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L'Utopie


 
Jürgen Moltmann



Éd. Labor et fides


112 pages – 9, 90 €


Recension Gilles Castelnau


2 juin 2023

 

Les Éditions Labor et fides en collaboration avec Pierre Gisel, professeur à la faculté de théologie protestante de Lausanne, rééditent l’énorme et magnifique « Encyclopédie du protestantisme ». Voici en tirage à part dans un petit livre en format de poche l’article « Utopie ».

Il a été écrit, en son temps, par le professeur Jürgen Moltmann, toujours vivant et âgé aujourd’hui de 97 ans.

C’est lui qui avait écrit notamment la « Théologie de l’espérance », « Le Seigneur de la danse », et d’autres ouvrages marqués d’un dynamisme créateur fort encourageant.

Dans son avant-propos, la pasteur Marion Muller-Colard écrit :

 

L’utopie est une dynamique, et c'est dans cette perspective que le théologien nous en offre une analyse inspirante. Suivre, sous la plume de Moltmann, le fil avec lequel il tend le temps nous donnera vigueur et courage car, faut-il le rappeler, « pour la vie dans l'histoire, l'orientation vers le futur est d'importance vitale ». Elle dit aussi : Relire ce texte aujourd’hui nous enjoint à travailler en profondeur ce que sont nos souhaits et nos « valeurs de société ».

 

Pour en savoir plus

Neuf brefs réflexions de théologiens réputés prolongent l’article de Moltmann, tous accompagnés d’une abondante bibliographie :
Apcalypse d’Henry Mottu, Espérance de Denis Müller, Fin du monde de Clairette Karakash, Messianisme de Pierre Gisel, Millénarisme d’Henri Blocher, Parousie de Pierre Gisel, Prophétisme de Klauspeter Blasel, Récapitulation de Gérard Siegwalt et Résurrection de Pierre Gisel.

 

Voici quelques passages de ce stimulant petit livre :

 

 

Chapitre 1

Utopie et pensée utopique

Par le terme « utopie », nous désignons des images d'un avenir souhaitable qui n'a pas encore trouvé d'autre lieu de réalisation que les rêves ou les désirs des hommes. C'est au cours des crises de l'histoire humaine, et parmi les opprimés exclus de la jouissance du présent, qu'elles deviennent vivaces.

[…]

La méthode de l'utopie révolutionnaire consiste à anticiper des possibilités d'alternatives futures. On projette ses espoirs sur une vie dans l'avenir, et on les confronte à un présent porteur de mort ou lourd d'aliénations. Les utopies du bonheur et de la liberté deviennent l'espoir d'avenir de ceux qui souffrent et sont prisonniers ; elles les mobilisent dans la lutte pour la réalisation de leurs buts.

[…]

Sans le « rêve » de liberté et d'égalité, les noirs opprimés des États-Unis ne seraient pas descendus dans la rue avec le Mouvement pour les droits civiques de Martin Luther King. Sans le rêve d'une dignité propre, bien des peuples ne se seraient pas soulevés contre la dictature qui les opprimaient, ni Nelson Mandela contre le régime d'apartheid de l'Afrique du Sud.

 

 

Dans le monde du « socialisme réellement existant » de l'Europe de l'Est, on avait non seulement pratiqué une économie planifiée figée et anhistorique parfaitement inefficiente, on avait en outre réalisé l'égalité aux dépens de la liberté. C'est la raison pour laquelle cette utopie « socialiste réellement existante » s'est effondrée. C'est l'utopie capitaliste de la marchandisation globale de toutes choses et de la démocratie libérale qui a pris sa place. Ce n'est plus la « société sans classe » de Marx et Engels, mais la société du marché global qui doit être « la fin de l'histoire » (Francis Fukuyama). Mais tant que le libre marché récompensera les forts et pénalisera les faibles, il y aura des utopies opposées qui maintiendront vivante l'espérance du peuple.

 

Chapitre 2

Eschatologie et pensée eschatologique

 

Dans le Nouveau Testament, l'espérance dans le « Jour » de sa manifestation en gloire appartient substantiellement et inséparablement à la foi en Jésus le Christ. Ce « Jour du Seigneur » peut venir de façon aussi inattendue « qu'un voleur dans la nuit » (Mt 13,8), ou doit être annoncé par la « trompette de Dieu » qui réveillera les morts (1 Co 15,52) ; mais il commence déjà ici et maintenant, avec l'écoute de l'Évangile du Christ Jésus et avec l’expérience de la foi : « La nuit est avancée, le jour est tout proche » (Rm 13,12)

L'eschatologie chrétienne ne renvoie donc pas la fin à une date indéterminée, mais fait entrer le futur dans le présent, de sorte que les chrétiens commencent à vivre dans l'aurore du « Jour du Christ » et à combattre contre les puissances des ténèbres.

