Protestants dans la Ville

Page d'accueil    Liens    

 

Gilles Castelnau

Images et spiritualité

Libres opinions

Spiritualité

Dialogue interreligieux

Généalogie

 

Claudine Castelnau

Nouvelles

Articles

Émissions de radio

Généalogie

 

Libéralisme théologique

Des pasteurs

Des laïcs

 

Réseau libéral anglophone

Renseignements

John S. Spong

 

Libre opinion


gl1826.barlow.png

Le Christ au miroir de nos vies


Un itinéraire spirituel

Michel Barlow 

Édition Olivétan

150 pages - 21 €


recension Gilles Castelnau



13 novembre 2024


Tout au long de sa vie, Michel Barlow a toujours été un homme de foi, attaché au Christ et à Dieu selon les enseignements qu’il recevait de sa grand-mère protestante rigolote et de son autre grand-mère catholique mélancolique, comme il disait.

Enfant, il pratiquait fidèlement le catholicisme de son époque. Jeune homme il a participé à l’Action catholique ; il est même entré au séminaire pour être prêtre. Il s’est engagé par devoir chrétien dans le parti socialiste de son temps.

Il garde de tout ceci un souvenir spirituel dont il nous parle avec précision et intelligence, sans regret ni amertume et sans rien renier.

Il a progressivement évolué vers une pensée protestante libérale jusqu’à finalement sauter le pas et s’engager dans une paroisse protestante lyonnaise. Il y est toujours, y anime des groupes bibliques et préside des cultes au bonheur de tous.

Son livre est souriant et attachant, très vivant et plein d’humour. Gageons que bien des lecteurs y pénétrerons avec plaisir, intérêt et se laisseront inspirer par la Présence divine qui, incontestablement, émane de ces pages.

En voici des passages.

 


 

Le Christ de la liturgie : paradoxalement le plus intime !

 

Au cours d'une cérémonie paraliturgique, le « salut du Saint-Sacrement », le prêtre présentait solennellement l'hostie aux fidèles agenouillés. Il l'avait au préalable insérée au centre d'un ostensoir : une sorte de grand soleil rayonnant d'orfèvrerie. Puis l'ostensoir était déposé sur l'autel, et les fidèles, face à l'hostie, avaient le sentiment que le Christ était vraiment auprès d'eux et encourageait leur prière. Certaines religieuses, dont ma grand-mère visitait assidûment la chapelle, étaient vouées à l'adoration perpétuelle de l'hostie, et d'heure en heure, elles se relayaient devant l'ostensoir comme des sentinelles en faction. Une association de piété organisait aussi cette permanence dans l'adoration, dans toutes les églises de la ville. Il y a quelques années encore, j'ai été hélé avec mon épouse à proximité d'une chapelle qui pratiquait cette dévotion : « Ne laissez pas Jésus tout seul », nous avait lancé la personne chargée sans doute du recrutement des adorateurs de l'hostie.

 

[…]

 

Quoi qu'il en soit, grâce à la dévotion eucharistique qui était alors « à la mode » ou malgré elle, si je puis dire, la communion au cours de la messe était pour moi un moment de rencontre mystique avec le Christ. Miracle ! Il devenait moi-même en se faisant nourriture ; je l'assimilais, c'est-à-dire le faisais devenir moi-même ; il devenait « plus intime à moi-même que moi-même », comme dit saint Augustin.

 


Ooooo

Page 49

 

  Le Christ de lévites et des sacrificateurs


Depuis l'enfance, l'idée de devenir prêtre s'était précisée peu à peu. J'avais éprouvé d'abord une certaine admiration pour les prêtres que je voyais officier en majesté dans le chœur des églises.

[…]           

 

Pour en revenir à mon expérience d'apprenti prêtre, la question qui mérite d'être posée est de savoir quelle image du Christ elle a pu susciter en moi. Qualifié du titre de « Monsieur l'abbé » par les plus cléricaux, et contraint de porter soutane et surplis pour assister l'évêque dans les grands-messes solennelles, étais-je fasciné par l'image du « Christ prêtre », voire grand-prêtre, telle que la met en scène l'Épître aux Hébreux ?

