.
A la suite du Deutéronome (voir notamment Dt 15,2 et passim ; 22,1 et passim), Lv 17-27 insiste sur les liens de fraternité qui unissent entre eux tous les Israélites, et donc sur la solidarité qui doit s'exercer entre eux.
Mais il fait encore un pas de plus, qui est sans analogie dans l'Ancien Testament, en plaçant l'ensemble de ces exigences sous le signe de l'amour du prochain : l'exigence de l'amour du prochain « comme soi-même » (Lv 19,18)

 

Page 50

Le kippour

Lévitique 17.11 Car la vie de la chair est dans le sang. Et moi je vous l’ai donné sur l’autel pour faire l’absolution (kippour) de vos personnes. Car c’est le sang qui, par la vie, fait l’absolution (kippour).

Ce verset, qui précise que le sang est destiné au kippour (le pardon), a joué un rôle considérable pour l'interprétation de la fonction du sacrifice et a été traditionnellement lu à la lumière de la théorie de la satisfaction vicaire. Développée par Anselme de Canterbury dans son Cur deus homo en vue de démontrer la nécessité de l'incarnation, cette doctrine a pris une place prédominante dans la théologie chrétienne. SCHWAGER en résume les principaux éléments en ces termes :

Partant des conceptions communes du droit germanique, (Anselme) fait valoir que tout tort causé appelle un châtiment ou une satisfaction. Celle-ci doit correspondre à l'importance de la perte, elle doit même la surpasser, pour compenser aussi la souffrance de la personne lésée. Le péché, qui lèse un Dieu infini, est un mal infini, qui appelle donc une satisfaction d'une valeur infinie. C'est ce qu'aucun homme ne peut apporter, car tous les hommes sont finis et coupables. C'est pourquoi l'acte du Christ était nécessaire, lui dont le sacrifice sur la croix présentait une valeur infinie parce qu'il était Dieu en même temps qu'homme.

(note d’A. Marx : A noter, toutefois, qu'Anselme n'emploie jamais le terme de sacrifice, ni d'ailleurs celui d'expiation, pour évoquer le rachat de l'humanité par le Christ. Je remercie ma collègue A. NOBLESSE pour cette précision.)

Cette interprétation juridique de la mort du Christ sur la croix, sous ses multiples variantes, a traditionnellement servi de principe heuristique pour expliquer la fonction du sacrifice de l'ancienne alliance, considéré comme sa préfiguration. Dans cette perspective, l'animal sacrifié était compris comme un substitut du sacrifiant, mais un substitut qui, contrairement à lui, était parfaitement innocent, de là l'exigence d'une victime parfaite. L'imposition de la main sur sa tête était interprétée comme un geste par lequel le sacrifiant transférait ses péchés sur la victime, et sa mise à mort, par la main du sacrifiant afin de lui faire comprendre la gravité de son péché, comme un châtiment que celle-ci subissait - selon les uns réellement, selon les autres, symboliquement - de manière vicaire, à la place du véritable coupable.

Cette théorie, qui faisait ainsi de l'immolation de la victime la clef du sacrifice, a été appliquée, selon le cas, à l'ensemble des sacrifices sanglants ou aux seuls sacrifices expiatoires, et est restée incontestée jusque vers la fin du XVIIIe s. Résolument défendue au milieu du XIXe s., rejetée de manière quasi unanime dans le dernier tiers du XIXe s., elle a encore connu quelques soubresauts principalement dans la première moitié du XXe s. et est encore soutenue à l'occasion, bien que souvent réfutée. Les travaux de René GIRARD constituent, à certains égards, une variante de cette théorie. S'appuyant sur l'étude des mythes et du théâtre grecs, GIRARD montre que le sacrifice est fondamentalement un meurtre.
Ce meurtre, qui est légitime, est perpétré par la communauté sur une victime qui lui est extérieure et qui est censée être coupable des maux dont on l'accuse, mais qui en réalité est innocente. Il permet de canaliser la violence en la déchargeant ainsi sur une victime. Cette fonction véritable du sacrifice comme un exutoire à la violence destructrice est toutefois cachée par les prêtres qui entretiennent la fiction selon laquelle la victime est offerte à la divinité.
Voir notamment La violence et le sacré, Paris, 1972 et Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, 1978.

 

page 88

Aimer son prochain comme soi-même, kamôka, dont l'unique équivalent se trouve en Dt 10,19. à propos de l'immigré. Faisant écho à l'injonction initiale de ne pas haïr son frère dans son cœur, avec laquelle elle forme le cadre de l'unité, cette dernière n'exprime pas seulement de manière positive ce que la première exprimait négativement. En remplaçant le mot frère, 'ah, par celui de prochain, réa', elle dépasse le simple registre affectif.
L’amour du prochain n'est pas simplement motivé par le fait de la fraternité qui unit entre eux tous les fils d'Israël en tant qu'ils sont issus d'un même ancêtre, il est exigé dépendamment même de ce lien. Cette exigence ne constitue pas seulement le point culminant des différentes règles énoncées jusque-là. Elle infuse toutes les autres. Elle en est la clef et se traduit par un comportement adéquat.
Cet amour du prochain ne résulte pas de considérations sur la nature du prochain, il est enraciné dans le cœur même de chaque Israélite. Il est l'extension à tout autre Israélite de l'amour de soi. Les désignations qui exprimaient l'altérité - frère, compatriote, prochain - débouchent sur une désignation qui souligne l'identité : comme toi.
Ainsi que le suggère la juxtaposition abrupte des deux termes, l'autre est d'abord un semblable, un autre soi. Tandis que les commandements précédents imposaient une limite, ce dernier commandement n'en comporte aucune, mais s'élargit à l'infini.

