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Julien dit l'apostat

 

Lucien Jerphagnon

 

Éd. Tallandier

2e édition

 

Recension Gilles Castelnau

 

Voir aussi
Lucien Jerphagnon, L'homme qui riait avec les dieux

 

15 septembre 2010

Julien fut empereur de Rome de 361 à 363, donc peu après que Constantin ait déclaré le christianisme religion officielle. Il est connu sous le nom de « l'apostat » car il revint, durant son court règne, à la religion traditionnelle.

Lucien Jerphagnon nous fait revivre de manière extrêmement vivante et toujours avec un sourire contagieux l'étonnante histoire de ce temps sans oublier sa dimension spirituelle.

Un savant livre d'histoire aussi passionnant qu'un roman policier. Une ouverture sans doute très juste sur la manière dont le christianisme s'enracine dans la pensée stoïcienne antique et s'en démarque évidemment.

En voici trois passages qui donneront peut-être envie d'acheter le livre et de le lire en entier. (G.C.)

 

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La louve et l'agneau

p. 27
À l'aube du IVe siècle selon notre façon de compter
, et de la fondation de Rome le XIe, il s'était passé une chose que nul n'aurait imaginée au temps de Tibère: sans qu'on ait jamais très bien compris comment, l'Empire romain s'était un beau matin réveillé chrétien. La Louve de Romulus et Rémus était définitivement absorbée par l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, du moins selon ce que prêchaient ses adeptes.
La religion nouvelle, qui procédait des Juifs mais qui avait tôt rompu avec le judaïsme, avait pourtant connu des difficultés considérables au cours des trois premiers siècles. Non certes qu'un dieu de plus ou de moins eût en soi dérangé le moins du monde en un temps où pullulaient les religions orientales. Ce qui menaçait le tout premier christianisme, c'était plutôt l'indifférence. Cependant, les Romains, les Grecs, les Asiates et tous les peuples qui composaient de pièces et de morceaux l'Empire, quand ils furent amenés à s'intéresser de plus près à ce dieu nouveau venu, lui trouvèrent quelque chose d'étrange et, en tout cas, de peu conforme à l'idée qu'on se faisait des divinités en général.

Que ce Chrestos ou Christus fût né d'une vierge était encore ce qui gênait le moins : on savait bien que les dieux naissent toujours d'une façon insolite, mais pourquoi une vierge juive ? Et, dans ce cas, pourquoi ses disciples n'étaient-ils pas des Juifs comme les autres ? Or, on observait que les Juifs s'en démarquaient énergiquement. Qu'il fût le fils d'un charpentier, du moins à ce qu'on disait, était déjà plus ennuyeux, mais, après tout, Vulcain était bien forgeron ! Mais, quand on découvrait que ce dieu-là avait encouru une condamnation à mort sous Tibère César, Pontius Pilatus étant gouverneur de Judée - province agitée -, cela devenait franchement suspect, et on pouvait s'interroger sur le motif d'inculpation : droit commun ? sédition ? Qu'il ait de plus été crucifié comme un esclave devenait tout à fait scandaleux. Si encore il avait été décapité ! On pensait vaguement à Spartacus et à ses partisans.

Maintenant, quand les affidés de Chrestos soutenaient que le condamné, une fois descendu de sa croix, était ressuscité, qu'il apparaissait couramment à ses disciples et déjeunait avec eux, cela n'allait plus du tout. Son message n'était pas plus rassurant. On lui attribuait des bizarreries : il proposait, paraît-il, à ses disciples son sang à boire et sa chair à manger; il prétendait « apporter non la paix mais le glaive » ; il assurait être venu « mettre le feu sur la terre » ;  il entendait « brouiller le fils avec son père et la belle-fille avec sa belle-mère » ; il annonçait la fin du monde pour dans peu de temps, et tout à l'avenant.
Socialement, ce n'était pas clair non plus : il promettait le malheur aux riches, et aux pauvres la meilleure place dans son royaume. Un seul point positif : il conseillait de rendre à César ce qui était à César, et ses disciples prêchaient aux esclaves la soumission, ce qui était une bonne idée, mais on ne voyait plus comment cela s'accordait avec le reste. Bref, tout cela était déconcertant au possible, et n'attirait pas la bienveillance.