[…]


C’est Jésus le Christ qui aurait été sacrifié, au sens d'exécuté, par la volonté du Père des cieux pour effectuer la rédemption, le rachat au prix du sang des péchés de l'humanité : toujours la logique commerciale ! Aujourd'hui, elle nous paraît à juste titre insupportable !

Les traductions de cette théologie désastreuse, encore fort en vogue lorsque j'étais au séminaire, étaient pour le moins lugubres : si le Christ s'est sacrifié pour la rédemption de l'humanité, nous devons à notre tour nous sacrifier pour prendre notre part dans cette œuvre de l'universel rachat. On connaît la fameuse phrase de Pascal qui a contribué pendant des siècles à entretenir la culpabilité des fidèles :

« J'ai versé telles gouttes de sang pour toi », dit son Jésus de la Passion.

                                                                                          

[…]


Dans une telle perspective, Jésus le Christ était considéré comme un intercesseur, un médiateur entre nous et un Dieu Père redoutable : n'avait-il pas prémédité sans état d'âme la mort de son Fils ? Et la monnaie d'échange c'était le sacrifice : nos sacrifices en petite monnaie et le sacrifice par excellence du Christ sur la Croix.

Le prêtre est­il l'homme du sacrifice cultuel, notamment, comme on disait jadis, le « sacrifice de la messe » ; ou son rôle est-il avant tout de présider la communauté dont il a la charge, comme les « anciens » (presbutéroi) dans la primitive Église ou dans les paroisses protestantes autrefois ?

À mon entrée au séminaire, dans l'exaltation mystique qui était la mienne, je crois bien que je m'imaginais bien davantage en sacerdos qu'en presbutéros. « L’administration » des sacrements, comme on disait alors, allait me permettre d'avoir un contact direct avec le Christ : pardonner ou baptiser en son nom, et surcout toucher son corps à travers les hosties consacrées. Je me voyais dans l'avenir bien davantage célébrant qu'animateur d'une communauté paroissiale ou d'une aumônerie !

De fait, si je considère les années qui ont suivi, j'ai eu du mal à me délivrer de cette spiritualité sacrificielle qui aurait pu avoir pour slogan : « Plus c'est ennuyeux, plus c'est fructueux. Plus c'est embêtant (restons polis), plus c'est sanctifiant. » Mieux vaudrait dire que j'ai mis longtemps à comprendre que sacrifier, c'est-à-dire rendre sacré, ce n'est pas détruire, se priver, voire se mutiler : sacrifier sa santé à sa mission, sacrifier un corps d'armée pour sauver la frontière, faire le sacrifice de sa petite-cigarette-après-le-repas-de-midi... En fait, je l'ai découvert bien plus tard, on peut rendre quelque chose sacré... en en jouissant et en rendant grâce du plaisir que cela nous procure !


                                 
                              L’Esprit saint n’est pas Figaro !


Cette fois encore, j'ai cédé au chant (grégorien !) des sirènes en bures monastiques. Dès mon retour dans ma ville, je me suis efforcé, ou plutôt je me suis forcé à assister à des réunions de prière organisées par des groupes charismatiques. Dès l'abord, l'exubérance de leur piété m'a exaspéré ! Pourquoi faudrait-il absolument que je frappe dans mes mains en chantant des refrains niais ou que je me trémousse aux rythmes syncopés qu'on avait accolés à ces fadaises ? Si je refuse de me faire le complice de ces momeries, est-ce vraiment parce que je renie Dieu, comme ces inquisiteurs à l'aguichant sourire voudraient me le faire croire ?

Pour appuyer leurs arguments, les charismatiques invoquaient souvent les manifestations de l'Esprit saint qui, disaient-ils, se faisaient jour pendant leurs prières communes : pas de doute pour eux, il était bien au rendez-vous et manœuvrait telle ou tel des participants : Miracle ! Miracle ! Mais, pour ma part, je ne voyais que des actions ou paroles humaines bien que dévotes dans ces éclatants prodiges qu'on me décrivait avec un vocabulaire hautement spécialisé : « Vous me dites que, tout à l'heure, certains ont "parlé en langues", exactement comme à Corinthe du temps de Paul ? Ah bon ? C'est comme ça que vous appelez le petit refrain indistinct de ces trois bigotes un peu excitées au fond de la chapelle ? Vous me dites aussi qu'Untel a "prophétisé", là encore comme à Corinthe du temps de Paul ? Ah bon ? C'est comme ça que vous appelez ce petit commentaire biblique - astucieux d'ailleurs – que le vieux monsieur du premier rang a déclamé d’une voix bizarre, en écho au passage de l’Évangile de Jean qui venait d’être lu ? »
[…]

