19 février 2009
Quand on pense à l’étroite relation du Créateur avec sa création on ne peut qu’être surpris du temps passé et de la difficulté rencontrée par l’Église pour s’intéresser à l’environnement. Il y a sans doute plusieurs raisons à cela et les analyser devrait nous aider non seulement à nous libérer de notre tendance dominatrice sur l’environnement mais aussi à renouveler notre spiritualité. La crise écologique actuelle va-t-elle vraiment susciter une renaissance spirituelle et religieuse ? Voici, en tous cas, quelques points de réflexion.
La réduction d’une divinité trinitaire à une seule Personne de la Trinité. La « jésulâtrie » a pris une telle place (et a totalement envahi le fondamentalisme) que dans la tradition historique son abandon de Dieu le Créateur et de Dieu l’Esprit au profit du seul Dieu le Rédempteur, serait qualifié d’ « hérésie ».
Il est clair que nous n’avons pas approfondi l’idée du Dieu créateur comme nous aurions dû. Thomas d’Aquin écrivait : « une erreur sur la création est une erreur sur Dieu ». Nous sommes focalisés sur le travail des biblistes – comme si toute la révélation se trouvait dans ce livre vieux de 2800 ans – et nous négligeons la révélation de Dieu dans la création elle-même.
Nous sommes submergés d’erreurs concernant la Nature tant parmi les théologiens que dans les cercles d’Églises. Ainsi la question de l’homosexualité qui ressort au domaine scientifique plus qu’au domaine biblique : la Création - et donc le Créateur – est-elle responsable de l’homosexualité ? Il semble bien que oui. L’homosexualité ne se rencontre pas seulement parmi les hommes mais parmi de nombreuses autres espèces (74 espèces ont été recensées).
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Nous avons également négligé l’idée de Dieu l’Esprit et le mysticisme qu’il entraîne. Le mysticisme est l’expérience du divin comme dans l’exclamation du psalmiste : « goûtez et voyez comme le Seigneur est bon » (Ps 34.9). Le mysticisme est donc de goûter, mais ni nos facultés de théologie, ni nos églises ne se sont jamais vraiment préoccupées de profiter de l’expérience de nos mystiques concernant l’humanité et la nature. De Julian of Norwich à Thomas Traherne, d’Hildegarde de Bingen à George Herbert, de Maître Eckhart à Walt Whitman, de Thomas d’Aquin à Annie Dillard de Nicolas de Cues à Rachel Carson, de Dante à Wordsworth et à William Blake, nous avons ces poètes de l’âme qui disent la vérité du sacré de nos vies, de nos corps et du reste de la création. Mais sans une théologie de l’Esprit, sans une théologie de la Sagesse - tellement absente de la mentalité patriarcale de l’époque moderne - nous perdons la trace de la théologie de la Création, de l’Incarnation et de la Résurrection actuelles sous-jacentes au sacré de l’être.
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Dans la pensée chrétienne, l’archétype du mysticisme est le « Christ cosmique ». La recherche du Jésus historique préoccupe les théologiens depuis deux siècles et atteint de nos jours à d’importants succès, mais où en est donc, je vous le demande, la réflexion sur le Christ cosmique ? Étudie-t-on le Christ cosmique dans nos facultés de théologies et dans nos publications religieuses ? On ne peut l’étudier en se cantonnant exclusivement comme on le fait actuellement dans le cerveau gauche. Le Christ cosmique, comme son équivalent oriental la Nature de Bouddha est l’image divine présente en toute créature. On ne peut l’approcher qu’avec son cœur.
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L’anthropocentrisme de titres religieux comme « Peuple de Dieu » est scandaleux. L’appellation « peuple de Dieu » n’est pas seulement une expression de style exagérément tribal (« ma tribu est peuple de Dieu, la tienne ne l’est pas ») mais elle est également d’un anthropocentrisme inacceptable : et le « peuple à quatre pattes » ? le « peuple des arbres » ? et le « peuple des oiseaux » ? Ne sont-ils pas tous également aimés par leur Créateur ?
La spiritualité occidentale a beaucoup à apprendre sur ces sujets des peuples indigènes ainsi que des penseurs prémodernes qui voyaient l’Esprit agir dans l’ensemble de la création et non pas seulement parmi les hommes. L’Esprit ressortit davantage à la cosmologie qu’à la psychologie. Thomas d’Aquin ne disait pas autre chose en affirmant : « Le mot Esprit désigne notre capacité à être en relation avec la totalité du monde ».
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Que dirons-nous de la cosmologie moderne ? Tout ce qui existe est saint, tout ce qui compose l’univers, la terre et tout ce qu’elle contient, y compris l’humanité car tout a la même origine dans le big-bang originel. La matière ne peut plus être le bouc émissaire de nos manquements, de notre avidité et de notre imprévoyance à l’égard des autres espèces et des générations futures. Sans aucun doute nous devrions étudier davantage la cosmologie et l’enseigner dans nos facultés de théologie, dans nos écoles, nos maisons, nos églises, synagogues et mosquées. Nous devrions en parler sur nos médias. Nous devrions célébrer nos cultes dans une atmosphère cosmique.
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Que voulons-nous dire en parlant d’être « sauvés » ? Sauvés de quoi ? de la terre ? de la vie ? de notre belle-mère ? de l’angoisse ? de la culpabilité ? de qui ?
Thomas d’Aquin explique le mot « salut » d’une manière qui s’accorde bien à notre ère écologique, en disant : « le salut signifie d’abord et surtout conserver les choses dans leur bien ». Si l’on pense que le mot théologique pour « bien » est « bénédiction », le « salut » signifie donc transmettre la « bénédiction » aux autres générations. Bénédiction de l’eau pure, de l’air, du sol, des espèces, des corps et des esprits. La prédication des Églises, - c’est son aspect prophétique - doit dénoncer toutes les pollutions.
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Le retour de la littérature de Sagesse devrait nous aider à nous recentrer sur l’idée de création. Le fait que le Jésus historique venait d’un milieu rural a finalement été reconnu par les biblistes qui, jusqu’alors, ne voyaient aucun mal à la déforestation devrait aussi nous y engager. La Sagesse, après tout, « jouait en présence de Dieu lors de la formation du monde » (Prov 8.30). Ce « jeu » est l’âme de toute créativité, de la nôtre comme de celle du reste de la création.
Voici quelques exemples qui pourraient servir à la déconstruction et à la reconstruction de notre ecclésiologie et de notre théologie, si nous voulons que notre religion participe à « sauver » du désastre écologique qui nous menace tous la beauté sacrée de notre planète qui nous a été donnée par Dieu.