Pourtant, cette invraisemblable histoire - peut-être par son invraisemblance même - attira infiniment plus de monde qu'on ne l'aurait d'abord imaginé. Un dieu qui se fait homme, qui souffre les misères des hommes, qui endure la pire des morts et qui tout soudain emporte avec lui dans sa gloire éternelle l'humanité passée, présente et future - un dieu qui se fait homme afin que les hommes soient faits dieux -, ce dieu-là, décidément, n'était pas comme les autres. L'époque abondait pourtant en dieux sauveurs, en déesses régénératrices, en mystères sacrés dont l'initié sortait avec au coeur une plus belle espérance pour cette vie et pour l'autre, mais aucun n'était allé si loin, n'avait serré l'humanité de si près. Ce qu'il y avait de plus pauvre, de plus misérable, de plus démuni parmi les hommes et les femmes se retrouvait, se reconnaissait dans ce dieu-là, qui avait su ce que c'était que le travail, les larmes, les coups de pied, la croix même. Et, du coup, le dernier des humains pouvait se dire racheté en espérance, appelé à la gloire pour l'éternité.

Aux adeptes de Chrestos il apparaissait à l'évidence que leur dieu mort et ressuscité ne faisait pas nombre avec les autres dieux, parce qu'il était le seul. Ses commandements, en revanche, étaient proprement effrayants : il fallait aimer tous les hommes comme soi-même, ce qui est bien la chose la moins réalisable et qui ne serait jamais venue à l'idée de personne. Il fallait aussi renoncer aux divers agréments que procure le divin Éros, sauf à contracter mariage, à s'en contenter et à s'y tenir indéfiniment. Un simple regard sur une fille appétissante et votre âme tombait comme une mouche morte !  il fallait encore rendre le bien pour le mal, tendre la joue gauche si on avait pris un coup sur la droite, et j'en passe : tout le reste reprenait en l'aggravant la morale courante, celle que tout le monde respecte et que personne n'observe, sauf de loin en loin et pour se donner bonne conscience.
Encore la bonne conscience était-elle prohibée par Chrestos ; nul n'était jamais sûr d'avoir fait tout son devoir de chrétien ; s'en prévaloir constituait déjà un péché. Tout cela introduisait dans les rapports humains une dimension nouvelle. Certes, les philosophes invitaient déjà au respect des autres, à la considération des plus humbles, mais il faut bien dire que tout cela restait un voeu pieux. Cette fois, il fallait pratiquer ces commandements impossibles sous peine d'être exclu de la vie éternelle, ce qui était dommage.

 

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Règlements de comptes

 

p. 253

Pour les adorateurs des dieux, Julien, c'était la libération. Durant un demi-siècle, les communautés païennes, surtout en Orient, avaient été méprisées, tenues à l'écart, puis persécutées dans leurs personnes et dans leurs biens. On avait fermé les temples, mis à la rue les desservants qui, faute de casuel, s'étaient dégradés en clochards. On avait confisqué les biens-fonds des anciens cultes, démoli les édifices, et les matériaux n'avaient pas été perdus pour tout le monde. Les chrétiens se voyaient autorisés à puiser à peu de frais dans ces trésors ; pierres de taille, colonnes, bois précieux, vases sacrés: tout ce qu'il fallait pour bâtir des églises ou améliorer des demeures privées, qu'on décorait sans vergogne de ces dépouilles illustres.
Libanios se plaint qu'on ait transformé les temples en granges à paille, qu'on ait jeté les statues au rebut.