[…]

Dans le message de Jésus, le Royaume de Dieu est simultanément présent et à venir. Dans l'Évangile, la justice de Dieu crée foi et espérance. Les « choses dernières » sont en même temps « déjà là, maintenant » et « pas encore là ». Comme réconciliation du monde, le Royaume de Dieu est déjà là, mais comme rédemption du monde, il n'est pas encore là.

[…]

 

Aux États-Unis, la discussion sur l'eschatologie se concentre sur le « règne de mille ans » du Christ (millénium). La raison doit en être cherchée dans le messianisme politique de la religion civile des États-Unis, fondée par les Pilgrim Fathers [les « pères pèlerins »]. Ils avaient abandonné le « vieux monde » de l'Europe pour édifier un « nouveau monde » sur le continent américain. Ils avaient abandonné « Babylone » pour construire la « nouvelle Sion », le « Royaume de Dieu dans le désert ».

Abraham Lincoln décrit le « rêve américain » comme « une nouvelle nation conçue dans la liberté ». « Cette nation placée sous Dieu » est destinée « à sauver le monde pour la démocratie » (Franklin Delano Roosevelt). Elle est une « nation rédemptrice » élue (Ernest Lee Tuveson, Redeemer Nation. The Idea of America's Millennial Role, Chicago, Univ. of Chicago Press, 1968) et doit trouver sa tâche dans et pour le « Règne millénaire du Christ ». Dans leurs discours ès fonctions, les présidents américains ont régulièrement invoqué cette mission messianique des États-Unis pour le monde.

 

Chapitre 3

Espérer et penser clairement

 

Le réaliste qui ne compte qu'avec la réalité existante est un utopiste du statu quo, un état qui n'existe pas, puisque tout est en devenir ! Les possibilités lui échappent, et il ne sait même pas que les réalités ne sont en fait rien d'autre que des possibilités réalisées. La possibilité est en ce sens plus que la réalité, car une possibilité peut devenir réalité, mais une pure réalité ne saurait redevenir possibilité. Le chemin de la réalisation est irréversible.

[…]

L'eschatologie chrétienne dépouille les rêves utopiques de l'humanité de leur caractère divin ; en même temps, elle les corrobore en tant que buts humains et terrestres visant à la libération des opprimés et à l'amélioration du monde. Celui qui espère en la résurrection des morts aimera dès maintenant la vie et résistera aux puissances de mort qui la ruinent. L'espérance chrétienne n'est pas un opium de l'au-delà, mais une force dynamique pour changer l'ici-bas.

[…]

 

Parce que, dans la foi, est faite une expérience de la paix de Dieu, il y naît le désir ardent de la « paix sur la terre ». Et parce que, dans la foi, est faite une expérience de la justice de Dieu qui met de l'ordre, il y naît l'espoir d'un monde juste. Celui qui croit ainsi en Dieu est confiant pour l'avenir de la terre et ne désespère pas.

 […]

 

Les hommes saisis par l'espérance chrétienne anticipent, avec leurs forces subjectives et leurs possibilités objectives, l'avenir du « Royaume de Dieu », en s'engageant pour ceux qui sont privés de leurs droits, pour la guérison des malades et pour la sauvegarde de la nature.

 

 

Pour en savoir plus

Prophétisme

Klauspeter Blaser

 

Les chrétiens participant à l'office du Christ sont eux-mêmes appelés à faire retentir la parole qui conduit à révéler en toute vérité le statut du monde face aux mensonges, optimistes ou pessimistes, ainsi qu'à confronter les autorités ecclésiastiques ou politiques avec la vraie seigneurie, donc avec les limites de tout pouvoir. La critique à l'endroit du pouvoir est liée à l'annonce du Royaume, et l'office prophétique est celui à la fois du guetteur et du serviteur responsable.

Dans les situations d'injustice et d'oppression, les traditions prophétiques se sont avérées très importantes (guerre des Camisards [1792-1704], Église confessante [dès 1934, en dissidence du régime nazi], mouvements et théologies de la libération [dernier tiers du XXe siècle], etc.). Par ailleurs, le prophète joue un grand rôle dans les Églises indépendantes de type pentecôtiste et charismatique d'Afrique (cf Simon Kimbangu [1887-1951], William Wade Harris [1860-1929], Isaiah Shembe [env. 1865-1935] et d'autres) ou d'ailleurs, ainsi que dans les cultes nativistes (par exemple les « Cultes du cargo » en Mélanésie).

 

 

 

                             


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