 

 

Toute une piété populaire réduit Dieu à n'être que le grand marionnettiste de l'univers : il tirerait la moindre des ficelles de nos existences ! Comme j'avais été choqué d'entendre le discours « édifiant » de deux bons catholiques autoproclamés, qui avaient raté le départ d’un avion-cercueil qui s’était abîmé au milieu de l’océan : « Dieu nous aime et il nous a tout spécialement protégés. Il a empêché que nous ne prenions ce vol ! »

Pas un mot de compassion pour les trois cent inquante passagers qui, eux, avaient péri dans la catastrophe mais que, en toute logique, Dieu ne devait pas aimer autant qu’eux-mêmes !

 

 

                      Le Christ de la mort et de la vie après la mort

 

Croire à la vie éternelle, ce n'est pas d'abord une affaire de rites qui, magiquement, nous feraient franchir après notre mort 1’franchissable frontière qui sépare le monde des hommes et celui Dieu ; qui nous feraient passer de la vie d'ici-bas à la vie éternelle dans l'au-delà. Une telle pensée magique oublie que le christianisme essentiellement - dans sa nature profonde - une religion de 1’incarnation : le Dieu chrétien est un Dieu qui se fait homme et qui, à travers la vie de Jésus le Christ, se révèle le plus humain des humains.

Être chrétien, religieusement chrétien, ce n'est donc pas loucher vers une vie merveilleuse qui nous serait promise après la mort, c'est s’efforcer de christianiser, d'évangéliser sa vie d'ici-bas. L'Évangile de Jean nous le dit tout net : « Celui qui croit au Fils a [et non pas aura] la vie éternelle » Jean 3.15). Je crois que j'ai commencé - commencé seulement - à le percevoir dès le moment l'Évangile a été vraiment pour moi une bonne nouvelle : à douze ans, on s'en souvient.

 

[...]

 

Non, décidément, il n'y a rien de commun entre Jésus-Christ, ce Vivant qui est venu nous apporter la vie et la vie en plénitude et le christianisme mortifère de mon enfance : le christianisme qui avait pour carburant la peur et l'angoisse existentielle. Ce christianisme-là n'est finalement qu'un paganisme déguisé !

 

 [...]


Et puisque, après tout, la fin du monde sera d'abord pour moi comme pour tout mortel le moment de ma mort, mon espérance timide c'est que, dans la dernière seconde de ma vie, j'aie le sentiment de la présence du Christ. Et franchement, peu m'importe qu'il s'agisse d'une hallucination de moribond ! Peu m'importe que cette éternité partagée avec lui ne dure qu'une fraction de seconde ! Ce qui m'importe seulement, c'est qu'alors, je ressente physiquement sa présence ; qu'enfin, je le tienne dans mes bras, que je rencontre celui que j'ai espéré, attendu, perdu, retrouvé tout au long de ma vie. Qu'enfin je voie de mes yeux, face à face, celui que j'ai entrevu à travers le brouillard de mes doutes, pendant des décennies. Que je le voie en pleine lumière. Que de mes oreilles j'entende sa voix d'homme. Que je sente ses mains caresser mon visage et que mes mains caressent le sien. Que je sente ses bras me serrer contre lui !

Alors, il répondra un oui affectueux à toutes mes questions, à toutes mes angoisses ; et moi, de tout mon être, éperdu, je lui dirai un oui émerveillé !

 

Dieu est joie !

 

 

Retour vers Michel Barlow
Retour vers "libres opinions"
Vos commentaires et réactions

 

haut de la page

 



 Les internautes qui souhaitent être directement informés des nouveautés publiées sur ce site

peuvent envoyer un e-mail à l'adresse que voici : Gilles Castelnau
Ils recevront alors, deux fois par mois, le lien « nouveautés »
Ce service est gratuit. Les adresses e-mail ne seront jamais communiquées à quiconque.