Ainsi, les païens humiliés, passant dans les rues, reconnaissaient des pans entiers de leurs temples comme autant de vestiges de leurs vies mutilées. Une religion vécue tient à tant de racines, engage tant d'aspects du quotidien ! Pire ; les chrétiens avaient spolié jusqu'aux tombes, au mépris du respect qu'on doit aux mânes. Les sarcophages où des parents, des ancêtres avaient dormi de leur dernier sommeil enrichissaient maintenant la résidence de tel ou tel parvenu sans scrupule. Que de rancoeurs, à présent, et qui n'attendaient que ce jour pour se manifester! L'honneur des dieux criait vengeance.

Julien, comme de juste, avait replacé les Églises chrétiennes et les chrétiens eux-mêmes dans le droit commun, qu'ils n'eussent d'ailleurs jamais dû excéder, ne fût-ce que par fidélité à l'Évangile : plus d'exemptions fiscales, donc, ni de faveurs exorbitantes. D'autre part, les biens des cultes païens devaient être restitués, et l'empereur autorisait la récupération de ce qui s'en trouvait injustement détenu: les édifices religieux désaffectés devaient être rendus au culte, ceux qui avaient été endommagés devaient être remis en état aux frais des responsables, et les matériaux ou le mobilier dérobés, restitués ou remboursés.

Était-ce trop demander ? Certains, dont bien sûr Grégoire (de Nazianze), perçurent cette mesure comme une spoliation. Ils voyaient, la rage au coeur, les colonnes revenir à leur place, les statues nettoyées regagner leurs cellules. On se trouvait parfois devant des situations impossibles : fallait-il, pour récupérer un chapiteau, une colonne enchâssés dans un bâtiment neuf, abattre le tout et ruiner le propriétaire ? On eût pu imaginer un système d'indemnisation, mais Julien ne voulait rien entendre. Son intransigeance en matière de religion rencontrait celle de ses adversaires. De part et d'autre, on campait sur ses positions. C'était sectarisme contre sectarisme.

Du côté des chrétiens, la résistance s'organisa. Des fanatiques estimèrent que toute restitution était une concession à l'idolâtrie, une compromission avec des cultes abhorrés qu'on avait crus éradiqués à jamais. On refusait d'indemniser le trésor public pour les biens détournés, dès lors que ce vol était jugé en conscience comme une oeuvre pie. Parfois, les fonctionnaires fermaient les yeux, comme s'ils prévoyaient l'avenir et voulaient dès maintenant se mettre à couvert. Plus d'un païen, d'ailleurs, trouvait la mariée trop belle et se cantonnait dans un attentisme prudent. Parfois, on s'arrangeait pour que les choses se passent autant que possible en douceur. Chrysantios, promu comme on sait pontife de Lydie, conduisit les opérations avec tant de discrétion que nul ne s'aperçut de rien.

Il n'en alla pas de même partout. Quelques fanatiques voulaient s'opposer au retour des sacrifices. Un évêque assez exalté, un certain Maris, se porta, bien qu'il fût aveugle, au-devant de Julien qui se rendait en procession pour sacrifier à la déesse Fortune. il prétendait lui interdire le passage, ce qui manquait de bon sens, mais pas de panache. Qu'espérait-il ? Le martyre ? La foule le houspilla, le traita de divers noms déplaisants, mais Julien s'interposa, refusant de voir châtier ce pauvre homme. Il se contenta de lui faire observer froidement que son Galiléen, si expert en la matière, ne lui avait toujours pas rendu la vue. Générosité assassine, et qui mettait les rieurs - mais quels rieurs ! - de son côté. À quoi l'évêque rétorqua que c'était un bonheur pour lui de ne point voir des choses pareilles.

 

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Épilogue

 

 p. 348

Comme Jésus se mettait en route, quelqu'un accourut et lui demanda :
- « Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? »
Jésus lui répondit :
- « Tu connais les commandements : ne tue pas, ne commets pas d'adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais tort à personne, honore ton père et ta mère... »
- « Maître, lui dit-il, tout cela, je l'ai observé avec soin dès ma jeunesse ! »
Alors Jésus le regarda et se prit à l'aimer... (Marc 10,l7-22).

 

 

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