 

page 171

Le principe du talion est loin de constituer une nouveauté. Déjà le code d'Hammurapi (XVIIIe s. avant notre ère) l'avait énoncé s'agissant du cas où un homme libre aurait frappé un membre de l'aristocratie ou un autre homme libre. Et plusieurs narrations montrent qu'il était familier (ainsi Jg 1,7 ; 1 R 20, 39.42 ; 2 R 10,24). Souvent considéré un peu rapidement comme un principe barbare, il vise bien plutôt à fixer des limites à une vengeance débridée. Certes inhumain si on fait une application littérale, il est avant tout la marque d'une justice équilibrée. Car, comme le souligne CARDASCIA, le principe du talion « est la seule sanction qui répond exactement aux exigences d'une justice commutative. Il est la seule peine équivalant exactement à l'infraction. »
De ce fait, parce qu'il établit une correspondance parfaite, rigoureuse, entre le délit et la peine, que celle-ci est donc perçue comme équitable, il permet de maintenir, au niveau local, la cohésion d'une société qui, autrement, se déchirerait en un cycle sans fin de vengeance.

 

page 189

Cette section consacrée à l'année jubilaire témoigne de la sensibilité toute spéciale de P au sort de ceux qui ont été contraints de vendre leurs terres ou qui ont été vendus, et dont il souligne que ce sont des frères. Il est significatif que, dans le Lévitique, la quasi-totalité des emplois de 'ah, frère, au sens figuré, se trouve dans les passages de Lv 25 relatifs au jubilé - il y est utilisé une dizaine de fois ! - et qu'ils y servent à accentuer les liens étroits qui unissent entre eux tous les Israélites afin de les inciter à la solidarité. Les dispositions prises par P en faveur des plus fragiles s'inscrivent dans la droite ligne des exigences formulées en Lv 19, et découlent, en dernière instance, de l'incitation à aimer son prochain comme soi-même.

Ce qui, toutefois, constitue l'originalité des dispositions jubilaires est l'obligation faite à leur acquéreur de restituer ses terres à celui qui avait été forcé de les vendre et sa liberté à celui qui était devenu esclave. Et cela, comme l'a tout particulièrement souligné FAGER, inconditionnellement. Que ceux qui se sont appauvris soient ou non responsables de leur sort, que celui-ci résulte de circonstances accidentelles (maladie, sécheresse, fléau) ou de la négligence, de la paresse ou de la dilapidation des biens n'a aucune influence sur ces dispositions. Celles-ci permettent ainsi d'effacer périodiquement les effets des aléas de l'existence qui ont conduit certains parmi les Israélites à s'appauvrir, et de remettre, en ce qui les concerne, les compteurs à zéro de manière à ce qu'ils puissent prendre un nouveau départ et vivre de leur propre travail sur leur propre terre. Dans la fiction de P où les Israélites ne sont censés pouvoir acquérir que les terres que d'autres Israélites ont dû leur vendre jusqu'au jubilé, le jubilé conduit à ce que chacun, riche ou pauvre, retrouve son patrimoine d'origine.

P ne vise pas pour autant la mise en place d'une société parfaitement égalitaire. Les dispositions qu'il envisage pour l'année jubilaire laissent de côté tout un pan de l'économie. Elles ne touchent pas les biens immobiliers situés dans les villes. Elles ne portent pas sur le capital amassé depuis le précédent jubilé. Curieusement même, elles ne prévoient pas expressément l'extinction des dettes, même si l'on peut penser que, dans la logique des dispositions jubilaires, celle-ci va de soi, la dette étant éteinte par la vente des terres du débiteur ou la vente de son travail. Qui plus est, elles ne concernent pas, sinon indirectement en cas de faillite, l'éleveur, l'artisan ou encore le commerçant.
De fait, P n'envisage aucune redistribution générale des richesses qui, à intervalles réguliers, mettrait économiquement tous les Israélites sur un pied d'égalité.

En dépit du jubilé, Israël reste une société duale. Car, sauf pour ce qui est des terres que les pauvres ont dû leur abandonner et des esclaves israélites, les riches conservent leurs biens, leurs esclaves étrangers et leur capital. Tout au plus le jubilé permet-il d'enrayer l'approfondissement du fossé qui sépare les riches des pauvres et d'empêcher que se forme, à l'intérieur de la société israélite, une classe d'esclaves à côté d'une classe de maîtres.

Ce que visent en réalité les dispositions liées au jubilé est de garantir à chacun les ressources élémentaires qui lui sont nécessaires pour pouvoir mener une existence autonome et vivre en homme libre, avec sa famille, et ce en procédant à intervalles réguliers à une redistribution équitable des terres entre les différentes familles. Plus que sur l'égalité, P insiste sur les liens de fraternité qui unissent les Israélites entre eux et sur la solidarité qui doit en résulter. Au fond, pour lui la richesse des uns est nécessaire afin de leur permettre de venir au secours des autres.


 

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