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Strasbourg
Un vent frais souffle sur
Saint-Pierre-le-Vieux



  Laure Salamon


article paru dans l'hebdomadaire protestant Réforme
le 1er septembre 223


2 septembre 2023

 

REPORTAGE Dans une église du centre-ville de Strasbourg, une communauté était vouée à disparaître. Un pasteur a proposé de faire revivre le lieu, différemment, grâce à un projet novateur et audacieux, proche des aspirations contemporaines : Nootoos.

   A la fois espace de travail partagé, salle de spectacle et tiers-lieu socio-culturel, l’église Saint-Pierre-le Vieux, au centre de Strasbourg, n’a rien de conventionnel. Ce lieu expérimental, sans culte ni groupe biblique, est soutenu par le conseil presbytéral de cette église protestante et l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal). Bienvenue dans l’« Église de l’implicite », ainsi que la qualifie son responsable Arnaud Stoltz. Le pasteur navigue comme un poisson dans l’eau entre les bénévoles installant l’éclairage du spectacle de ce soir, Pierre, un sans-abri qui se repose sur un transat, et Aboud, qui prépare une formation sur l’intelligence artificielle en partenariat avec Nootoos.

Ici, les projets sont d’une grande diversité, avec pour dénominateur commun le bien-être. L’association Ballade, qui propose des ateliers de musique à des personnes éloignées des structures culturelles, installe son décor pour la soirée. Au même moment, à l’étage, Achille, Yves et Claire tiennent une réunion de travail en vue de l’événement Tous Hanscène, qui favorise l’accès à la culture pour les jeunes en situation de handicap.


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Modernisé et équipé de matériel son et lumière, le bâtiment offre une multitude de possibilités. Une grande pièce d’accueil avec coin cuisine, fauteuils, tables et chaises, jouxte la pièce principale dont les murs ont été soigneusement remis à nu, les plus anciens datant de 1395. Au premier étage, un espace de travail collectif avoisine d’un côté un bureau plus intime et de l’autre une grande salle d’activité. « Ce lieu est magique quand la lumière du jour passe à travers les vitraux », s’émerveille Claire-Lise, une professeure de yoga qui y intervient régulièrement.

À Nootoos, le programme varie d’une semaine à l’autre. On y présente des spectacles ; parfois, le lieu est intégralement réservé par une association ou une entreprise. Certains ateliers sont cepen- dant récurrents (yoga, shiatsu, qi gong, chant, écriture, théâtre…). Ils ont trait au bien-être, au ressourcement, au soin du corps et à l’expression des émotions. «Les gens ont des besoins, il faut être à leur écoute, explique Arnaud Stoltz. Pour moi, Nootoos est un autre chemin que l’Église peut emprunter, sans s’opposer aux paroisses traditionnelles qui se situent du côté de l’Église de l’explicite. Ici, nous sommes dans l’Église de l’implicite. Nous tentons de faire exister et de répondre à la Parole : “Aimez-vous les uns les autres”, avec la relation humaine au cœur des échanges. Tout ceci est invisible de l’extérieur. »

Ouvrir les portes de l’église

C’est dans l’esprit de ce pasteur qu’est né ce projet hors norme. « En 2016, je cherchais un nouveau poste. Je connaissais l’église Saint-Pierre-le- Vieux et je savais que son activité était déclinante. J’ai proposé une expérience : cultiver l’ouverture, aller à l’encontre de notre société qui se renferme et où les gens souffrent de l’isolement. » Il monte alors une équipe pour y réfléchir. « J’avais invité six personnes et l’une d’entre elles est venue avec cinq de ses connaissances. Nous étions de tous horizons : chrétiens, musulmans, hindous, athées, agnostiques. Il fallait que le projet ait une profondeur spirituelle car nous sommes dans une église. Ensemble, nous avons identifié trois piliers qui fondent l’état d’esprit du lieu : bienveillance, simplicité et enthousiasme. »

En 2018, les portes de l’église ont été ouvertes sur la ville, des fauteuils ont été installés pour se reposer, des chaises et tables pour discuter. Chacun peut venir soumettre sa proposition. Un premier entretien permet au porteur de projet et au pasteur de s’assurer de l’adéquation de l’activité proposée aux valeurs de Nootoos. « Personne n’arrive avec un projet tout ficelé ; il faut le présenter aux autres acteurs du lieu lors de réunions prévues à cet effet, et l’enrichir à la lumière de leurs observations. Parfois, une envie ne va pas aboutir car le projet ne correspond pas à Nootoos. Comme l’équipe d’un candidat à l’élection présidentielle qui s’était ima- ginée faire un meeting chez nous. Elle a vite compris que l’église n’était pas adaptée. »

Pendant six mois, les projets se sont développés. Arnaud Stoltz a ensuite proposé au conseil presbytéral d’aller plus loin et de rénover le bâtiment pour qu’il réponde davantage aux nouveaux besoins. « La paroisse s’était résignée à mourir avec de l’argent en caisse. Je leur ai proposé de vivre avec », poursuit-il. Le bâtiment a été remis à neuf et aménagé, une sonorisation et des lumières ont été installées, tout en veillant à respecter son histoire et son architecture. Parfois, sur un mur blanc apparaît un motif floral du XVe siècle. Les salles sont modulables, on peut les ouvrir et profiter de tout le bâtiment ou fermer certains espaces avec des rideaux. Mais il faut parfois composer avec les autres occupants.

 

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Méditation et pragmatisme

Ce lundi soir, les porteurs de projets de l’année se retrouvent pour un bilan. La chorale au premier étage n’a pas terminé. Après quelques minutes de méditation introduites par Cédric Bischetti, conseiller partenaire stratégique chargé du développement professionnel de Nootoos, la discussion s’engage. Marie-Jo, Claire-Lise, Richard, Isabelle et Estelle vont s’exprimer à tour de rôle pour décrire leur expérience. Richard, représentant d’une des trois chorales qui répètent à Nootoos, témoigne : « Quel plaisir de pouvoir venir chanter en centre-ville ! La municipalité de Strasbourg nous attribue des salles dans des quartiers moins accueillants et plus difficiles d’accès. » Réussite ou inquiétude, tout se partage. Certains avouent leurs craintes pour l’avenir. Car les activités sont limitées à trois ans à Nootoos. « Nous avons vécu une crise l’an dernier car plus de 70 clés du bâtiment étaient en circulation et le lieu n’était pas toujours fermé, précise le pasteur. Il a fallu trouver un fonctionnement différent et ajouter ce nouveau critère de trois ans, pour faire tourner les espaces et permettre à d’autres de venir. »

Pour continuer à faire vivre le lieu, Arnaud Stoltz se veut pragmatique. « La rente immobilière de la paroisse permet d’entretenir les bâtiments, il faut donc que les activités financent les actions et les salaires. Il ne manque pas grand-chose. Avec 30 000 euros de plus, nous serions à l’équilibre. » À cette fin, Nootoos s’est associé à Cédric Bischetti pour proposer des ateliers de travail, d’accompagnement de projet et de reconversion professionnelle pour diverses structures (entreprises, collectivités). Cette nouvelle activité commence doucement. Nootoos continue de se laisser porter, vivant et libre !


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  le pasteur Arnaud Stoltz


« Pour moi, Nootoos est un autre chemin que l’Église peut emprunter. […] Nous tentons de faire exister et de répondre à la Parole : “Aimez-vous les uns les autres”, avec la relation humaine au cœur des échanges. »

 

 

                             


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